Comment gérer les pratiques religieuses en entreprise
Voile, prière, demandes d'absence ou horaires aménagés sont autant de revendications des salariés souhaitant concilier travail et religion. Pour faire face à ces questions et éviter les situations de blocage, une solution s'offre à vous : le dialogue.
Je m'abonne Du 7 au 9 janvier dernier, les attentats qui ont touché le pays ont relancé le débat sur la place de la religion dans notre société. L'Observatoire de la laïcité a émis 11 propositions pour renforcer la cohésion nationale, parmi lesquelles figure la publication d'une circulaire sur la gestion du fait religieux en entreprise.
L'objectif : rappeler les règles applicables et prévenir, en amont, tout conflit sur le sujet. Car s'il est une réalité relativement peu présente dans le monde du travail, le fait religieux cristallise certaines crispations et les dirigeants et manageurs sont parfois démunis face à lui. L'étude de 2014 de l'Observatoire du fait religieux en entreprise révèle en effet que la majorité des manageurs de proximité ne sont plus en mesure de gérer ces situations lorsqu'elles débouchent sur un blocage ou un conflit.
Un cadre législatif strict
Pourtant, la loi définit et restreint les droits et devoirs des employeurs sur la question. D'abord en vous interdisant d'imposer, de façon arbitraire et générale, des mesures limitant la religion dans votre structure. "La pratique de la religion est une liberté constitutionnelle. On ne peut la restreindre, par application du code du travail, de manière autoritaire", rappelle Slimane Laoufi, chef du pôle Emploi privé du Défenseur des droits.
En effet, la liberté de conviction est protégée par de nombreux textes internationaux, communautaires et nationaux, parmi lesquels l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ou encore le préambule de la Constitution française de 1946. Toutefois, si le code du travail stipule que ni le règlement intérieur ni personne dans l'entreprise ne peuvent apporter "aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions", il précise des conditions appelant à des mesures "justifiées" et "proportionnées" qui peuvent faire exception.
Des exceptions au cas-par-cas
Ainsi, un comportement prosélyte de la part d'un collaborateur ou des conditions particulières d'hygiène et de sécurité légitiment des limites à la liberté de culte imposées par l'employeur. Vous êtes donc autorisé, comme le souligne le rapport annuel 2014 de l'Observatoire de la laïcité, à prendre des dispositions si vous vous heurtez au refus d'un machiniste travaillant sur une chaîne de production de tailler ou protéger sa barbe, d'une chimiste manipulant des produits dangereux d'ôter son voile ou son foulard, ou d'un salarié à se rendre à la visite médicale au motif que sa religion lui interdit de se dévêtir devant une personne de sexe opposé.
Au-delà de ces règles spécifiques, les textes restreignent également la liberté de religion dans les cas où elle entrave la bonne réalisation de la mission pour laquelle un salarié est embauché, l'organisation d'un département ou de l'entreprise, ou l'efficacité d'une équipe. Dans cette optique, prenez en compte les conséquences directes du comportement du salarié sur son travail, sa mission et sur le fonctionnement de votre structure.
Instaurez le dialogue
Vous pouvez alors décliner, par exemple, la requête d'un salarié souhaitant quitter une réunion plus tôt, demandant au dernier moment une absence pour fête religieuse ou refusant de se rendre en déjeuner professionnel pendant la période de son jeûne.Toutefois, ces refus doivent impérativement être justifiés par la nécessité avérée de la présence du salarié concerné.
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"Dans tous les cas, l'employeur ne peut faire de généralités et ces situations doivent se traiter au cas-par-cas, avertit Slimane Laoufi. Il faut discuter avec la personne et, dans la mesure du possible, chercher un compromis, une solution acceptable pour les deux partis. C'est là que les PME ont un avantage, car le management est plus proche, le dialogue plus facile." Face à une demande à laquelle vous pouvez difficilement accéder, expliquez vos difficultés d'organisation, offrez à votre collaborateur l'opportunité d'émettre des propositions et, surtout, ouvrez au maximum le champ des possibles. Car vous pouvez trouver autant de solutions que de requêtes, salariés ou équipes. L'essentiel est de prendre suffisamment de recul pour approcher le sujet sans basculer dans la discrimination ou, au contraire, le privilège.
" Les demandes ayant trait à la religion doivent être traitées comme toute autre requête ou revendication. Cela ne veut pas dire tout accepter ou tout refuser, mais y accorder la même considération ", appuie Sabine Coullet Cantarini, formatrice chez EFE sur le fait religieux. Autoriser des temps pour la prière ou des ajustements d'horaires en période de jeûne est alors comparable à accepter les pauses cigarettes ou les aménagements pour les pères et mères de famille.
Et pour éviter qu'une disposition soit perçue comme un traitement de faveur, informez, sensibilisez et incitez vos salariés au dialogue. Créer du lien social est en effet le meilleur remède pour prévenir les situations de blocage sur la question de la religion. Pour cela, de nombreux outils s'offrent à vous : charte, affichage d'informations, rencontres informelles, intervention de formateurs, opération de team building... Car le fait religieux est, avant tout, question d'écoute, de responsabilisation et d'intelligence collective.