Paie : la triple réponse des entreprises à la pénurie de talents

Confrontées à un manque criant de profils qualifiés, les entreprises internationales réinventent leurs services de paie en misant sur trois leviers majeurs : la formation, l'externalisation et l'intelligence artificielle. Un tournant stratégique pour un domaine en pleine mutation.
Je m'abonneLongtemps considérée comme une fonction administrative, la gestion de la paie est aujourd'hui un pilier stratégique au sein des grandes entreprises. Mais ce pilier vacille : les difficultés de recrutement, la complexité croissante des réglementations et les exigences de productivité créent un cocktail explosif. Selon l'étude mondiale menée par ADP auprès de 1 825 cadres dirigeants dans 20 pays, dont la France, 61 % des multinationales déclarent subir les effets d'une pénurie de talents dans leurs équipes paie. En France, ce chiffre atteint 58 %. Face à cette tension durable, les entreprises revoient en profondeur leurs priorités.
Former plutôt que chercher l'introuvable
Recruter des experts de la paie devient un casse-tête : 53 % des entreprises (en France comme à l'international) peinent à trouver des profils qualifiés. Résultat, les organisations se tournent vers l'upskilling. En 2025, 81 % des entreprises déclarent investir dans la formation de leurs équipes existantes (78 % en France), contre 72 % en 2022. L'objectif : renforcer les compétences internes plutôt que de s'en remettre à un marché tendu.
Cette stratégie présente un double avantage : fidéliser les collaborateurs en leur offrant des perspectives d'évolution et renforcer l'agilité de l'organisation. En effet, dans un environnement où les réglementations évoluent rapidement, disposer d'une équipe formée en continu devient un gage de conformité et de performance.
L'externalisation, levier d'efficacité et de recentrage
Autre réponse à la pénurie : l'externalisation partielle ou totale des processus de paie. En 2025, 76 % des multinationales interrogées (74 % en France) déclarent y recourir pour soulager leurs équipes internes. Plus encore, 72 % envisagent d'externaliser l'ensemble de leurs processus à l'échelle internationale (76 % en France), un chiffre révélateur de la recherche d'agilité et de standardisation.
Ce choix stratégique permet non seulement de compenser le manque de ressources, mais aussi de recentrer les équipes internes sur des missions à plus forte valeur ajoutée, telles que l'analyse, la conformité ou l'expérience collaborateur. Externaliser ne signifie donc pas déléguer à l'aveugle, mais repenser les rôles au sein de la fonction paie.
L'intelligence artificielle s'impose dans le back-office RH
La troisième réponse à cette crise de compétences s'inscrit dans la transformation numérique : 58 % des entreprises dans le monde (52 % en France) explorent l'intégration de l'IA dans leurs processus de paie. L'objectif ? Gagner en productivité tout en réduisant la charge administrative.
L'automatisation des tâches répétitives - saisie, reporting, corrections d'erreurs, réponse aux questions des collaborateurs - permet d'alléger le quotidien des équipes. En France, cependant, la priorité reste la sécurité des données (31 %), devant l'adoption de l'IA (30 %) et la productivité (28 %), signe que la confiance technologique doit encore se consolider.
Mais le rôle de l'IA ne se limite pas à l'automatisation : elle offre également des perspectives d'analyse prédictive, de détection d'anomalies ou de conseil en matière de pilotage RH. Un véritable changement de paradigme pour la fonction paie, traditionnellement cantonnée à l'exécution.
Réconcilier technologie et humain : le nouveau défi RH
Comme le souligne Carlos Fontelas De Carvalho, président d'ADP France et Europe centrale : « Les entreprises attendent aujourd'hui bien plus de la paie qu'autrefois. » L'enjeu n'est plus seulement de verser les salaires à temps, mais de produire des données fiables, d'éclairer la stratégie RH et d'optimiser l'expérience collaborateur.
Pour atteindre ces objectifs, les organisations doivent trouver le bon équilibre entre humains et technologies. En France, les priorités données aux équipes paie pour les années à venir sont parlantes : la sécurité (55 %), l'intégration des technologies (53 %), l'analyse de données et la réponse aux collaborateurs (52 %). Le service de paie de demain sera hybride, agile et stratégique.
Un enjeu central pour les dirigeants : accompagner cette mutation en investissant dans les bons outils, mais aussi dans les bonnes compétences. Car au-delà des chiffres, c'est bien la qualité du lien entre collaborateurs, managers et directions RH qui se joue à travers cette transformation.