Monde du travail : doit-on vraiment "laisser des plumes" pour réussir ?

Burn-out, démotivation, perte de sens, absurde quotidien... Pour beaucoup, le travail est devenu un terrain miné émotionnellement. Si la souffrance au travail n'est pas nouvelle, elle semble aujourd'hui largement banalisée, presque attendue. Est-ce une fatalité ? Et quel rôle peuvent jouer les dirigeants pour y mettre fin ?
Je m'abonneLes mutations du monde du travail n'ont pas seulement rebattu les cartes de la performance ou de l'organisation : elles ont aussi profondément impacté la manière dont les individus vivent leur quotidien professionnel. Pour les dirigeants, il est temps d'ouvrir les yeux sur une réalité préoccupante... et de s'interroger sur les leviers à activer pour (re)donner envie de travailler.
Fatigue professionnelle : un phénomène de fond
Qui n'a pas dans son entourage une personne en burn-out, en arrêt longue durée, ou en quête de reconversion ? Là où il y a dix ans ces situations apparaissaient comme des cas isolés, elles sont aujourd'hui monnaie courante. En toile de fond, un sentiment généralisé de désillusion vis-à-vis du monde professionnel : 23 % des salariés interrogés par Indeed en 2023 envisagent sérieusement de démissionner. Et parmi ceux qui restent ? Combien sont en train de "quiet quitter" ou d'attendre une meilleure opportunité, sans réel attachement à leur poste actuel ?
Manque de reconnaissance, absence de perspectives, missions sans sens ou management défaillant... Les causes sont multiples mais convergent vers un constat partagé : les entreprises ont encore du mal à proposer une expérience professionnelle humaine et épanouissante.
Recrutement et fidélisation : l'angle mort du sens
Souvent, le malentendu commence dès l'embauche. En privilégiant les diplômes plutôt que les compétences réelles ou les aspirations, en négligeant l'écoute active durant les entretiens, beaucoup de recruteurs enferment les candidats dans des cases. Résultat : une inadéquation entre les missions proposées et les réelles envies ou capacités des collaborateurs.
L'étude d'Indeed souligne d'ailleurs que plus de 75 % des employeurs estiment qu'ils auraient pu éviter certaines démissions s'ils avaient été plus attentifs aux besoins de leurs équipes. En d'autres termes : l'hémorragie de talents n'est pas une fatalité, mais souvent la conséquence d'un défaut de dialogue et de reconnaissance.
Culture managériale : le temps long du changement
Parmi les signaux faibles à ne pas négliger, la question du droit à la déconnexion illustre bien la fracture entre intentions managériales et réalité du terrain. Si 74 % des recruteurs affirment l'avoir intégré dans leurs priorités, seuls 42 % des salariés le perçoivent réellement. Et encore 42 % dénoncent un manager qui ne respecte pas cette règle.
L'enjeu n'est pas simplement de "déconnecter" mais de repenser le rapport au travail. L'évaluation des collaborateurs reste trop souvent centrée sur le temps passé plutôt que sur la valeur créée. Cette culture du présentéisme, profondément ancrée en France, nuit à la motivation et à l'efficacité. Comme le souligne Eric Gras (Indeed), les attentes ont évolué : beaucoup aspirent à travailler mieux, pas forcément plus.
Que peuvent faire les dirigeants ?
Pour les entrepreneurs, dirigeants de PME ou de start-up, la prise de conscience est urgente. Il ne suffit plus d'installer un baby-foot ou d'organiser un team building trimestriel. La clé est ailleurs : dans l'écoute, la reconnaissance, la co-construction des parcours et une meilleure compréhension des singularités.
Cela implique de :
- repenser les processus de recrutement pour valoriser les compétences et les motivations ;
- former les managers à un leadership plus humain et moins vertical ;
- instaurer un dialogue régulier sur les attentes et les conditions de travail ;
- oser flexibiliser l'organisation pour s'adapter aux modes de fonctionnement les plus efficaces pour chacun.
Bref, redonner du sens au travail est une mission stratégique. Non seulement pour préserver la santé mentale des équipes, mais aussi pour renforcer leur engagement, leur fidélité et, in fine, la performance de l'entreprise.
Chiffres : Indeed