Qui est le véritable imposteur du management ?
Le 9 octobre dernier, la philosophe Julia de Funès faisait la « une » d'un grand magazine pour dénoncer « les impostures du management »(1). Dans son viseur : les coachs professionnels, depuis longtemps sa cible préférée. Seulement, lorsqu'on aborde le sujet des pratiques managériales, mieux vaut savoir, au préalable, de quoi on parle.
Je m'abonneSurfant sur la nostalgie du retour aux « vieilles méthodes » et sur la vague du conservatisme, Julia de Funès, à l'instar d'autres éditorialistes à la mode, part en croisade contre la moralisation du management. Pour elle, il s'agirait du mal majeur dont souffrent les entreprises aujourd'hui, fustigeant au passage le coaching, qui serait devenu un business peu recommandable. Passons sur le fait que cette vision dénigre une profession entière, en n'en retenant que les exceptions.
Coachs ou philosophes de plateau : qui sont les véritables imposteurs ?
Comme tout métier, le coaching connaît sans doute son lot de brebis galeuses, mais il est, dans sa grande majorité, exercé par des professionnels reconnus et certifiés, respectant des règles strictes de déontologie, régies au niveau international (certifications ICF ou EMCC). Cette vision dénigre aussi les clients du coaching. Des entreprises de premier plan et de tout secteur d'activité, tels qu'Adecco, Edenred, Samsung, Foncia, pour ne citer que quelques exemples, mais aussi de nombreuses start-up, ETI et autres grands groupes du CAC 40, ayant recours à ces méthodes pour améliorer leurs performances. Plus grave encore, les propos de Mme de Funès traduisent une profonde méconnaissance de la réalité des entreprises. Quand y avez-vous d'ailleurs exercé, Madame la philosophe, vous qui prônez le retour à un management dit « libéral » ?
Rompre avec le management « à l'ancienne »
À l'ère d'Internet et de l'IA, le management des années 90 ou 2000 n'est plus d'actualité. Face à eux, les managers ont désormais, d'un côté, des seniors fragilisés, et de l'autre, la GenZ, qui arrive avec ses propres attentes et un nouveau rapport au travail. Une génération « zapping » qui raisonne en 140 caractères, par ailleurs profondément angoissée par l'avenir, notamment par le changement climatique. Ses représentants sont ainsi 5 fois plus nombreux que les autres générations à exprimer des problèmes de santé mentale(2).
Pour accompagner leurs équipes et relever ces défis modernes, les managers doivent donc s'adapter et développer leurs soft skills : communication, empathie, capacité à résoudre les conflits. Ce sont ces savoir-être qui leur permettront de transmettre les bons messages, de motiver leurs collaborateurs et de les « embarquer » pour les faire monter en compétences. Et c'est bien mal connaître l'entreprise française que de croire qu'elles sont aujourd'hui survalorisées au détriment des savoir-faire techniques. La plupart des managers sont au contraire des experts de leur métier qui, pour évoluer, sont passés à l'encadrement, bien souvent sans y avoir été formés. Raison pour laquelle beaucoup de ces excellents techniciens deviennent de piètres managers.
Sortir des caricatures
C'est tout le travail des coachs que de les aider à développer leurs soft skills. Celles-ci ne sont pas innées. Elles ne se résument pas non plus à être « cool » ou « sympa », contrairement à ce décrit Mme de Funès3. Ce qui est demandé au manager est bien plus complexe que cela. Manager, c'est savoir déléguer, inspirer, guider, recadrer. Des compétences qui se cultivent au quotidien, à la manière d'un sportif s'entraînant chaque jour pour conforter ses acquis et continuer à progresser.
Que Mme de Funès se rassure : le mérite, tout comme la notion d'efforts, sont donc toujours au centre de l'équation. Il ne s'agit pas de les remettre en cause, pas plus que de tomber dans une sorte de pensée positive « naïve », dénuée d'esprit critique. Je rejoins d'ailleurs la philosophe sur certains points, comme l'excès parfois abusif de process ou le nécessaire courage managérial, un pilier de la fonction d'encadrement. Je m'oppose, en revanche, à la vision caricaturale qu'elle livre de l'entreprise et du coaching. Une vision éloignée de la réalité, et dont je suis prêt à débattre avec elle, pour rétablir quelques vérités.
1 L'Express, « Les impostures du management », 9 octobre 2024
2 Étude du Mc Kinsey Health Institude, Mai 2022 - Heat waves, the war in Ukraine, and stigma: Gen Z's perspectives on mental health | McKinsey
3 L'Express, 9 octobre 2024 : "Mais je préfère un pilote de ligne compétent et très désagréable à un apprenti pilote divertissant ! On préfère tous un médecin sympa à un médecin austère, un enseignant cool à un enseignant odieux. »
Laurent Tylski est coach de dirigeants. Il est co-fondateur de la société ACTEO® Consulting, une société de conseil et de formation en développement personnel, management et vente.