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Abandon de poste du salarié : comment réagir ?

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Abandon de poste du salarié : comment réagir ?

Le chef d'entreprise peut être confronté à l'absence prolongé de son salarié, qui ne lui donne aucun signe de vie, ni ne lui adresse aucun justificatif. En réaction à cet abandon de poste, il est recommandé d'agir stratégiquement.

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L'abandon de poste intervient souvent lorsque le salarié souhaite quitter l'entreprise, en percevant les allocations d'assurance-chômage, et que l'employeur refuse de conclure avec lui une rupture conventionnelle. Cette situation soulève de nombreuses questions.

1. L'abandon de poste peut-il être assimilé à une démission ?

La démission ne peut résulter que d'une manifestation non équivoque de la volonté du salarié de quitter son poste. Par conséquent, la jurisprudence refuse de considérer comme démissionnaire le salarié en situation d'abandon de poste.(1)

Certaines conventions collectives peuvent prévoir que le salarié absent pendant un certain délai est réputé démissionnaire. Toutefois, la Cour de cassation considère que de telles dispositions ne sont pas valables et l'employeur ne peut donc considérer le contrat de travail comme rompu du fait du salarié.(2)

A défaut, la rupture du contrat doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2. Comment le chef d'entreprise doit-il réagir face à un abandon de poste ?

Si le salarié quitte son travail sans motif, la première réaction consiste à s'interroger sur le motif de cette absence. Il est possible, en effet, que le salarié soit malade ou dans l'incapacité de justifier de son absence pour une raison légitime.

Aussi, il est conseillé d'appeler le salarié ou ses proches, de leur envoyer un email ou un courrier, afin de tenter de connaître le motif de l'absence du salarié.

Faute de nouvelles, il convient d'envoyer au salarié une mise en demeure de reprendre son poste ou de justifier de son absence. Si aucune réponse n'est apportée, il est alors envisageable de convoquer le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement.

3. Des délais spécifiques doivent-ils être respectés ?

Il est important d'agir assez vite en cas d'abandon de poste, puisque l'absence sans motif du salarié est censée causer un préjudice à l'entreprise.

La Cour de cassation a ainsi pu juger que l'employeur, ayant engagé une procédure de licenciement plus de 6 semaines après un abandon de poste, ne saurait invoquer une faute grave à l'appui du licenciement.(3)

Par ailleurs, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.(4)

Sur le fondement de ce texte, la Cour de cassation considère que l'abandon de poste, qui présente un caractère instantané, ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà du délai de 2 mois.(5)

4. Comment doit être traitée la paie du salarié ?

Le salaire étant la contrepartie du travail fourni par le salarié, l'absence injustifiée entraîne nécessairement la suspension de sa rémunération. La Cour de cassation se prononce naturellement dans ce sens.(6)

En revanche, le salarié ne perd pas son droit aux éléments de rémunération déconnectés de son temps de présence (comme par exemple des commissions dues à un négociateur immobilier).

Le bulletin de salaire doit faire mention de la période d'absence injustifiée du salarié et de la retenue de rémunération correspondante.

5. Est-il obligatoire de licencier le salarié ?

En présence d'un abandon de poste, certains chefs d'entreprise ne procèdent pas au licenciement du salarié, mais se contentent de suspendre le versement de son salaire. En effet, l'employeur n'a pas d'obligation légale de licencier le salarié et il peut être tentant d'attendre, tout simplement, sa démission...

Toutefois, cette solution présente plusieurs risques pour l'entreprise.

Tout d'abord, comme indiqué ci-dessus, l'employeur ne peut plus procéder valablement au licenciement du salarié plus de 2 mois après son absence.

Par ailleurs, si le salarié n'est pas licencié, celui-ci peut reprendre son poste plusieurs mois après son absence, ce qui cause alors une désorganisation importante.

En conclusion, il est vivement recommandé de procéder au licenciement du salarié en cas d'abandon de poste.

6. Quel est le motif du licenciement pour abandon de poste ?

Le licenciement pour abandon de poste est un licenciement pour faute grave, puisque le salarié manque à son obligation principale consistant à fournir sa prestation de travail.

A titre d'illustration, constitue une faute grave l'absence injustifiée et prolongée d'un salarié malgré plusieurs relances de l'employeur.(7) D'ailleurs, le conseil de prud'hommes est toujours compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute commise par le salarié. Ainsi, dans certains cas, il peut estimer que l'abandon de poste repose seulement sur une faute simple ou, même, qu'il n'est pas fautif.

A titre d'exemple, le licenciement pour abandon de poste du salarié n'est pas justifié si celui-ci reproche à l'employeur, avec raison, une modification unilatérale de son contrat de travail.(8)

7. Que faire si le salarié reprend son travail en cours de procédure ?

Si le salarié reprend son travail après la mise en demeure de l'employeur ou à l'issue de l'entretien préalable à son éventuel licenciement, le licenciement pour faute grave devient plus fragile.

En effet, pour être valable, le motif de licenciement doit toujours exister au jour de la notification du licenciement.

La Cour de cassation a ainsi jugé que le salarié qui s'absente sans autorisation ne peut pas être licencié pour faute grave s'il s'est conformé à la demande de l'employeur de réintégrer son poste de travail.(9)

En présence d'une telle situation, la lettre de licenciement doit donc être adaptée pour tenir compte du fait que le salarié n'est plus en abandon de poste.

En d'autres termes, l'employeur reste libre, le cas échéant, de licencier le salarié pour faute simple, en raison de son absence injustifiée passée.

8. Quelles indemnités doivent être versées au salarié ?

Le licenciement pour abandon de poste étant généralement fondé sur une faute grave, le salarié perd son indemnité de licenciement(10) et son indemnité de préavis.(11)

Certaines conventions collectives prévoient cependant que le licenciement pour faute grave n'est pas privatif d'indemnité de licenciement et/ou de préavis. En ce cas, ces dispositions conventionnelles doivent être respectées par l'employeur.

Enfin, le salarié licencié pour faute grave a droit à son indemnité compensatrice de congés payés.

Pour en savoir plus

Xavier Berjot, avocat associé chez Sancy-Avocats, expert en droit du travail.

[1] ex. Cass. soc. 24 mars 1998 n° 96-40.805.

[2] Cass. soc. 29 octobre 1991 n° 88-45606.

[3] Cass. soc. 6 décembre 2000 n° 98-43441.

[4] C. trav. art. L. 1332-4.

[5] Cass. soc. 29 janvier 2003 n° 01-40036.

[6] Cass. soc. 17 novembre 2010 n° 09-41280.

[7] Cass. soc. 23 janvier 2008 n° 06-41671.

[8] Cass. soc. 22 mai 2001 n° 99-41146.

[9] Cass. soc. 29 février 2012 n° 10-23183.

[10]C. trav. art. L. 1234-1.

[11]C. trav. art. L. 1234-5.

 
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