Diversité, inclusion : où en sont les entreprises ?
Par crainte de malentendus, voire de discriminations en interne, les entreprises avancent doucement sur les sujets de diversité et d'inclusion. Pourtant, impulsées par le dirigeant, étendues à toute l'entreprise, elles sont gages de performance.
Je m'abonneEn janvier 2020, une vidéo mettant en scène deux salariés du Slip Français secoue les réseaux sociaux. Sur la thématique "Viva Africa", une femme habillée en boubou arbore un visage grimé de noir quand un de ses collègues, déguisé en singe, pousse des cris. Coup dur pour la PME tricolore qui surfe sur le succès de ses produits made in France. Son dirigeant, Guillaume Gibault, veillera à s'excuser pour l'attitude de ses collaborateurs. Mais la question de la sanction pour des actions de la sphère privée se pose. Et, dans une moindre mesure, celle de la diversité en entreprise.
Dans la presse, l'entrepreneur assure que cet épisode l'a incité à se rapprocher de l'association SOS Racisme pour dessiner les contours d'une politique RH plus diverse et plus inclusive. Mais que cachent ces mots ? " La première difficulté à laquelle faire face quand on parle de diversité et d'inclusion, c'est qu'en France et plus généralement en Europe, on ne sait pas ce que cela veut dire ", indique Caroline Chavier, CEO du cabinet de recrutement The Allyance.
L'experte avance une réponse : "La diversité, c'est comment je peux m'assurer d'avoir des gens dans mon entreprise qui sont divers. L'inclusion, c'est comment m'assurer que ces personnes diverses seront pleinement épanouies et performantes au sein de l'entreprise. " Ou, pour reprendre une métaphore souvent entendue sur le sujet, la diversité c'est inviter les personnes au bal. L'inclusion, c'est les inviter à danser. Si la première relève d'une problématique de recrutement, la seconde adresse, elle, des problématiques de management. Et les deux cumulées forment un sujet d'entreprise que les dirigeants doivent véritablement prendre à bras le corps.
Une diversité... de diversités
Pour commencer, il faut savoir que la diversité peut prendre différentes formes. La plus connue est celle de genre, défendue à travers l'égalité femmes-hommes. Mais ce serait très réducteur de s'y limiter. À relever également : la diversité de génération, celle liée à l'origine sociale et culturelle, celle de handicap et celle qui a trait à l'orientation sexuelle. De plus en plus, celle de l'apparence physique est prise en compte, notamment autour des codes vestimentaires ou de la grossophobie. Quant à la religion, le sujet reste encore bien trop tabou pour être réellement travaillé. Car toutes ces diversités sont-elles traitées de la même manière ?
Il s'avère que les politiques et actions publiques se sont cristallisées sur les travailleurs handicapés et les femmes, à grand renfort d'obligations légales. Le quota de 6 % de travailleurs en situation de handicap au sein d'un effectif a incité les entreprises à quelques efforts. D'autres ont préféré s'acquitter d'une contribution à l'Agefiph pour ne plus se préoccuper de ces travailleurs un peu "différents".
Quant à la parité, elle est appliquée très graduellement. Dans un premier temps, la loi Copé-Zimmermann votée en 2011 fixe un quota de 40 % de femmes dans les conseils d'administration. Une décision appliquée depuis le 1er janvier 2017. Par la suite, l'index égalité femmes-hommes devient obligatoire en mars 2019. Il doit supprimer les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes et ne concerne, alors, que les entreprises de plus de 1000 salariés. Les plus mauvaises élèves doivent se plier à une nécessaire correction, ou s'acquitter d'une pénalité financière. Ce principe a été progressivement étendu à toutes les entreprises. " Concernant la diversité de genre, les lignes sont en train de bouger, convient Isabelle Rouhan, présidente du cabinet Colibri Talent. Mieux, la mixité est facilement quantifiée. Même si dans les faits, l'écart de salaire reste de 24 % au global. Néanmoins, on met des chiffres dessus, ce qui n'est pas le cas avec les autres types de diversité. " Selon elle, il n'y aura pas d'amélioration possible de la situation sans des éléments-clés. Il faut donc mesurer la diversité, quelle qu'elle soit. Et il faut des index transverses et suivis dans le temps.
Des mesures nécessaires
Attention, il n'est pas là question de quotas, mais d'indicatifs précis entre une situation en l'état et une situation souhaitée. Autrement dit, il s'agit de regarder l'existant, ce qu'on a envie de faire et ce qui pourrait fonctionner. C'est un repère qui permet de mettre en place une action.
Quatre critères sont faciles à recueillir : le sexe, l'âge, le handicap et la nationalité. Les progrès se mesurent au niveau du recrutement, de l'intégration, de l'évolution professionnelle et de la politique de rémunération. À chaque fois, il est possible de réaliser des statistiques en fonction des populations concernées. " Il faut aussi regarder le paysage légal, met en garde Caroline Chavier. Certains aspects sont cachés et on ne peut pas savoir, par exemple, combien il y a de personnes LGBT (lesbienne, gay, bi, transgenre) dans l'entreprise. On l'apprend lors de moments informels, au détour d'une conversation, mais l'entreprise ne peut pas collecter ce genre d'informations sur ses équipes. " La solution que préconise l'experte ? La mise en place de questionnaires anonymisés. " Cependant, même la formulation peut être maladroite ! C'est pourquoi, il ne faut pas hésiter à se faire accompagner par des associations qui soutiennent ces populations ", propose-t-elle.
C'est le cas par exemple de L'Autre Cercle, qui défend la position des LGBT+ en entreprise. Son action la plus forte ? La création d'une charte qui donne un cadre formel en incluant la thématique LGBT+ dans une politique de promotion de la diversité et de prévention des discriminations. Cent-quarante entreprises, associations, collectivités l'ont signée à ce jour. " Un employeur peut être tenté de dire qu'il développe une politique de diversité. Mais n'est-il pas pour autant discriminant... sans le savoir ?, soulève Catherine Tripon, porte-parole de L'Autre Cercle. Dans les documents de communication, est-ce qu'il ne parle pas uniquement du père et de la mère, du mari et de la femme, etc. ? "
Se pose la question de la visibilité : si aucun signal en sa faveur n'est activé, jamais un collaborateur gay ou une collaboratrice lesbienne ne prendra le risque de se mettre en avant. " Avoir une politique de diversité, l'écrire et l'afficher, veut dire que le collaborateur peut activer un droit ", poursuit Catherine Tripon. Un enfant malade, une soirée d'entreprise où les conjoints sont invités, le besoin de poser des jours pour un mariage ou un Pacs... autant d'instants de la vie courante qui vont de pair avec des droits acquis pour les collaborateurs. Ce sont des questions de conjugalité et de parentalité, avec des droits associés dont le collaborateur pourrait avoir un jour besoin. Si l'entreprise n'exprime pas sa neutralité, difficile de franchir le pas.
" Des bénéfices visibles à court, moyen et long terme "
Caroline Courtin, responsable Diversité et Inclusion - RSE RH de BNP Paribas.
Comment se définit la politique Diversité et Inclusion chez BNP Paribas ?
Tous les volets de la diversité sont traités de façon égale. Mais ces politiques ne se décrètent pas seules dans l'entreprise. C'est pourquoi nous veillons à intégrer les réseaux de collaborateurs dans l'ensemble des réflexions conduites sur ces sujets. Il s'agit d'un travail quotidien dont les bénéfices sont visibles à court, moyen et long terme.
Le groupe est assez actif notamment en faveur des collaborateurs LGBT+. Comment ?
L'un des actes fondateurs a été la signature de la charte de L'Autre Cercle en 2015. Cela a permis de réaffirmer que l'homophobie et la transphobie n'ont pas leur place chez BNP Paribas et que le groupe mettrait tout en oeuvre pour que tout collaborateur et collaboratrice LGBT+ - et leurs proches - soit inclus. Cela signifie, par exemple, de pouvoir raconter le lundi matin, librement et en sécurité, son week-end avec son ou sa partenaire, même si il ou elle est de même sexe. Le réseau Pride and Allies (ouvert aux alliés hétérosexuels) est très important dans ce dispositif de sensibilisation. Nous organisons également des événements consacrés à la parentalité. Le dernier en date a notamment permis d'aborder le sujet du coming out en famille.
Pouvez-vous citer quelques évolutions révélatrices ?
Nous mesurons ces points depuis 2010 à travers notre enquête collaborateurs annuelle. Trois des cinq questions qui ont le plus progressé en 10 ans sont liées à la diversité et l'inclusion. Parmi les indicateurs clés, le taux de salariés porteurs de handicap était inférieur à 2,5 % en 2010. Il est monté à 4,74 % l'année dernière.
Ces démarches sont-elles accessibles aux TPE-PME ?
Ces sujets peuvent être portés par un DRH ou par le chef d'entreprise. Il faut définir une politique, s'assurer qu'elle soit mise en place et que des positions fortes soient prises et exprimées. Des actions de sensibilisation et de formation autour des stéréotypes et de la diversité peuvent être organisées. J'encourage les entreprises à travailler en coalition, comme l'initiative Stop sexisme. Il est possible de s'inspirer de pratiques mises en place au sein d'autres entreprises.
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