[Tribune] Un entrepreneur par temps de Covid-19 doit oser sortir du peloton
Pour anticiper les lendemains de crise et permettre à son entreprise de continuer son développement, le chef d'entreprise doit pouvoir tenir financièrement dans la durée, affirmer son leadership et assumer son métier d'entrepreneur.
Je m'abonneLa crise du Covid-19, dont personne ne peut prédire ni le déroulement ni la durée, oblige à prendre le recul nécessaire sur nos façons de penser et nos modes d'organisation. Deux écueils sont à éviter dans la projection que chaque chef d'entreprise se doit d'avoir dès maintenant : penser que nous reviendrons au " business as usual " ; et attendre l'arrivée d'un nouveau monde comme l'annoncent les thuriféraires du " grand jour " que l'on entend dans les media à chaque crise.
L'entreprise a toujours été et reste une aventure humaine collective qui mobilise des énergies et des capitaux pour mettre sur le marché une offre qui doit être la plus adaptée et différenciante possible pour une demande solvable. Il faut donc à la fois se focaliser sur ces invariants et " sentir " le monde qui se dessine. Comme toujours, c'est l'entrepreneur, la qualité et la motivation de ceux qui l'accompagnent et l'exécution des décisions qui feront la différence.
Au-delà des situations très diverses observées suivant les secteurs et les entreprises, on peut énoncer 3 points fondamentaux valables pour tous.
Se donner du temps ... donc avoir du cash !
La première règle est de se donner du temps. Mais encore faut-il le pouvoir, autrement dit avoir suffisamment de trésorerie pour tenir. Cela suppose de prévoir plus que ce qui sort des premières analyses et d'aller chercher autant d'argent que possible, notamment en utilisant toutes les ressources bancaires et les mécanismes mis en place par l'État, et ceci même s'il n'y a pas d'utilisation immédiate des fonds - l'objectif étant d'avoir les capacités d'action future.
La situation exige de réduire immédiatement les dépenses non essentielles et de différer tous les investissements non stratégiques. Elle nécessite aussi de restructurer sa dette immédiatement pour allonger les échéances autant que possible. Enfin, si c'est nécessaire, il faut préparer, dès aujourd'hui, une augmentation de capital avec ses actionnaires, car on ne doit jamais attendre de se trouver dans une situation critique.
Dans tous les cas, et dans cette période, encore plus que d'habitude, il faut deux impératifs simples : gérer sa trésorerie au cordeau et ne jamais raconter d'histoire à ses apporteurs de capitaux.
Se comporter en leader
Dans un bateau qui tangue, tous les yeux sont posés sur le capitaine. Plus que jamais, le chef d'entreprise doit assumer son rôle de leader.
C'est à lui de mettre de la cohérence dans l'incertitude et de dessiner un chemin partagé. Par gros temps, c'est l'énergie du chef d'entreprise qui va galvaniser les équipes. Il doit se focaliser sur l'action et être exemplaire. Le facteur "temps" étant fondamental, il doit aussi créer un sentiment d'urgence positif, motiver les équipes et se concentrer sur la réalisation des plans d'action à court terme.
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Enfin, pour gagner la course contre le temps, dans cette période où tout faire est impossible, il ne faut pas hésiter à demander de l'aide, même si la culture entrepreneuriale française n'a pas encore complètement acquis cette démarche. La responsabilité du chef d'entreprise est de faire appel aux bonnes personnes pour lui donner un coup de main, même si cela bouscule ses habitudes.
Agir en entrepreneur
Un entrepreneur est quelqu'un qui dessine sa vision du monde, établit une ambition et des règles partagées par tous ... mais aussi et surtout qui sait pivoter quand son activité n'est plus en phase avec le marché et prendre des risques. Pour faire une parabole cycliste, ce sont dans les étapes de montagne que l'on peut se démarquer ; mais pour cela, il faut avoir le courage de sortir du peloton, s'affranchir du passé et tenir l'effort dans la durée.
Une des principales difficultés de la crise du Covid-19 est d'arriver prendre du recul pour redéfinir sa stratégie alors que l'on a la tête dans le guidon. Pourtant c'est un moment propice pour remettre en cause ses business models en se focalisant sur les besoins des clients et en cherchant tous les nouveaux produits et canaux de distribution possibles.
L'autre difficulté de cette crise, c'est de décider et d'agir vite. Cela suppose d'adapter l'organisation de son entreprise afin d'avoir la capacité à respecter le timing et d'exécuter les plans d'action. Cela suppose aussi de pouvoir prendre le risque d'investir sur les projets prioritaires, à contre cycle, et d'accroître ses positions sur le marché, y compris par de la croissance externe quand elle est possible - ce qui dépendra des moyens financiers dont l'entreprise dispose (et donc de la trésorerie qu'elle aura préservée, dégagée ou acquise). C'est ce qui décidera de la réussite de l'entreprise.
En résumé : prendre le temps de la réflexion pour comprendre, puis intégrer rapidement ensuite les tendances accentuées par cette crise (besoin de proximité, accélération des télé-relations, retour au premier plan du collectif...) afin de sortir du peloton et de remporter l'étape. Là aussi, il faut avoir le courage de se faire aider.
Toutes ces décisions stratégiques sont difficiles dans ce contexte anxiogène. Pourtant, c'est comme cela qu'un chef d'entreprise arrivera à transformer une menace en opportunité de croissance redéfinie et renforcée.
Pour en savoir plus
Janick Belin En 2005, il reprend le Groupe Valade, entreprise agroalimentaire corrézienne qu'il revend 13 ans plus tard, en 2018, à FnB et Agroinvest . En février 2020, il brigue une aventure et rejoint I&S Adviser en tant qu'operating partner.