Holacratie ou comment remettre le business au coeur de votre organisation
Les fonctions supports sont-elles un frein au business? Nombre de commerciaux sont tentés de le croire. Bernard Marie Chiquet, plusieurs fois entrepreneurs et dirigeants de grandes entreprises, juge qu'il est temps pour les organisations d'adopter un nouveau modèle de fonctionnement: l'holacratie.
Je m'abonneMa réflexion est partie d'une simple conversation entendue il y a peu entre deux collègues : " Si le patron doit être remplacé par le directeur financier, c'est qu'il est temps pour nous de partir ! ". Un propos assez peu charitable pour nos amis de la finance mais qui est selon moi révélateur d'un sentiment largement partagé dans les entreprises. Celui que nos organisations fonctionnent à l'envers. Ce sont les fonctions support qui ont pris le pouvoir. La raison d'être de l'entreprise est devenue secondaire. Dans ce contexte, l'holacratie (holacracy en anglais) propose à l'organisation de se remettre sur ses deux jambes, de se réinventer en positionnant le business au coeur du système.
Des fonctions business otages des fonctions support
Les fonctions support sont perçues comme un frein
Osons le dire. Bien souvent, les fonctions business sont devenues otages des fonctions support. Ne nous méprenons pas, ces fonctions répondent à des besoins bien réels pour l'entreprise. Elles viennent soulager de tâches et de missions sans prise directe sur les affaires mais utiles au développement : finance et comptabilité, ressources humaines, services généraux, compliance, etc. Pourtant, quel que soit l'entreprise, son histoire ou son secteur, les mêmes reproches se répètent. Les fonctions support sont perçues comme un frein, des décisionnaires illégitimes qui se sont appropriés les " clés du camion ".
A chaque visite chez un nouveau client, c'est le même discours : " C'est le monde à l'envers ! " me disent les commerciaux. " Nous en sommes presqu'à demander l'autorisation à la finance pour signer de nouveaux clients ou explorer de nouvelles pistes commerciales ". Même son de cloche avec les ressources humaines et les autres fonctions support. Si la situation décrite est parfois un peu exagérée, la perception des équipes est révélatrice d'un mode de fonctionnement un peu ubuesque. L'organisation se met au service des fonctions support qui tiennent les rênes du pouvoir et président aux destinés de l'entreprise. L'organisation en oublie sa raison d'être et marche sur la tête. Pas simple pour avancer et pour durer.
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Remettre l'organisation au service du business
L'entreprise devrait s'inspirer des villes en tant qu'organisations
Contrairement à ce que beaucoup pensent, cette situation n'est pas sans issue. Il est tout à fait possible de bâtir des organisations performantes et équilibrées, focalisées sur leur core business, leur raison d'être, où les fonctions support ont un rôle de catalyseur et non de frein.
Pour ce faire, l'entreprise devrait s'inspirer des villes en tant qu'organisations. Un phénomène bien décrit par Edward Glaeser dans son ouvrage " The Triumph of the City ". Lorsqu'une entreprise voit ses effectifs grandir, elle voit systématiquement sa productivité suivre le chemin inverse. Au contraire, une ville qui voit sa population doubler, voit sa productivité progresser de 15 à 20 % dans le même temps (cf. conférence Ted).
Dans un autre registre, prenons l'exemple de Paris. Notre capitale qui compte plus de 2 millions d'habitants intra-muros, ne dispose au quotidien que de 3 jours de stocks alimentaires... Pas de quoi paniquer puisque le système est parfaitement rodé, basé sur des règles du jeu connues de tous et sans avoir à introduire de hiérarchie dans son organisation.
Réinventer son organisation avec l'holacratie
L'holacratie est une opportunité à saisir par les entreprises. Elle n'est en rien une énième théorie managériale puisqu'elle propose un système fondé sur la pratique, construit sur les spécificités des entreprises et de leurs collaborateurs. Fini l'organisation classique, pyramidale et hiérarchique. Le patron et ses managers décident d'abdiquer leurs pouvoirs et permettent ainsi l'émergence d'une organisation horizontale, tendue vers un objectif commun : la raison d'être.
Chaque entité, chacun est à la fois client et fournisseur
L'holacratie est la garantie d'aboutir à une organisation efficace et transparente, où chacun est à la fois autonome et responsable, à même d'exprimer son potentiel. Toutes les composantes du système ont pour rôle de créer de la valeur. Désormais, plus de fonctions support à la manoeuvre. Plus de fonction support tout court. Chaque entité, chacun est à la fois client et fournisseur. Fini les fonctions " hors sol " coupées de la réalité opérationnelle. Fini les réunions stériles et interminables. Les décisions sont enfin prises et rapides. Fini les situations où le système, par ses lourdeurs, décourage les plus enthousiastes et toute forme de créativité.
Avec l'holacratie, chaque composante de l'organisation tend vers une raison d'être commune et cherche à créer de la valeur. C'est ce que les équipes de Zappos, entreprise américaine précurseur en holacratie, appellent l'impact point. Chaque composante est vue à l'aune de la valeur qu'elle génère. Elle peut être remise en question. Chaque ressource peut être réaffectée à un rôle qui participe à la réussite et au développement de l'organisation. L'entreprise peut enfin marcher sur ses deux jambes.
L'auteur:
Bernard Marie Chiquet a été plusieurs fois entrepreneurs et dirigeants de grandes entreprises : Executive Director chez CAPGEMINI, Senior Partner chez Ernst & Young, Président - Fondateur d'Eurexpert.
Dans un deuxième volet de sa carrière, il a acquis une compétence d'executive coach (HEC), de médiateur (CAP'M) et coach en holacratie depuis 2011 et Master Coach depuis Janvier 2013, le plus haut niveau de certification.
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