Partage des données : un tournant décisif pour les entreprises françaises ?

Si la transformation numérique repose sur une utilisation intelligente des données, les entreprises françaises semblent enfin prendre ce virage. Portée par l'essor fulgurant de l'intelligence artificielle, la culture de la donnée gagne du terrain. C'est ce que met en lumière la 4ème édition de l'Observatoire de la démocratisation des données, réalisée par Opendatasoft et l'institut Odoxa. En 2025, près d'une entreprise sur deux partages désormais largement ses données en interne. Mais cette progression cache encore de fortes disparités, tant sectorielles que hiérarchiques.

L'IA comme catalyseur de la culture data

C'est l'un des enseignements majeurs du rapport : l'intelligence artificielle agit comme un puissant moteur pour le partage de données. « Pas d'IA sans data », rappelle Jean-Marc Lazard, président d'Opendatasoft. Dans un contexte où les entreprises explorent massivement les opportunités de l'IA générative ou du machine learning, l'accès à des données de qualité devient un prérequis stratégique. Résultat : 60 % des Data Leaders interrogés affirment que l'exploitation des données est désormais un axe de développement prioritaire (+21 points en trois ans).

Le constat est néanmoins contrasté. Si 54 % des organisations privées affirment avoir instauré un partage global des données, elles ne sont que 21 % dans le secteur public. Et 15 % des entités publiques reconnaissent même n'avoir encore rien entrepris en la matière.

Des collaborateurs mieux sensibilisés, mais pas encore autonomes

Bonne nouvelle : les usages progressent. 64 % des collaborateurs se disent satisfaits de leur accès aux données. Les gains perçus sont clairs : gain de temps (84 %), efficacité accrue (82 %), décisions plus éclairées (81 %) et innovation boostée (72 %). Mais ces bénéfices ne sont pas uniformément ressentis. Si les professionnels du commerce sont 71 % à saluer le niveau de partage, seuls 44 % des salariés du secteur finance et assurance en disent autant.

Un autre frein persiste : l'autonomie. Près d'un tiers des utilisateurs doivent encore solliciter un expert pour accéder aux données. Le rêve d'une donnée accessible à tous, sans médiation technique, reste donc en partie à réaliser.

Vision stratégique vs réalité terrain : un écart persistant

Un autre point de friction est relevé par l'Observatoire : l'écart entre les perceptions des dirigeants et celles des collaborateurs. 61 % des Data Leaders jugent leur organisation en avance sur les sujets data... contre seulement 26 % des utilisateurs métiers. Une fracture révélatrice d'un manque de diffusion de la culture data au-delà des cercles techniques.

Parmi les freins identifiés : les silos d'information (pointés par 36 % des collaborateurs), et un manque de vision ou d'ambition stratégique, dénoncé par plus de la moitié des experts datas dans les structures les moins avancées. La résistance au changement n'est donc pas tant une question de moyens que de cap managérial.

Former, équiper, ouvrir : les trois chantiers pour 2025

Comment combler ce fossé et accélérer la démocratisation de la donnée ? L'Observatoire dessine une feuille de route claire. Pour les Data Leaders, les deux priorités 2025 sont la formation à la culture data (57 %) et le déploiement de l'IA (55 %). Côté utilisateurs, la demande est nette : ils veulent des outils accessibles, des interfaces simples, et un point d'entrée unique pour retrouver toutes les données utiles - un véritable « data hub » interne.

Si les entreprises ont enclenché la marche vers une meilleure exploitation de la donnée, la généralisation d'un usage autonome et stratégique pour tous les métiers nécessite encore un effort collectif. Vision, pédagogie et accessibilité devront être les maîtres-mots des dirigeants en 2025 pour faire de la donnée un véritable levier de transformation.