[Tribune] 6 conseils pour préparer vos entretiens professionnels
Obligatoire dès 2016, l'entretien professionnel vise à renforcer l'employabilité du salarié dans ses perspectives d'évolution (promotion, changement de poste, formation...). Il doit être réalisé d'ici le 07 mars. Voici six conseils pratiques pour le déployer dans votre PME sans commettre d'impair.
Je m'abonne1. Ne confondez pas entretien professionnel et entretien annuel
L'entretien professionnel ne doit, en aucun cas, porter sur l'évaluation du travail du salarié et se distingue donc des entretiens annuels d'évaluation. En effet, les échanges doivent porter sur des perspectives d'évolution professionnelle afin de favoriser le départ en formation du salarié. L'objectif : faire le point sur les besoins en formation, les actions à mener, en identifiant les moyens à mettre en oeuvre. Néanmoins, il peut être réalisé isolément ou être couplé à l'entretien d'évaluation.
2. Respectez le calendrier
Les entretiens professionnels doivent être réalisés tous les deux ans. Pour les salariés déjà en poste le 7 mars 2014, ils doivent être réalisés au plus tard le 7 mars 2016. L'état des lieux récapitulatifs de l'évolution du salarié devra être réalisé au plus tard 6 ans après la date du 7 mars 2014 soit avant le 07 mars 2020.
Pour les salariés recrutés ultérieurement, les entretiens doivent avoir lieu dans les 2 ans suivant le recrutement. Vous êtes d'ailleurs dorénavant tenu, à l'occasion de l'embauche d'un salarié, d'informer celui-ci qu'il bénéficiera tous les deux ans d'un entretien professionnel. Cette information peut prendre la forme d'une note remise au salarié lors de son embauche ou intégrée au contrat de travail (ex : "En application de l'article L.6315-1 du Code du travail issu de la loi du 05 mars 2014, nous vous informons que vous bénéficierez tous les deux ans minimum d'un entretien professionnel").
Les cas de figure exceptionnels
L'entretien professionnel se substitue aux anciens entretiens prévus au retour d'un congé parental d'éducation, d'un congé de maternité, ou de soutien familial et autres absences suivantes : congé d'adoption, congé sabbatique, période de mobilité volontaire sécurisée (entreprises d'au moins 300 salariés), arrêt de longue maladie... Dans toutes ces situations, et notamment au retour d'une absence de longue durée (au moins 6 mois), vous avez pour obligation de proposer l'entretien professionnel, même si le salarié a déjà bénéficié d'un entretien professionnel moins de 2 ans auparavant.
Autre obligation introduite par la loi relative au dialogue social et à l'emploi : l'employeur doit faire passer un entretien professionnel aux représentants du personnel titulaires, aux délégués syndicaux ou titulaires d'un mandat syndical disposant d'heures de délégation sur l'année représentant au moins 30 % de la durée du travail (comme les représentants syndicaux au comité d'entreprise, les conseillers prud'hommes) à l'issue de leurs mandats. Objectif : recenser les compétences acquises au cours du mandat et préciser les modalités de valorisation de l'expérience acquise. En parallèle, sachez que les représentants du personnel titulaires ou les titulaires d'un mandat syndical doivent bénéficier au terme de leur mandat et avec leur employeur d'un entretien. Ce dernier correspond à une version plus élaborée de l'entretien professionnel.
3. Informez vos managers
L'entretien professionnel est un moment privilégié avec le salarié se préparant à l'avance. Ainsi, pour le bon déroulement de l'entretien, vos managers devront disposer des informations suivantes :
- Les priorités de formation de l'entreprise (cf. plan de formation continue, les projets ou évolutions de l'activité, etc.) ;
- Les éléments liés à la situation du salarié : poste occupé, âge, ancienneté, progression salariale ou professionnelle, formations ou bilan de compétences demandés, réalisés ou non, certifications obtenues, éventuel changement d'emploi prévu à court terme, dernier(s) support(s) d'entretien(s) professionnel(s) réalisé(s), etc.
Lire aussi : Qui est le véritable imposteur du management ?
Il convient également de transmettre au salarié ces informations, qui lui permettront de préparer son entretien au mieux.
4. Conservez une trace écrite
Chaque entretien professionnel doit faire l'objet d'un document spécifique écrit. Un exemplaire, de préférence signé conjointement, devra être remis au salarié. Tous les six ans, l'entretien professionnel devra donner lieu à la rédaction d'une synthèse récapitulative des actions menées pour favoriser son évolution et/ou son employabilité.
Ce document permettra notamment de vérifier que le salarié a :
-bien bénéficié d'un entretien professionnel tous les 2 ans ;
-suivi au moins une action de formation ;
-bénéficié d'une progression salariale ou professionnelle ;
-acquis des éléments de certification par la formation ou par la validation des acquis de l'expérience.
5. Anticipez vos nouvelles obligations de suivi
Lorsque votre collaborateur obtiendra une qualification professionnelle dans le cadre du plan de formation, du compte personnel de formation ou d'une période de professionnalisation, vous devrez étudier avec le salarié, au plus tard à l'occasion de l'entretien professionnel suivant l'obtention de la qualification, les possibilités d'évolution dans le poste de travail ou sur un poste différent.
Avant le 1er mars de chaque année, vous devrez par ailleurs communiquer à l'OPCA :
- la durée de travail à temps plein applicable aux salariés;
- la liste des salariés bénéficiaires des dispositions plus favorables ainsi que le nombre d'heures de formation supplémentaires attribuées ;
- la liste des salariés bénéficiaires de l'abondement supplémentaire correctif ainsi que le nombre d'heures de formation attribuées (100 heures par salarié à temps plein/130 heures par salarié à temps partiel). Le versement correspondant doit également être effectué avant le 1er mars de chaque année ;
- en cas d'accord d'entreprise sur le financement du Compte Personnel de Formation (CPF) : une déclaration faisant état des dépenses consacrées au financement du CPF des salariés et à son abondement.
Rapprochez-vous de votre OPCA quant à la bonne application de ce dispositif car certains peuvent vous communiquer un modèle relatif à la conduite de l'entretien professionnel.
Pour aller plus loin :
Le site du gouvernement présente également une trame pour les employeurs à adapter pour la conduite de l'entretien professionnel avec le salarié.
6. Ne prenez pas cette obligation à la légère
Si vous ne respectez pas ces obligations, sachez que les sanctions peuvent être lourdes. Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, le Code du travail prévoit un abondement de leur compte personnel de formation dans certaines conditions pour les salariés qui n'ont pas bénéficié durant une période de six ans des entretiens professionnels et d'au moins 2 des 3 autres mesures d'évolution professionnelle devant être considérées lors de " l'état des lieux récapitulatifs " effectué tous les six ans, mesures citées ci-avant :
- Suivi d'une action de formation ;
- Acquisition des éléments de certification par la formation ou la VAE ;
- Progression salariale ou professionnelle.
L'abondement est égal à 100 heures pour les salariés travaillant à temps plein et à 130 heures pour les salariés à temps partiel. Le temps de travail pris en considération (temps complet ou partiel) est celui applicable au moment de l'entretien professionnel. Vous devrez verser à l'OPCA une somme forfaitaire correspondant à ces 100 ou 130 heures multipliées par un montant forfaitaire de 30 euros, soit 3 000 € ou 3 900 €.
En cas de contrôle, lorsque l'entreprise n'aura pas réalisé ce versement ou aura opéré un versement insuffisant, elle sera mise en demeure de procéder au versement de l'insuffisance constatée à l'OPCA. A défaut, elle devra verser au Trésor public un montant correspondant à l'insuffisance constatée majorée de 100 %.
Il n'existe pas de sanctions pour les entreprises de moins de 50 salariés. Cependant, dans le cadre d'un manquement relatif à l'organisation de l'entretien professionnel si le salarié est en droit d'en bénéficier, ce dernier peut éventuellement saisir l'inspection du travail et invoquer un préjudice devant les Prud'hommes.
L'auteur
Ida Christelle Makanda est Responsable du Service Conseil Social pour le Cabinet Exco Nexiom de Paris, membre du réseau Exco (8e réseau d'Audit, d'Expertise-comptable et de Conseil français, partenaire officiel du Réseau assurance maladie risques professionnels et de l'INRS en matière de prévention des risques professionnels, membre de Kreston International). Spécialisée en droit du travail et en réglementation sociale, Ida Christelle Makanda apporte son expertise juridique aux chefs d'entreprise (principalement des TPE et PME), clients d'Exco Nexiom, sur toute question afférente au droit social.