[Tribune] Le pacte Dutreil: une opportunité à ne pas laisser passer...
Créé en 2003, le pacte Dutreil vise à réduire le coût de transmission des entreprises familiales. Ce dispositif est reconnu par l'ensemble des praticiens pour être un outil d'optimisation très efficace et pourtant insuffisamment utilisé.
Je m'abonneAmélioré au fil des années, le dispositif Dutreil s'adapte aux différentes problématiques de transmission. Donation immédiate ou différée, en pleine propriété ou en nue-propriété, au profit de tous les héritiers ou d'un seul, en présence d'héritiers repreneurs ou non, en vue d'une poursuite multigénérationnelle ou d'une cession à terme... un grand nombre de dirigeants serait surpris de la portée du Pacte Dutreil...
Un outil d'optimisation très efficace
L'article 757 B prévoit un abattement de 75% sur l'assiette taxable aux droits de donation ou de succession. En clair, en transmettant les titres d'une entreprise valorisés à 100, les droits de donation ou de succession ne s'appliquent que sur 25 !
Cet abattement trouve à s'appliquer lorsque les titres sont donnés en pleine propriété mais également lorsque les titres sont donnés en nue-propriété, les donateurs se réservant l'usufruit.
Dans ce cas, l'assiette des droits de donation est encore plus réduite. Prenons l'exemple d'un dirigeant âgé de 55 ans, la valeur de la nue-propriété sera de 50% (article 669 du CGI) et l'assiette des droits de donation sous le régime du pacte Dutreil sera donc de 12.50% (50X 25%)
Par ailleurs, le dispositif du pacte Dutreil est cumulable avec les abattements de 100 000 € par parent et par enfant renouvelable tous les 15 ans. Il est également cumulable avec une réduction de droits de 50% en cas de donation en pleine propriété avant 70 ans.
Autant dire qu'en utilisant à bon escient le pacte Dutreil, il est possible de réduire à peau de chagrin les coûts de transmission des PME pour les héritiers qui pourraient, en plus bénéficier de modalités de paiement intéressantes tel qu'un différé de paiement.
Exemple d'une donation en pleine propriété de 50% des titres de la société valorisée 4M€ aux 2 enfants du dirigeant
Calcul des droits de donation :
Valeur donnée à chaque enfant : 1000 K€
Abattement Dutreil 75% : 750 K€
Abattement personnel : 100 K€
Net imposable : 150 K€
Droits de donation par enfant : 28 194 €
Réduction de 50% (donation PP avant 70 ans) : 14 097€ (contre 213K€ en l'absence de pacte Dutreil)
Plusieurs conditions à respecter
Pour bénéficier du dispositif, la société doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale. Les associés ou actionnaires de la société doivent signer un acte enregistré dans lequel ils s'engagent à conserver collectivement leurs titres pour une période minimale de 2 ans. Cet engagement doit porter sur au moins 34% des titres lorsque la société n'est pas cotée.
Dans certains cas, l'engagement collectif pourra être réputé acquis lorsque les titres sont détenus depuis plus de 2 ans par le donateur ou le défunt et que ce dernier exerce depuis plus de 2 ans au jour de la transmission une fonction de direction. Les donataires (bénéficiaires de la donation) ou héritiers (en cas de transmission par décès) doivent s'engager individuellement à conserver les titres pendant 4 ans à compter du jour de la transmission
Autre condition: l'un des signataires du pacte ou l'un des donataires ou héritiers doit exercer une fonction de direction au sein de la société dont les titres sont transmis pendant une durée de 3 ans à compter de la transmission.
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Au total, les contraintes de conservation liée au pacte Dutreil varient de 4 à 6 ans. Il n'est pas obligatoire que les héritiers soient prêts à reprendre la direction de la société. Le donateur pourra continuer à exercer les fonctions de direction requises pour l'obtention du régime de faveur sauf dans un cas exclu tout récemment.
En effet, depuis la réponse ministérielle du 7 mars 2017, dans le cas d'un engagement collectif réputé acquis (et seulement dans ce cas), la fonction de direction devra obligatoirement être rempli par l'un des donataires ou héritiers... Ainsi, si les enfants n'ont pas vocation à reprendre la société, il sera indispensable de souscrire un engagement collectif de conservation.
Un dispositif qui s'adapte aux différentes configurations familiales et projets
L'actif professionnel du dirigeant est bien souvent l'actif prépondérant voire principal du patrimoine à transmettre. Lorsque tous les enfants ne sont pas prédisposés à reprendre l'entreprise, comment combiner transmission du pouvoir et répartition égale entre les enfants ? Plusieurs schémas sont possibles telle qu'une donation-partage avec attribution des parts aux repreneurs.
A charge pour eux de dédommager leurs frères et soeurs au travers d'une soulte. Cette solution nécessitera souvent l'apport des titres donnés à une holding (autorisée sous certaines conditions sans remise en cause du pacte) qui prendra en charge le remboursement de la soulte.
Comment conjuguer transmission et besoin de revenus à la retraite ? Des donations avec réserve d'usufruit seront le 1er élément. Il sera également possible de prévoir la cession d'une partie des titres aux enfants de manière à ce que le prix de cession puisse assurer la mise en place de revenus complémentaires.
La fiscalité française est certes complexe mais elle regorge de possibilités d'optimisation... Deux conditions : anticiper et s'entourer de professionnels compétents qui seront garants de la sécurité et de la réussite de vos schémas!
L'auteur
Marie Guibert, 37 ans, titulaire du DESS de gestion de patrimoine de Montpellier, a rejoint le groupe KBL Richelieu Banque Privée en 2003. Disposant de 14 ans d'expérience dans l'ingénierie patrimoniale, elle a développé une spécialité dans l'accompagnement des chefs d'entreprise et de leurs problématiques d'optimisation de leur cession, de leur transmission et de la protection de leurs proches.