Recherche
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

[Dossier] Croissance externe : un coup d'accélérateur pour votre PME

Publié par le | Mis à jour le
[Dossier] Croissance externe : un coup d'accélérateur pour votre PME

À l'ère des ruptures, de la digitalisation et des marchés mondiaux, les PME qui souhaitent se développer et investir de nouveaux territoires n'ont pas d'autre choix que de racheter des entités concurrentes. Prendre le risque de grossir ou celui de disparaître ? La seule question qui vaille.

Je m'abonne
  • Imprimer

Prolixe sur le sujet, la littérature entrepreneuriale n'est pas avare de définitions sur la croissance externe. Pour résumer, elle serait l'oeuvre d'une entreprise qui en rachète une autre. Elle concerne essentiellement quatre secteurs : le commerce ; les activités spécialisées, scientifiques et techniques ; les industries manufacturières ; l'information et la communication. Ils concentrent deux tiers du nombre de PME en croissance ayant recours à la croissance externe, selon l'étude "Les stratégies de croissance externe dans les PME" publiée par Xerfi, en mai 2017. La proportion de PME réalisant une opération de croissance externe est de 25 % pour celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 10 millions d'euros et seulement de 9 % pour celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros, d'après la même étude. Ainsi, la taille est structurante, y compris pour l'entreprise cédée.

Évacuant le sujet de la transmission de la cible, Thomas Le Dret, responsable d'études au sein de la direction des études économiques et de la prospective du groupe BPCE, l'affirme sans détour : "Ce n'est pas l'âge du dirigeant qui détermine le taux de cession d'une entreprise - deux PME et ETI sur trois sont cédées avant les 60 ans du dirigeant - mais bien sa taille. Plus elle est importante, plus la PME a de chances d'être cédée." Booster de développement, le rachat d'une entreprise est, pour les PME, le seul moyen suffisamment rapide pour réviser leur positionnement sur le marché. Qu'il s'agisse de lancer un nouveau produit sans perdre de temps en recrutement ou en R&D, ou encore de prospecter à l'international.

Elle représente également la solution idéale lorsque la croissance organique a atteint ses limites. Mieux, à l'ère de la digitalisation et des ruptures technologiques, elle apparaît presque comme une clé de survie pour nombre d'organisations qui n'ont pas su se transformer ou n'en ont pas vu la nécessité.

Se lancer ou refuser de grandir

Pour autant, est-ce une tendance de fond ? Les avis sont partagés. "12 % de PME en croissance ont réalisé au moins une acquisition de titres ou de fonds de commerce au cours des cinq dernières années d'exercice", selon l'étude de Xerfi, qui a constitué une base de données de 8 962 PME enregistrant un taux de croissance de leur chiffres d'affaires de 46 % entre 2011 et 2015. Les auteurs y voient un phénomène d'ampleur qui devrait se poursuivre, poussé par trois facteurs : primo, les innovations technologiques, les évolutions réglementaires et la conjoncture boursière ; secundo, la répartition des parts de marché dans un espace concurrentiel ; tertio, la recherche de synergies.

Moins optimiste, Philippe Mutricy, directeur des études de Bpifrance, observe au contraire "un refus de croissance externe de la part d'une large majorité de chefs d'entreprise obnubilés par les risques de court terme et aveugles aux risques à plus long terme, liés à l'immobilisme". Pour cet expert, "la croissance externe résulte d'un cheminement intellectuel qui aboutit à la mise en place d'une stratégie planifiée". Or, les chefs d'entreprise seraient freinés dans cet élan par "leurs craintes face aux risques qu'ils associent, à tort, à la croissance externe, au niveau des investissements requis, et la représentation négative qu'ils se font d'une opération qui a parfois donné lieu à des restructurations douloureuses".

Les réticences seraient d'autant plus importantes que la structure bénéficie d'une composition capitalistique familiale. Le risque d'échec étant alors plus prégnant car pouvant affecter le patrimoine de la famille. En effet, bien que cette stratégie soit initiée par une entreprise, elle n'en reste pas moins une aventure humaine. Et force est de constater que toutes les PME n'ont pas vocation à grandir.

Dans le secteur des start-up, "les acquéreurs estiment la valeur de la technologie en fonction de ce que coûterait son développement", glisse Antoun Sfeir. L'idée étant de fixer une fourchette, base de la négociation. Suit l'audit dit "de due diligence", qui permet de vérifier si les éléments négociés correspondent bien à la réalité et sert à ajuster le prix, voire à prendre des précautions en prévoyant des ajustements de prix en cas de compte client irrécouvrable, par exemple. "L'audit d'acquisition doit être réalisé en un temps record pendant le délai d'exclusivité", commente Thierry Denjean.

La négociation peut ouvrir sur un complément de prix (earn out) réclamé par le cédant en cas de croissance importante du chiffre d'affaires à court terme et/ou sur des garanties de passif exigées par l'acquéreur pour se protéger des éventuels contentieux. "Ces pratiques sont courantes, très peu de sociétés se vendent sans garantie de passif sauf à très bas prix", observe Thierry Denjean. "La tendance est aussi à l'évaluation du montant des synergies possibles, car si elles ne se créent pas, le prix fixé n'est pas justifié", ajoute-t-il.


Soigner l'intégration

Se souvenant d'une mauvaise expérience lorsqu'il était salarié - "les équipes de l'acquéreur nous ont purement et simplement ignorés" -, Thierry Petit-Perrin, président d'Hisi, a à coeur de ne pas reproduire ce genre de situation. Aussi, lors de son premier rachat, lâche-t-il trop de lest. "J'étais tellement soucieux de conserver les équipes en place, de préserver leur organisation, que deux ans plus tard, aucune synergie n'avait été créée", témoigne-t-il.

Dès le second rachat, il change donc de méthode. Il réunit les différentes équipes dans les locaux d'un nouveau siège social, à Clichy, crée une identité visuelle, investit dans du mobilier neuf et réorganise les services afin de renforcer la cohérence de l'ensemble. "Cette démarche a facilité les rapprochements", lâche-t-il. L'intégration doit donc être gérée avec doigté. "Quand on achète une technologie, il faut s'assurer de ne pas acquérir une coquille vide. Or les start-up sont peuplées de free-lances ; en amont, il faut donc rencontrer les équipes pour vérifier qu'une partie au moins adhère au projet et restera en place pour faire tourner la technologie, c'est ce que nous avons fait", raconte Antoun Sfeir.

À l'international, il faut compter avec les différences culturelles. L'enjeu étant de parvenir à créer une culture d'entreprise commune, tout en ménageant les susceptibilités des uns et des autres. "Pour conduire le changement en Angleterre et en Espagne, imposer notre technologie et nos méthodes, nous avons dû informer et former les collaborateurs, mais aussi leur expliquer en quoi leur culture nous intéresse et comment nous envisagions de conserver les atouts de leur société. Bref, être très à l'écoute", témoigne Marc Schillaci.

Pour réussir, il a dû se rendre sur place régulièrement, organiser des visioconférences, faire venir au siège le middle management, etc. Une erreur a été de démarrer sans les outils de communication adéquats. "C'est une leçon pour nous, il est nécessaire de disposer d'outils vraiment professionnels", précise-t-il. Lorsque le choc des cultures s'avère trop important ou que le contexte est particulièrement délicat, l'acquéreur ne doit pas hésiter à solliciter ses conseils. Son staff, bien sûr, mais aussi les experts-comptables, tout comme les avocats, aideront à la mise en place de synergies (choix et mise en oeuvre de l'ERP, fusion comptable et financière, création de filiale, etc.).

Certains consultants se sont spécialisés dans cette phase. C'est le cas du cabinet In Viva : "Nous intervenons lorsque les conseils habituels se retirent, pour contribuer à créer une dynamique collective, tenir compte des enjeux émotionnels, réunir des groupes de travail, y associer les différents niveaux hiérarchiques", affirme Fabienne Klein, présidente associée de la société. Une mission périlleuse, car dans le cadre d'une opération de croissance externe, le poids des ressources humaines compte sur les performances à venir. À défaut d'une sérieuse clarification des objectifs et d'une organisation dûment révisée, la fusion - anxiogène pour les salariés - risque de perdre en rentabilité.

Donner du sens

Les objectifs des stratégies de croissance externe sont communément admis : diversification de l'activité, acquisition de nouvelles compétences, maîtrise d'une technologie, prospection de nouveaux marchés y compris à l'international, etc. Ils guident le choix de la cible. L'étude de Xerfi distingue quatre types d'opérations : la croissance externe horizontale (dans un même secteur d'activité), la croissance verticale (les PME appartiennent à la même filière mais leur activité diffère), la croissance externe dite de diversification liée (les deux PME présentent des complémentarités) et, enfin, la croissance externe dite de diversification non liée (regroupement d'entreprises appartenant à des secteurs différents).

Quelle que soit sa forme, l'exercice demeure complexe. Dans "Acquérir pour bondir" (2015) , Bpifrance Le Lab répertorie cinq grandes difficultés qui se dressent face à une PME désireuse de se lancer : faire le bon diagnostic, identifier la cible, ne pas se tromper de cible, conclure le deal et réussir l'intégration. Autant dire que le "build up" répond à une méthodologie bien cadrée. Or, les chefs d'entreprise sont des hommes pressés qui, le nez dans le guidon, ne prennent pas toujours le temps suffisant pour mûrir leur réflexion.

Approcher le marché caché

Plusieurs outils permettent d'identifier quelques cibles. Parmi les plateformes dédiées à la cession de TPE et PME, Bpifrance propose une Bourse de la transmission (56 236 affaires à reprendre à date), la place de marché Fusacq diffuse environ deux mille offres de PME (avec des entreprises qui réalisent en moyenne 1,8 million d'euros et emploient seize salariés) et cinquante mille offres de TPE sur Place des Commerces. Les réseaux consulaires fournissent également des contacts.


La recherche peut s'avérer rapidement chronophage. C'est pourquoi les acquéreurs font appel à des spécialistes. Lorsqu'il décide de mener sa première opération de croissance externe, Thierry Petit-Perrin, président d'Hisi, un fournisseur de cloud privé d'une soixantaine de salariés, cherche d'abord seul : "Les services de la CCI me font perdre du temps en me proposant des entreprises qui ne correspondent pas à nos besoins", affirme-t-il. Il contacte alors Françoise Louvel, gérante de Discern Partners. "Elle propose un service clés en mains, de l'identification du besoin à celle de la cible, puis à la conduite des premiers rendez-vous et à une première analyse", témoigne-t-il.

Discern Partners cible des entités sur le marché "caché", c'est-à-dire auprès de dirigeants d'entreprise qui n'ont pas encore décidé de vendre leur entreprise. "J'approche ces dirigeants directement en leur expliquant pourquoi mon client les cible, puis je les relance et, s'ils acceptent, j'organise une première rencontre", commente Françoise Louvel. D'autres conseils utilisent, peu ou prou, la même méthode. Alexis Barbé, gérant de Capessor, développe également un service d'approche directe. "L'identification de la cible passe par une recherche documentaire. Nous scrutons les exposants aux salons professionnels, nous enquêtons sur leur présence sur les marchés en local ou à l'international, puis nous calons un plan d'action", détaille Alexis Barbé.

"Souvent, l'opération naît d'une opportunité, les dirigeants se connaissent et entament les discussions", observe Alexis de Bertren, associé fondateur de DBLE, spécialisé dans l'accompagnement à la reprise et à la croissance externe. "Nous sommes en veille sur notre marché pour repérer d'éventuelles acquisitions ou des partenariats", confirme Antoun Sfeir, président d'ePressPack, start-up de trente-cinq salariés spécialiste de la digitalisation des relations média, qui a racheté PressKing fin 2014. Il arrive enfin que le cédant contacte lui-même un acquéreur potentiel. "Le groupe Sage nous a proposé la reprise de sa division e-commerce, une activité qui nous permet d'avoir accès à un réseau de revendeurs", se félicite Marc Schillaci, p-dg d'Oxatis, un éditeur de logiciel d'e-commerce.

Évaluer les synergies potentielles

Le rachat d'une entreprise reste néanmoins un exercice délicat. Alexandre Pham, coprésident d'Alphyr, entreprise de cent vingt salariés qui a racheté un réseau d'agences d'intérim spécialisé dans le domaine médical, compétence dont son propre réseau ne disposait pas, confesse volontiers qu'il n'y serait peut-être pas allé s'il n'avait pas vécu des expériences similaires en tant que salarié. "Le pari est risqué mais j'avais appris la méthode, je maîtrisais le vocabulaire, j'en connaissais les étapes, et je savais comment on valorise une société, quels points sont à négocier. Ces connaissances m'ont rassuré", dévoile-t-il.

Pendant la phase de négociation, les parties trouvent un terrain d'entente ou passent à autre chose. "Nous avons réussi à instaurer un climat de confiance avec les cédants, qui étaient d'ailleurs soucieux que la transition se passe bien. Du coup, lors de la négociation, chaque partie a fait un pas vers l'autre et trouvé rapidement un compromis pertinent, au niveau du prix et des conditions de la cession", témoigne Alexandre Pham. Le prix est fixé en amont, traditionnellement "suivant une combinaison de méthodes éprouvées", précise Thierry Denjean, président de Denjean & Associés, société d'expertise comptable, d'audit et de conseil dédiée aux PME de croissance. Par exemple, un mixte entre la méthode des discounted cash-flows (DCF) qui évalue les flux futurs de trésorerie pour déterminer la valeur de l'entreprise, la méthode de l'actif net réévalué et celle de la rentabilité des résultats futurs.


 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Chef d'Entreprise Newsletter

Artisans Newsletter

Commerce Newsletter

Event

Event

Event

Les Podcasts de Chef d'Entreprise

Lifestyle Chef d'Entreprise

Artisans Offres Commerciales

Chef d'Entreprise Offres Commerciales

Commerce Offres Commerciales

Good News by Netmedia Group

La rédaction vous recommande

Retour haut de page