Grève : rappel des droits et devoirs de l'employeur
Avec l'annonce du projet de réforme des retraites, les mouvements de grève se multiplient. Si l'exercice du droit de grève est un droit constitutionnel que l'employeur doit respecter, quelle attitude peut-il adopter ?
Je m'abonneLa protection accordée aux salariés grévistes est conditionnée à la licéité du mouvement de grève.
Conditions de licéité d'un mouvement de grève
La grève est une cessation totale et collective du travail. Ne sont donc pas protégés au titre du droit de grève la cessation du travail par un seul salarié, les grèves dites « perlées » (un ralentissement volontaire de la production) ou encore les grèves « du zèle » (une exécution du travail exagérément consciencieuse visant à ralentir la production).
Elle doit avoir pour objet de porter des revendications professionnelles concernant les salariés qui participent au mouvement, lesquelles doivent être communiquées à l'employeur au moment de l'arrêt de travail.
Par principe, aucun préavis n'est nécessaire dans le secteur privé (contrairement à la fonction publique).
La durée de l'arrêt du travail peut être variable (une heure, une journée, une semaine...). Par exemple, des débrayages courts et répétés constituent un exercice normal du droit de grève.
Si le mouvement répond à ces conditions, les salariés grévistes sont protégés.
Quelles sont les obligations de l'employeur vis-à-vis du salarié gréviste ?
L'exercice du droit de grève suspend l'exécution du contrat de travail. Le salarié gréviste n'exécutant plus son travail, l'employeur est dispensé de lui verser son salaire, mais la retenue opérée sur le salaire doit être strictement proportionnelle à la durée de l'arrêt de travail.
Le salarié est réputé gréviste pour toute la durée du mouvement auquel il s'est associé et ne peut pas prétendre à une indemnisation pour les jours de repos rémunérés ou les jours fériés chômés compris dans cette période.
La protection octroyée au salarié gréviste empêche l'employeur de sanctionner ou licencier un salarié en raison de sa participation à une grève, sauf faute lourde. Ce type de mesure serait discriminatoire (et entachée de nullité).
En revanche, un salarié gréviste peut être licencié s'il commet une faute lourde, telle que la séquestration de l'employeur, la dégradation des biens de l'entreprise ou une entrave à la liberté du travail des salariés non-grévistes.
L'employeur peut-il sanctionner les salariés ayant exercé abusivement leur droit de grève ?
Seuls les salariés exerçant leur droit de grève conformément à la loi sont protégés contre le pouvoir de sanction de l'employeur. Cette protection ne joue donc pas lorsque l'exercice du droit de grève dégénère en abus et désorganise l'entreprise. C'est notamment le cas lorsque la grève compromet la sécurité des biens et des personnes ou gêne excessivement les clients.
On peut ainsi citer l'exemple d'une grève dans un hôtel, au cours de laquelle les salariés grévistes avaient parcouru les couloirs de l'hôtel avec des mégaphones pour haranguer les non-grévistes et s'étaient introduits de force dans des chambres.
L'employeur peut-il remplacer les salariés grévistes ?
Par principe, il est strictement proscrit d'embaucher un salarié sous contrat à durée déterminée ou de faire appel à un intérimaire, même partiellement, pour remplacer un salarié gréviste, sous peine des sanctions pénales.
La Cour de cassation admet difficilement le remplacement des grévistes par des salariés temporaires embauchés antérieurement à la grève. En cas de contentieux, l'employeur devra démontrer que :
- Les salariés temporaires n'ont pas été embauchés en prévision de la grève ;
- Leur contrat de mission initial n'a pas été modifié afin de correspondre aux missions normalement exécutées par les grévistes.
Il est en revanche possible de remplacer les salariés grévistes par des bénévoles ou par le biais de la sous-traitance. L'employeur peut également recruter de nouveaux salariés par contrat à durée indéterminée.
La solution préconisée reste de réorganiser le travail avec les salariés non-grévistes. L'employeur peut donc, par exemple, recourir aux heures supplémentaires. Mais une telle solution ne saurait perdurer.
Attention également au remplacement en cascade : si des salariés non-grévistes sont affectés au remplacement des grévistes, ils ne sauraient être eux-mêmes remplacés par des travailleurs temporaires.
A l'issue du mouvement de grève, l'employeur pourra demander à l'ensemble des salariés d'effectuer des heures supplémentaires afin de compenser le retard pris dans la production.
Enfin, comment gérer l'absence ou le retard des salariés en raison d'une grève des transports ?
Une grève des transports publics peut entraîner des retards qui peuvent difficilement être sanctionnés par l'employeur.
Toutefois, l'employeur pourra raisonnablement sanctionner :
- Un salarié absent alors qu'un transport de remplacement avait été mis en place ;
- Le salarié qui n'a pas prévenu l'entreprise préalablement et alors même que d'autres salariés ont trouvé des solutions de substitution.
Reste alors, lorsqu'elle peut être pratiquée, la solution du télétravail.
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