Culture d'entreprise : comment joindre l'utile à l'agréable ?
Culture d'entreprise, bien-être des salariés et RSE : trois notions-clés en entreprise dont nous entendons souvent parler mais qui restent encore abstraites. De la théorie à la pratique, Nabil Lasfer, consultant senior du cabinet Julhiet Sterwen, met en lumière les liens entre ces sujets.
Je m'abonne"Un jour j'irai vivre en Théorie, car en Théorie tout se passe bien", disait Pierre Desproges. En théorie toujours, l'entreprise, acteur économique majeur, ne devrait s'intéresser qu'à ses performances économiques. Or, dans la pratique, nous observons que les entreprises ont de plus en plus tendance à soutenir des actions tournées vers l'autre et à enraciner ce phénomène dans leur culture. Alors pourquoi investir du temps et des ressources dans une culture d'entreprise axée sur le bien-être des collaborateurs et de la société ? Et quelles sont les clés pour s'engager dans cette voie ?
Culture d'entreprise : le b.a.-ba des BA (Bonnes Actions)
La culture d'une entreprise peut être définie comme la somme des valeurs déterminant les comportements et les interactions des personnes qui la composent. Selon Maurice Thévenet, "la culture caractérise l'entreprise et la distingue des autres, dans son apparence et surtout, dans ses façons de réagir aux situations courantes de la vie de l'entreprise". Ces orientations peuvent donc beaucoup différer d'une entreprise à une autre. Alors, pourquoi certaines entreprises choisissent-elles de s'appuyer sur des valeurs humanistes et non sur des principes purement liés à la performance économique ?
Tout d'abord parce que chercher à orienter sa culture vers davantage d'humain témoigne d'un positionnement sans ambiguïté vis-à-vis de ses salariés. Les entreprises ayant fait ce choix ont, le plus souvent, une vision long-terme, lisible et connue de tous. À titre d'exemple, Jalil Chikhi, directeur général adjoint de Google France, expose que, chez Google, la stratégie est partagée avec l'ensemble des collaborateurs, qui définissent ensuite les moyens de la servir de manière opérationnelle. Les collaborateurs comprennent ainsi mieux la direction empruntée par leur entreprise et la rejoigne plus facilement.
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C'est aussi le sujet actuel de l'objet social de l'entreprise qui est en jeux dans ces changements sociétaux. Une organisation humaine à mi-chemin entre l'entreprise commercial et l'association est en train de voir le jour.
Une culture qui promeut la bienveillance a également des effets positifs sur la motivation et le niveau d'engagement des collaborateurs. Ces derniers se sentent ainsi autorisés à essayer, donc à se tromper. A l'heure des risques psychosociaux, évoluer dans un environnement bienveillant peut ainsi compter parmi les avantages sociaux proposés pour attirer et fidéliser ses salariés.
La bienveillance contribue à la lutte contre l'absentéisme, souvent perçue et à juste titre comme un premier signal d'alerte de mal-être. Avec une moyenne d'un peu plus de deux semaines d'absences par an et par salarié, cette problématique est loin d'être anecdotique. Au même titre, le présentéisme où le salarié a perdu toute motivation et intérêt pour son travail se développe alors que sa mesure est bien plus délicate.
Développer une culture de la bienveillance constitue un véritable investissement situé au carrefour des préoccupations RH. Mais comment faire, opérationnellement ? Pour répondre à cette question, nous nous focaliserons sur des pratiques concrètes portées sur l'intérêt pour l'humain en général (via la RSE) après avoir apprécié l'intérêt pour le collaborateur en particulier (via leur bien-être).
Bien-être des salariés : l'étreindre ou l'étendre ?
Le bien-être des salariés prend de plus en plus d'importance dans les préoccupations RH (63% d'entre elles ont un programme défini) au même titre que le savoir-faire et le savoir-être. Cela se décline de différentes façons : amélioration de l'ergonomie des environnements de travail (dans 92% cas), réduction des heures supplémentaires (concerne plus de la moitié des organisations) et déplacements professionnels (pour 67% d'entre elles) ou encore présence de professionnels de la santé au travail (dans 79% des cas).
Si le bien-être au quotidien est un point clé, l'inscription dans un tout plus vaste est également à l'ordre du jour pour la plupart des entreprises via la Responsabilité Sociale des Entreprises. Le rapport Notat Senard de mars dernier, va encore plus loin en proposant de modifier la définition de l'entreprise dans le code civil afin de considérer les enjeux sociaux et environnementaux de son activité pour aller vers une économie responsable
RSE : l'acronyme qui rend aux RH ses lettres de noblesse ?
La Responsabilité Sociale des Entreprises correspond au développement durable appliqué aux entreprises. Autrement dit, la RSE s'interroge sur la façon dont l'entreprise peut participer à la préservation du monde de demain, tout en valorisant son écosystème d'aujourd'hui. La RSE surclasse l'individualisme, pour offrir à l'individu l'opportunité de contribuer à une action ayant du sens et des retombées positives pour lui-même (satisfaction personnelle) comme pour autrui.
La première étape pour mettre en pratique la RSE consiste à définir un programme à l'échelle de l'organisation. 92% des entreprises auditées par Top Employers disposent de ce type de programme, qui doit ensuite être largement partagé, pour une bonne compréhension et une adhésion.
Le champ d'action de la RSE étant vaste, le programme en question peut se décliner de différentes manières, tout en restant cohérent avec l'identité de l'entreprise : offre de services ou produits à des personnes défavorisées (effectuée 82% des entreprises), contribution à des oeuvres caritatives (constatée pour 85% des organisations), octroi de congés dédiés (acquis dans 47% des cas) ou encore implication de la Direction (effectif pour près d'une entreprise sur trois) ou de toute l'organisation (pour 60% des sondées) constituent à ce jour, les principales déclinaisons.
Pour la plupart des entreprises, la RSE n'est pas un simple phénomène de mode, mais fait bien l'objet d'une gestion à proprement parler à l'instar de n'importe qu'elle autre pratique RH.
Pour conclure, nul besoin d'attendre la Saint-Sylvestre et son lot de résolutions pour se convaincre de l'utilité de se doter d'une culture d'entreprise bienveillante, car les raisons sont aussi nombreuses que diverses.
Il ne s'agit là que d'un extrait des nombreuses pratiques observées dans plusieurs entreprises leader de leur marché, néanmoins l'enseignement tiré permet déjà d'aboutir à un consensus entre différents intérêts et par la même occasion de renforcer une certaine audace de servir.
Bio
Nabil Lasfer est senior consultant chez Julhiet-Sterwen, cabinet de conseil en stratégie, innovation et transformation. Il a déjà accompagné plus d'une dizaine de grands comptes sur des problématiques RH et SIRH.