5 étapes pour planter sa communication de crise comme Lactalis
Le culte du silence qui prévaut depuis des années au sein du groupe Lactalis semble se retourner contre lui. Communication tardive, oubli des réseaux sociaux, refus du jeu médiatique, discours langue de bois... voici les cinq erreurs pour planter sa communication de crise.
Je m'abonneAucune entreprise n'est à l'abri d'un faux pas. Même les plus grandes qui sont entourées d'une armada d'experts en communication. Lactalis, une multinationale laitière de 75 000 employés, présente dans 43 pays, entretient depuis plusieurs années le culte du secret. Une posture maintenue lors de l'affaire des laits infantiles contaminés aux salmonelles dans son usine de Craon en Mayenne, scandale sanitaire révélé samedi 2 décembre 2017. Communication tardive, manque de dialogue avec les médias et sur les réseaux sociaux... voici cinq erreurs qui ont plongé le groupe dans la tourmente.
1. Une communication en mode lait sur le feu
Après une crise, "il faut réagir vite, très vite, dans les premières heures, 24h tout au plus pour une première réaction, même si elle est très courte et qu'on manque d'éléments. Attendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, ne renvoie pas de bons signaux", estime Jean-Michel Boissière, directeur associé de l'agence MC2 (Médias Coaching Communication), spécialiste de la communication de crise.
Dans le cas précis de Lactalis, l'entreprise a attendu jeudi 11 janvier 2018 pour organiser une conférence de presse, en présence de son porte-parole. Il aura fallu attendre trois jours de plus pour qu'Emmanuel Besnier, p-dg de Lactalis, sort de son silence et accorde une interview au Journal du dimanche. Pour tenter d'éteindre le feu, il promet aux parents ayant subi des dommages de les indemniser. "Un p-dg n'est pas obligé de parler dans les médias dès qu'il y a un problème. Il peut laisser cette fonction à un porte-parole. Dès lors que la crise est importante et sérieuse, il faut une réaction de la direction. Pour que la raison de la crise soit entendue, il faut qu'elle soit rapide", considère l'expert.
Nous concédons une chose : avoir privilégié le "faire" et la gestion de la crise plutôt que le "faire savoir". #LactalisRépond #Lactalis #CashInvestigation pic.twitter.com/yz4qhUIlug
- Lactalis (@groupe_lactalis) 16 janvier 2018
Une communication rare ou trop surveillée, peut entraîner des dégâts importants en termes d'image. "Les entreprises ne le perçoivent pas immédiatement. Les dommages sont pourtant chroniques et pérennes. Une perte d'image est compliqué à rattraper et peut détourner les consommateurs durablement", poursuit Jean-Michel Boissière.
2. Penser que les réseaux sociaux comptent pour du beurre
Lactalis a créé son compte Twitter en janvier 2018. Une démarche tardive. En attendant, les consommateurs et associations de parents ont très vite occupé l'espace sur la Toile, au détriment de l'entreprise.
Une présence sur les réseaux sociaux aurait permis d'ouvrir le dialogue avec le public, de les informer des mesures prises dans les différentes usines ou encore de rassurer et de prodiguer des conseils aux parents. "Les réseaux sociaux sont très importants. Les choses s'emballent très vite. Les médias s'inspirent des réseaux sociaux, et republient les tweets. Cette boucle d'information peut être pénible, mais il faut s'employer à le faire pour que sa parole soit audible", affirme Jean-Michel Boissière.
3. Laisser les médias sur leur faim
En cas de crise, il faut accepter le jeu médiatique afin de ne pas s'exclure de la boucle d'information. La posture à adopter ? Publier un communiqué de presse et ne pas hésiter à donner des informations, même si elles sont très courtes, sur le site ou les réseaux sociaux. "Les médias ne doivent pas être sous-estimés. Si un dirigeant refuse le dialogue, le risque est que les journalistes se permettent de refaire un historique de ce qui n'a pas fonctionné auparavant. Tout cela va charger la barque", insiste le directeur associé de l'agence MC2.
4. Être soupe au lait
La plus grande erreur dans la forme du discours serait de reporter la faute sur quelqu'un d'autre. "En cas de manques d'éléments, mieux vaut ne pas trop en dire. Le langage adopté doit être assez clair, factuel, sans langue de bois. Il faut choisir ce qu'on a envie de dire et de taire", conseille Jean Michel Boissière. Que la crise soit liée à une histoire de santé ou de sécurité, si beaucoup de gens sont lésés, le premier réflexe est d'avoir un mot pour les victimes, de montrer qu'on est préoccupés, qu'on a de l'empathie.
"Le dirigeant ou le porte-parole va s'attacher à comprendre ce qui s'est passé, et montrer qu'il va tout mettre en oeuvre pour connaître l'origine du problème. Puis, il faut dire qu'on va agir, et montrer que des actions sont engagées pour éviter que l'erreur se reproduise", poursuit-il.
5. Laisser 'bouillir' ses salariés
Concentrées sur la gestion médiatique, les entreprises estiment souvent moins urgente ou moins prioritaire la communication interne. "Les salariés sont pourtant les victimes collatérales d'une crise. Il faut s'adresser à eux pour leur expliquer ce qui se passe", commente Jean-Michel Boissière. C'est en effet souvent à eux de reconstruire l'image de l'entreprise.
Ils doivent donc adhérer au récit délivré par l'entreprise afin d'être en capacité de devenir des porte-parole dans leur cercle d'influence et de confiance.