[Tribune] RSI : quelles réformes pour rétablir un régime équitable ?
Le Régime Social des Indépendants (RSI) continue de susciter de vives critiques, notamment liées aux inégalités qu'il engendre. Plusieurs propositions "d'urgence" du Gouvernement tentent d'amorcer un apaisement. Mais une véritable réforme s'impose pour rétablir équité et attractivité.
Je m'abonneParmi les 30 propositions présentées dans le rapport d'étape des députés Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier le 8 juin dernier, le Premier Ministre souhaite en faire appliquer rapidement cinq, qui visent à améliorer la qualité de service et donc la relation à l'usager. Outre la généralisation des médiateurs locaux et la priorité au recouvrement amiable, ces mesures relèvent plutôt de dispositions techniques comme la mise en place d'un système d'information fiable et performant, l'amélioration des courriers et des services en ligne. Mais que l'on ne s'y trompe pas, ces mesures d'urgence, bien que nécessaires, appellent une réforme en profondeur. En ce sens, trois propositions, absentes des discussions actuelles, pourraient rendre le régime plus équitable et attractif.
1. Supprimer les cotisations sur les dividendes
Pour les travailleurs indépendants exerçant leur activité dans une société soumise à l'impôt sur les sociétés (essentiellement les gérants majoritaires de SARL ou de SELARL), l'assiette de cotisations du RSI porte notamment sur les dividendes perçus.
Or, les dividendes ne constituent pas un revenu professionnel pour le gérant d'une société, au sens d'une rémunération de son mandat ou de son travail. C'est une rémunération du capital investi. Dès lors, pourquoi un gérant de SARL serait-il tenu de soumettre les dividendes perçus à cotisations sociales, alors qu'un Président de SAS (régime cadre), n'est quant à lui pas tenu de le faire ?
Pour un régime plus équitable, il faudrait supprimer de l'assiette les cotisations sur les dividendes perçus par les travailleurs indépendants.
2. Instituer une rémunération économique pour les travailleurs individuels
Les travailleurs indépendants, exerçant à titre individuel, ont pour leur part une assiette de cotisations reposant sur le revenu professionnel retenu pour le calcul de leur impôt sur le revenu.
Cette méthode de calcul revient en fait à payer des cotisations sur l'ensemble des résultats de l'entreprise. Or, dans la plupart des cas, l'exploitant individuel ne prélève pas l'intégralité du résultat, puisqu'une partie est affectée aux remboursements des emprunts ou aux besoins de financement. L'exploitant individuel est donc pénalisé par rapport au dirigeant d'une entreprise exploitée sous la forme sociale.
L'instauration d'une rémunération économique, correspondant au prélèvement effectué par l'exploitant individuel, pourrait alors servir d'assiette de cotisations au RSI. Cela aurait en plus le mérite d'obliger les chefs d'entreprises à définir une rémunération de leur travail, en adéquation avec la capacité financière de leur entreprise.
3. Calculer des cotisations provisionnelles de l'année en cours
Manuel Valls propose enfin d'ajuster les versements provisionnels "en n'appliquant pas de pénalité en cas d'erreur non intentionnelle dans les acomptes". Les revenus, que les affiliés déclarent chaque année pour l'année précédente, peuvent ensuite donner lieu à des ajustements. Toutefois, des régularisations mal appréhendées provoquent parfois des difficultés financières.
La mise en place d'une déclaration prévisionnelle des revenus par le travailleur non salarié permettrait à la fois de clarifier sa situation, tout en servant de base aux appels de cotisations.
Ces trois propositions d'améliorations présentent plusieurs avantages. Elles permettraient d'abord de responsabiliser l'affilié au regard de la gestion de sa rémunération, et donc de mieux anticiper ses cotisations RSI. Elles encourageraient ensuite l'exploitant individuel à fonctionner selon la rémunération de son travail, et non en prélèvement de trésorerie. Enfin, elles rendraient le régime RSI plus humain, mais aussi plus attractif et plus équitable.
L'auteur
Louis-Marie Chiron, associé au sein du cabinet BDO, 5ème réseau mondial d'audit et de conseil, possède plus de 30 ans d'expérience en expertise comptable et conseil d'entreprise. Membre du Conseil d'administration de BDO France, il est expert-comptable et commissaire aux comptes de nombreux groupes et accompagne les chefs d'entreprise dans leur stratégie de développement.