Nicolas Brien (France Digitale) : "Il faut réconcilier transition environnementale et transformation numérique"
Puisque l'usage du digital a explosé durant le confinement, France Digitale a élaboré un " plan de redirection " : ALT.ernatives. Il comprend 15 propositions pour intégrer au mieux le numérique dans la vie des entreprises et des Français. Explications avec Nicolas Brien, CEO de France Digitale.
Je m'abonneEn quoi consiste le plan ALT.ernatives ?
Ce qui nous a conduit à élaborer ce document, c'est le sentiment d'avoir vécu une accélération digitale sans précédent, et ce à l'échelle mondiale. Cette accélération prend forme dans l'usage des outils de télétravail, dans l'explosion du e-commerce ou même dans des choses plus sombres comme la montée des cyberattaques ou des commentaires haineux sur Internet. France Digitale formule donc 15 propositions, à destination des pouvoirs publics, pour tirer les leçons de cette période et de ce qui est, selon nous, un grand bond en avant du numérique.
Malgré ce dynamisme, faut-il encore accompagner le numérique ?
Avec la généralisation du confinement, ont été mis en évidence un défaut de préparation et des déficits problématiques, aussi bien chez les acteurs privés que publics. C'est le cas par exemple de groupes du CAC 40 qui n'ont pas pu basculer tous leurs salariés en télétravail, faute d'ordinateurs portables en nombre suffisant, ou d'autres qui ont constaté la vétusté de leurs infrastructures Cloud. C'est pourquoi nous présentons un plan cohérent, qui touche l'économie et la société dans son ensemble, à travers quatre thématiques principales : les aides publiques, l'emploi, le financement et l'impact écologique et solidaire. Nous ne sommes pas sur du sectoriel.
Chaque entreprise est donc concernée ?
Nous allons beaucoup parler de plan de relance dans les prochaines semaines. Il nous parait essentiel que pas un euro d'argent public n'aille à des entreprises qui n'ont pas pris des engagements de transformation digitale, comme par exemple la signature d'un accord d'entreprise permettant aux salariés qui le désirent de basculer en 100 % en télétravail. Je pense aussi à l'ouverture des données non stratégiques ou encore l'attribution d'un certain pourcentage d'appels d'offres à des start-up.
Les plans d'aides publiques disent quelque chose sur le monde que l'on souhaite collectivement. C'est pourquoi ces plans doivent vraiment marcher sur deux jambes, à savoir la question de la transformation numérique, mais aussi de la transition environnementale.
Comment ?
Il est essentiel de réconcilier transition environnementale et transformation numérique. Par exemple, cela passe par un taux de TVA réduit sur les équipements électroniques reconditionnés. Ce confinement a bien montré que des ménages modestes ont subi de plein fouet les inégalités numériques, avec des enfants qui n'ont parfois pas pu suivre les cours en ligne, tout simplement parce qu'ils n'étaient pas équipés pour.
Comment accélérer aussi la digitalisation des entreprises ?
Parmi les mesures que nous proposons, l'une d'entre elles concerne le chômage partiel : nous demandons à ce qu'il puisse être basculé en congé formation numérique. Les entreprises qui le souhaitent doivent pouvoir prolonger le chômage partiel en échange d'une obligation pour le salarié de suivre une formation aux compétences du digital. Cela permettrait de préparer l'avenir pour un certain nombre d'industries et de métiers. Le chômage partiel serait alors financé également par les CPF (comptes professionnels de formation).
Une autre solution réside dans l'épargne : les Français ont accumulé 55 milliards d'euros d'épargne forcée du fait du confinement, alors que nous sommes dans une période où nos PME ont plus que jamais des besoins en financement d'amorçage. Il faut donc des outils pour flécher tout ou partie de cette épargne forcée vers des investissements dédiés aux PME. Un dispositif qui pourrait être intéressant, ce serait de muscler le IR-PME (réduction d'impôt sur le revenu, si on investit en direct dans une PME).
Quelle suite sera donnée au plan ALT.ernatives ?
Nous allons présenter le plan au Ministre de l'économie, vendredi 29 mai 2020. Ensuite, des échanges sont également prévus avec le ministère de la Défense, de la transition écologique, la Commission Européenne et plusieurs parlementaires de la majorité et de l'opposition. Nous sentons un intérêt sur le sujet qui dépasse largement les clivages partisans. Le grand bond en avant du numérique, que j'évoquais en introduction, nous l'avons tous vécu au quotidien, quelle que soit notre étiquette ou notre activité.