[Interview] Hapsatou Sy : "Je ne crois pas à l'entrepreneuriat féminin"
Hapsatou Sy crée sa première entreprise à 24 ans. Depuis, elle a connu l'échec, de nouvelles réussites, soit autant de montagnes russes qui font le quotidien des entrepreneurs. Aujourd'hui animatrice télé , elle n'en oublie pas moins de partager son expérience et ses valeurs pour inciter d'autres femmes à se lancer.
Je m'abonneQu'est-ce qui vous a donné envie d'entreprendre ?
J'ai toujours voulu être entrepreneure car très jeune, j'ai été marquée par le fait que ma mère ne savait ni lire ni écrire. C'est pourtant une wonder woman, avec huit enfants. Elle ne se plaignait pas, elle travaillait. J'ai aussi l'exemple de mon père qui est entrepreneur, quelqu'un qui a voulu conquérir sa liberté. Je refusais le déterminisme social. J'avais envie de faire des choses, dont je ne trouvais malheureusement pas les exemples en France.
Où avez-trouvé ces exemples ?
Je me suis inspirée des États-Unis. J'y voyais des femmes qui réussissaient. Je me suis alors dit que si c'était possible ailleurs, c'était possible aussi en France. À l'école, je m'acharnais et je disais à mes professeurs que je serais business woman. Le mot "entrepreneur" est synonyme de liberté.
Lire aussi : Le PER, un levier de défiscalisation pour les indépendants et entrepreneurs : explications
Vous avez donc créé Ethnicia, un réseau de salons de beauté. C'était votre première entreprise et vous l'avez lancée à l'âge de 24 ans...
J'ai commencé en effet en 2005 après une année à tout étudier, à tout réfléchir. Je faisais alors des business plans rue de Rivoli, en interrogeant les passants. Je n'avais pas la méthodologie des écoles de commerce, j'apprenais tout sur le tas, bénéficiant des conseils de mon manager de l'époque.
L'aventure s'est terminée en 2013. Que s'est-il passé ?
Une croissance trop rapide et un mauvais entourage... Je ne savais pas, alors, que j'étais mal entourée. Quand je recrutais un directeur financier ou un directeur commercial, je n'avais pas les compétences pour mesurer s'il était bon ou mauvais. J'attendais les résultats terrain, ce qui demandait du temps.
Depuis, je sais qu'être bien entouré, c'est collaborer avec des gens meilleurs que soi, qui vous permettent de progresser. Certes, pour être entrepreneur, il faut être visionnaire, avoir du caractère, du tempérament. Mais il n'y a aucune école qui vous formera à l'entrepreneuriat et à la sortie de laquelle vous saurez tout faire.
Entreprendre, c'est apprendre tous les jours selon vous ?
Devenir entrepreneur, c'est être cet homme ou cette femme à tout faire. Il faut comprendre ce que vous confiez aux gens. J'ai donc appris la finance, la communication, le marketing, les RH... Je ne veux pas être juste sur la beauté, je veux comprendre les composants, les formules, l'aspect réglementaire quand je parle avec les laboratoires.
Donc, cette aventure, Ethnicia, devient comme un sac de plomb dont je dois me défaire, mais j'en récupère une expérience extraordinaire, qui me permet d'aller beaucoup plus vite après.
Avez-vous aussi appris le management ?
J'ai très souvent confondu assistanat et accompagnement. Quand on assiste les gens, on ne leur rend pas service contrairement à quand on les accompagne. J'étais quelqu'un qui gérait beaucoup par l'affect. J'avais envie de donner sa chance à chacun. Mais quand les personnes n'ont pas la rage, pas l'envie, vous pouvez leur donner autant de chances que vous voulez, cela ne sert à rien.
Aujourd'hui, quelles entreprises gérez-vous ?
J'ai trois sociétés : Cellule Active qui gère mon image, Résidence Production (pour des projets de production télé) et Atypic Beauty World (NDLR : l'entreprise qui développe la marque HapsatouSy). Cette dernière est consacrée au projet le plus excitant de ma vie : celui des "beautypreneurs".
C'est un concept à mi-chemin entre la vente à domicile (sans le côté poussiéreux !) et le digital. Il repose sur de la formation gratuite : développement personnel, confiance en soi, mais aussi comment bien vendre, ou construire un business plan... Soit un accompagnement en amont de la création d'entreprise dans les secteurs de la mode, du lifestyle et de la cosmétique. Je compte aujourd'hui un millier de beautypreneurs à travers la France. Je leur donne accès à un outil 360° qui leur permet de prospecter, de gérer leurs commandes, de progresser, de s'épanouir, de participer à une aventure humaine... car il y a un aussi un volet social.
À travers Atypic Beauty World, nous avons accompagné les femmes de la rue, distribué des repas pendant le confinement, envoyé des colis dans le village de mon père au Sénégal...
C'est indissociable de l'entrepreneuriat aujourd'hui ?
Être entrepreneur, c'est vouloir changer le monde. Et pour cela, il faut commencer par changer ce qu'il y a autour de soi. On ne peut pas avancer si on ne donne pas de sens à son quotidien. Ce que j'entreprends est à la fois lucratif et nécessaire : j'ai trouvé le bon cocktail qui me fait du bien (où le côté social n'est pas trop présent au point de s'oublier soi, et que cela devienne pesant).
1981
Naissance à Sèvres (Hauts-de-Seine).
2005
Crée le concept de salons de beauté Ethnicia.
2012
Chroniqueuse sur D8 pour l'émission Le Grand 8.
2013
Liquidation judiciaire d'Ethnicia.
2017
Parution de son premier livre ''Partie de rien'' (éditions Dunod).Rejoint C8.
2019
Lance le concept des beautypreneurs.
2021
Présente Secrets de conso sur RMC Story.
NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles
La rédaction vous recommande