[Interview] Jean Moreau (Impact France) : "Défendre une autre vision de l'entreprise"
Le Mouves, Mouvement des entrepreneurs sociaux, a annoncé jeudi 8 octobre 2020 son changement d'identité pour devenir Impact France. Son co-président, Jean Moreau revient sur les raisons de ce virage, dix ans après la création du mouvement.
Je m'abonnePourquoi opérez-vous ce changement d'identité ?
Les 10 premières années du Mouves ont permis de montrer qu'un autre modèle d'entreprise était viable. Maintenant, pour les 10 prochaines années, Impact France sort de la logique de pionnier et généralise ce modèle en passant de 10% de l'économie classique à 20 voire 30%.
Impact France reste donc dans la même continuité, en revanche, nous souhaitons insérer la dimension environnementale. Le Mouves était essentiellement un mouvement d'entrepreneurs sociaux, il manquait un aspect écologique.
Aussi, cela survient pour dépoussiérer l'image du Mouves, grâce à des mots et visuels plus modernes. Avec le terme "impact", le projet est plus ouvert, en englobant des entreprises dans une démarche de transition et pas uniquement des pionnières du domaine. C'est donc l'occasion de sortir de l'entre-soi ESS en intégrant des projets plus variés.
Vous évoquez "l'urgence d'un changement économique". Comment comptez-vous y remédier ?
Nous sommes la première génération à se rendre compte, assez brutalement, du changement climatique. Mais nous sommes aussi la dernière à pouvoir faire quelque chose. Il y a une urgence à réinventer le rôle de l'entreprise et qu'elle participe à surveiller son impact environnemental.
Aujourd'hui, il est possible pour une entreprise d'aller au-delà d'une limitation de ses émissions, par exemple en ayant une contribution positive à l'environnement, c'est-à-dire faire plus que de compenser les émissions négatives.
Nous martelons l'idée que le rôle de l'économie de demain ne réside donc plus uniquement dans la rentabilité. En restant un des leviers de l'entreprise, il est possible de réinventer le modèle en disant qu'elle a aussi une mission d'intérêt général.
Par ailleurs, nous sommes assez vigilants, car Impact France n'envisage pas de devenir un mouvement politique. C'est avant tout un mouvement d'entrepreneurs. Nos actions se partagent en 3 dimensions.
La première est de fédérer les acteurs de l'impact positif en faisant en sorte d'échanger et se rencontrer. La deuxième, c'est l'incubateur, avec le partage d'expérience. Nous avons remarqué que nous manquions de success stories et donc d'entreprises à faire valoir pour montrer qu'il est possible de cumuler impact et croissance, sans pour autant détruire l'environnement. Le troisième est basé sur l'influence et la visibilité.
Comment envisagez-vous demain ?
Après la transition numérique, la prochaine bataille est la transition environnementale et sociale. Impact France est acteur de cette transition en aidant les entreprises dans leur évolution. Pour y parvenir, le mouvement base son analyse sur 4 piliers : l'impact social, l'impact environnemental, le partage de la gouvernance et le partage des richesses. Car nous portons également la réinvention des manières de travailler.
Actuellement, le Medef tient une voix dominante, nous souhaiterions montrer que ce n'est pas la seule et qu'elle est en décalage avec les attentes des nouvelles générations. Sans être un anti-Medef, Impact France porte une autre vision de l'entreprise avec une évolution patronale salariale plus horizontale que verticale. Avec nos actions, nous montrons, aujourd'hui comme demain, qu'il est possible de faire du business autrement.
Impact France est un petit réseau avec approximativement 1 000 entreprises. Nous envisageons de regrouper 50 000 entités, d'ici 3 ans, en comptant les adhésions directes et les partenariats croisés. D'ailleurs, nous sommes d'ores et déjà à la recherche d'adhérents !