Frédéric Mazzella : "Il faut 100 boîtes comme BlaBlaCar en France"
Cofondateur de BlaBlaCar, l'une des trois licornes françaises, Frédéric Mazzella vient de céder les rênes opérationnelles de l'entreprise . Il revient sur les grands enjeux de développement de sa société et sur son implication dans le milieu entrepreneurial français.
Je m'abonneVous faites partie des entrepreneurs de la tech les plus en vue. Est-ce une pression supplémentaire ?
Bien sûr ! Chez BlaBlaCar, nous faisons notre travail du mieux possible. En tant qu'exemple, nous devons aussi être un modèle pour les autres. Cette pression est aussi bénéfique car elle nous oblige à faire toujours mieux. Elle nous pousse vers l'excellence.
Quel est votre regard sur l'entrepreneuriat en France ?
J'espère que nous arriverons un jour à avoir 100 boîtes comme BlaBlaCar. C'est d'ailleurs en train d'arriver. Il suffit de voir les levées de fonds de cette semaine [interview réalisée le 18 mai 2018, NDLR] : OpenClassrooms à 60 millions de dollars, AirCall à 25 millions d'euros ou encore Welcome To The Jungle à 7 millions d'euros.
Il y a aussi de superbes entreprises que si développent, comme Back Market, qui recycle les téléphones et les ordinateurs portables. Comme BlaBlaCar, il s'agit d'une optimisation de ressource. C'est, pour moi, le summum du développement durable.
Quelles seront, selon vous, les prochaines licornes françaises ?
Doctolib, Back Market et OpenClassrooms.
La grève de la SNCF est-elle une aubaine pour BlaBlaCar ?
L'actualité a clairement poussé à une utilisation plus forte de notre service. Il faut dire que le réseau de BlaBlaCar est une solution de transport alternative en cas de pépin. Depuis le début des grèves, l'usage a été multiplié par deux. Nous avons dû faire de gros efforts pour assurer le service malgré cette forte augmentation.
Par exemple, nous avons lancé des trajets en autocar pouvant être réservés directement sur notre site. Nous avons aussi fortement mobilisé notre communauté. Car si la demande augmente en cas de grève, l'offre ne suit pas obligatoirement. Finalement, nous avons dépanné des millions de personnes.
L'usage n'est-il pas limité aux trajets entre les grandes villes ?
C'est une bonne question. Nous ne créons pas de trajets : les chauffeurs ne s'adaptent pas à la demande des passagers. C'est pour cette raison que nous venons de développer un algorithme permettant de répondre à cette problématique.
Quand vous cherchez un trajet, nous analysons désormais tous les conducteurs qui passent par votre point de départ et votre point d'arrivée. Nous pouvons ainsi passer d'une offre de trajets de ville à ville à une offre de village à village. Cela donne une puissance incroyable à notre réseau car nous avons 14 millions d'utilisateurs en France. Nous pouvons aussi bien vous emmener chez votre grand-mère qu'à l'aéroport. Et nous sommes le seul réseau à proposer cela.
Pourquoi avez-vous décidé de racheter la start-up Less, créée par le p-dg de Criteo ?
Le rachat de Less est avant tout une opportunité car l'équipe est exceptionnelle. Et ce, pour deux raisons. Déjà, sur le plan technique et humain, il s'agit d'une vraie plus-value pour nous. Ensuite, ils possèdent une qualité rare : ils s'intéressent au covoiturage. Tous ces atomes crochus ont été à l'origine du rachat.
Vous êtes très investi dans la communauté entrepreneuriale et numérique. Pourquoi ?
Ce qui me motive, c'est de développer des choses bien, pas seulement une entreprise. Ensuite, je suis passionné par ce qui est nouveau et positif. Et je veux être utile. Ces facteurs font que je rentre dans un rôle un peu plus écosystémique.
J'essaie de partager mon expérience, même si cela prend du temps. La raison ? J'aurais aimé que quelqu'un me donne ces informations quand je me suis lancé. J'aurais clairement gagné du temps. Il y a trois manières d'avancer dans la vie : soit vous ne bougez pas et il ne se passe rien, soit vous apprenez de vos erreurs mais c'est long, soit vous apprenez des erreurs des autres et vous allez beaucoup plus vite !
Quel échec vous a marqué ?
Je n'aime pas ce mot. Pour moi, l'échec est une erreur reproduite. L'une de mes grandes difficultés a été de trouver le bon business model pour BlaBlaCar. Nous en avons tout de même testé six ! Peu de personnes s'en souviennent.
Pour les cinq premiers, certains ont été des désastres intégraux et d'autres auraient pu fonctionner sur un mal entendu [rires]. Il ne faut pas oublier que le diamant d'une entreprise, c'est son modèle économique. Le problème d'une start-up, ce n'est pas d'avoir une bonne idée : c'est justement de trouver la façon dont elle gagnera de l'argent avec.
Comment avez-vous trouvé le nom BlaBlaCar ?
Nous avions besoin d'un nom de marque qui soit explicite. Au début, le secteur d'activité n'existait pas. Nous avons donc choisi Covoiturage.fr mais le concept a vite été copié. Le mot "covoiturage" a été utilisé par d'autres acteurs. Il fallait créer une nouvelle marque pour affirmer nos valeurs.
D'où le nom BlaBlaCar dont l'accouchement a été long et difficile. Il faisait partie d'une short list de 30 noms et j'ai cherché celui qui était le plus facilement mémorisable. Je l'ai testé sur des amis et il marchait bien, car c'était un nom ovni.
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