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[Tribune] Capter et porter l'énergie de la responsabilité est au coeur du self-management

Publié par le | Mis à jour le
[Tribune] Capter et porter l'énergie de la responsabilité est au coeur du self-management

S'il est une question clé pour tous ceux qui aspirent à développer le self-management au sein de leur organisation, c'est bien celle de la responsabilité. Mais comment faire en sorte que chacun, dans l'entreprise qui se réinvente, se saisisse de cette énergie créatrice ?

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Souvent, notre réflexion se voit influencée par les rencontres qui font notre quotidien. Avec des dirigeants ou des confrères comme ce fut ici le cas avec Toscane Accompagnement.

S'il y a bien un sujet qui occupe le devant de la scène pour aller vers le self-management, c'est bien celui de la responsabilité. Un mot qui pendant longtemps a été banni de notre vocabulaire car trop associé à la thématique du pouvoir " sur " plutôt qu'à celle de l'autorité " au service de ".

Pourtant, aujourd'hui, la notion de responsabilité revient sur le tapis par un chemin nouveau, celui de l'énergie.

Prendre l'énergie de la responsabilité

Pour illustrer cela, prenons l'exemple récent de cette personne qui a un projet à mener mais le fait à la va-vite. Elle commet des erreurs et son travail ne débouche sur aucune des améliorations escomptées alors qu'elle a les compétences requises. Elle n'a alors d'autre issue que de faire reprendre son travail par une tierce personne.

Comment cela a-t-il été possible ? Quelle énergie cette personne a-t-elle réellement mise dans ce projet ? Quelle bande passante y a-t-elle consacré pour aboutir à un résultat qu'on pourrait qualifier de " quick and dirty " ? La réponse à ces questions repose sur le fait que cette personne n'a pas pris l'énergie de la responsabilité de ce projet, celle qui lui aurait permis de délivrer un document complet et amélioré. Elle ne l'a pas porté, ni cherché à créer de la valeur en allant chercher ce qu'on appelle communément " l'extra mile ".

Conséquence : un autre doit s'en charger. À lui de prendre l'énergie de la responsabilité, de contrôler, modifier et améliorer le travail. Une situation qui, naturellement, débouche sur l'apparition d'un management - au sens du système conventionnel. C'est le manager qui endosse, amende et valide. L'enjeu du self-management apparaît dès lors clairement.

Et lorsque quelqu'un ne prend pas ses responsabilités, cela a souvent un impact sur les relations interpersonnelles et fait émerger inévitablement le " triangle dramatique " ; clash probable entre le persécuteur - le manager mécontent - et le persécuté - celui qui n'a pas pris l'énergie de responsabilité. Et, ici, le problème vient bien du managé. S'il choisit de ne pas assumer en ne prenant pas l'énergie de la responsabilité, cela crée mécaniquement un manager, un rapport de pouvoir générateur de tensions et de frustrations.

Pourquoi certains prennent l'énergie de la responsabilité et d'autres pas ?

Cette question est aujourd'hui au coeur des recherches avec les entreprises vers le self-management. Elle est centrale dans leur processus de transformation.

Lorsque l'on parle ici de responsabilité, on parle d'énergie et non de compétences. L'énergie vient des tripes ou ne vient pas. Et à tous ceux qui seraient tentés de rétorquer qu'elles ne prennent pas leurs responsabilités parce qu'elles ne voient pas comment faire, il faut dire que c'est une erreur. Car, si on prend l'énergie de responsabilité, on trouvera nécessairement le " comment ", comme par magie, quitte à demander de l'aide. Une réalité qui renvoie aux fameux " principes source " issus des travaux de Peter Koenig et auxquels Frédéric Laloux fait référence dans les douze premières minutes de cette vidéo.

Beaucoup insistent sur la nécessité de donner du sens aux équipes pour les motiver, les engager mais, en réalité, cela ne marche pas ainsi. Donner du sens avec une raison d'être dans chaque rôle comme l'holacratie le propose, ne suffit pas. Pour aller vers le self-management, il est nécessaire que chaque personne accepte de prendre l'énergie de responsabilité de son rôle ; puis qu'il l'accueille, tel un super-pouvoir à mettre au service de son rôle. In fine, le self-management consiste non à partager les responsabilités mais à multiplier la prise de l'énergie de responsabilité par tous dans leur rôle au sein de l'organisation.

Les deux dimensions de la responsabilité : structure et énergie

Si on s'intéresse à la définition du mot responsabilité, le dictionnaire nous dit que le mot vient du latin " respondere " qui signifie se porter garant, répondre de. Il désigne aussi la capacité à prendre des décisions auxquelles nous sommes prêts à répondre.

C'est bien ce que l'on veut en self-management. La structure organique en rôles, proposée par l'holacratie s'y prête d'ailleurs bien. Elle a même été faite pour cela : pour que chacun puisse être responsable et se porter garant de chacun de ses rôles.

Mais si la structure est nécessaire à la prise de responsabilité de chacun, elle ne suffit pas. Prendre véritablement la responsabilité d'un rôle, c'est l'accepter, et ceci est une question de transfert d'énergie interne, parfois très subtile. C'est comme si l'on acceptait d'être chargé énergétiquement d'une réalité nouvelle. Nous sommes ok pour " assumer la charge ". Et tant que nous pensons que c'est le chef qui est responsable, la situation reste inextricable.

Les conditions pour faire circuler l'énergie de responsabilité dans toute l'organisation

Il y a ceux qui prennent facilement cette énergie de la responsabilité et d'autres, plus nombreux, qui peinent à la prendre. Prendre l'énergie de la responsabilité, c'est comme s'envelopper d'une " cape invisible " qui donne un " super-pouvoir ", qui fait que vous donnez le meilleur, ne lâchez rien, prenez les risques qui sont nécessaires et les assumez.

Mais qu'est-ce qui fait que d'autres vont juste faire leur " job ", surfer voire laisser filer et se laisser vivre dans une certaine superficialité ? Qu'ils vont parfois se cacher, chercher à se justifier, à se protéger ? Raison pour laquelle, le plus souvent, ils ne demandent aucune aide.

L'accueil de l'énergie de responsabilité se manifeste en nous par un transfert et la mobilisation subtile d'une forme d'énergie. Celle-ci nous rassemble intérieurement, nous met dans une attention accrue. Elle mobilise notre volonté et nos forces, notre concentration et notre capacité à décider. Elle nous donne la " niaque " et la confiance : " Je suis en charge de... ".

Créer des rituels pour le transfert de l'énergie de responsabilité

Cette nouvelle vision de la notion de responsabilité amène à redéfinir les éléments de langage pour soutenir ce transfert d'énergie. Lorsque quelque chose est confié à quelqu'un, ce n'est pas uniquement un rôle ou un projet mais aussi une responsabilité avec l'énergie qui l'accompagne. A chacun d'endosser cette dernière. Prendre la responsabilité n'est donc pas seulement une affaire de définition du rôle mais cela demande à chacun d'accueillir cette énergie qui vient " énergiser " son rôle.

Dans ce contexte, au processus d'affectation d'un rôle à une personne, ce qui revient à lui confier les clés d'une mini entreprise et les autorités qui vont avec, il est nécessaire d'ajouter un rituel. Celui qui rend explicite le transfert de l'énergie de responsabilité ; de sorte que la personne puisse le connaître et le ressentir. Et celui qui rend explicite la confiance de celui qui transmet et de celui qui reçoit pour profiter du transfert de la source.

Lever les freins à la prise de responsabilité

Il est intéressant de s'interroger sur ce qui fait que des personnes ont du mal à prendre et endosser cette énergie de la responsabilité. Ces freins, quels sont-ils ? La charge est peut-être déjà trop lourde. Parfois la personne peut ne pas avoir été éduquée à la responsabilité. Cela peut aussi être la conséquence de peurs : celle d'échouer, de devenir différent des autres et d'être exclue... Ou encore un enjeu de légitimité et d'estime de soi.

Pour aller vers le self-management, il est pourtant nécessaire que l'énergie de responsabilité circule dans toute l'organisation, qu'elle puisse être portée par chacun d'entre nous. Cela nécessiterait une éducation à la responsabilité et de créer des espaces spécifiques propices à l'expression des ressentis, à l'accueil des craintes, des peurs, des résistances personnelles afin qu'elles puissent être traversées.

D'autres conditions sont nécessaires. La principale est sans aucun doute la capacité à créer un climat relationnel dans l'entreprise où les personnes se sentent en sécurité et en confiance ; une confiance réciproque et faite d'encouragements qui booste chacun à donner le meilleur. Une organisation où le droit à l'erreur est quelque chose de valorisé et de valorisant, le tout complété par une culture de soutien et d'entraide, débarrassée de toute forme de dogmatisme et de bureaucratie.

Ainsi, si l'on sait adresser ces enjeux plus personnels, éduquer à la responsabilité et introduire le ressenti comme un matériau utile et nécessaire à la mise en mouvement du self-management, l'énergie de la responsabilité pourrait circuler au sein de toute l'organisation afin que nous soyons tous au rendez-vous de la création de valeurs.

Pour en savoir plus

Bernard Marie Chiquet, fondateur de l'institut iGi. Il est formateur et consultant en organisations, spécialisé sur l'évolution des modes de gouvernance. Il accompagne les entreprises à travers leur changement systémique. Son Twitter.

 
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