Les jeunes et l'entreprise : entre attentes élevées et désillusions profondes
Attachés au travail mais méfiants envers l'entreprise, les jeunes recherchent du sens, de la flexibilité et une reconnaissance réelle. Une étude BVA Xsight pour la Fondation Jean Jaurès et la Macif met en lumière leurs attentes, les points de friction avec les employeurs et les leviers d'action pour les dirigeants.
Je m'abonneL'étude annuelle menée par BVA Xsight pour la Fondation Jean Jaurès et la Macif dévoile en 2024 un rapport complexe entre les jeunes et l'entreprise. Si l'attachement au travail reste fort, la confiance envers les employeurs et les conditions d'exercice est, quant à elle, largement fragilisée. Pour les dirigeants d'entreprise, ces résultats sont un signal d'alarme : attirer et fidéliser cette nouvelle génération nécessite une remise en question profonde des pratiques managériales et des promesses faites aux salariés.
Le travail : une valeur toujours forte, mais une entreprise en crise de confiance
Contrairement aux idées reçues, les jeunes ne rejettent pas le travail. L'étude révèle qu'une majorité d'entre eux associe toujours l'emploi à une source d'épanouissement personnel (57 %) et à un élément clé de leur identité sociale (65 %). Cependant, l'entreprise en tant qu'institution suscite un sentiment de méfiance : 62 % des jeunes considèrent que le monde du travail est trop rigide et peu adapté à leurs aspirations.
Plus préoccupant encore, seuls 37 % estiment que l'entreprise se soucie réellement du bien-être de ses salariés. Ce chiffre témoigne d'un fossé grandissant entre les discours des employeurs et la réalité perçue par les nouvelles générations.
Des attentes claires : sens, flexibilité et reconnaissance
L'enquête met en avant trois grandes attentes des jeunes vis-à-vis de l'entreprise :
- Un travail porteur de sens
L'utilité sociale et environnementale est un critère majeur pour cette génération. 76 % des jeunes interrogés déclarent qu'ils préféreraient travailler dans une entreprise qui a un impact positif sur la société, quitte à gagner un peu moins. Ce besoin de sens ne se limite pas aux métiers de l'ESS : il concerne tous les secteurs et pousse les entreprises à repenser leur mission et leurs engagements. - Un équilibre entre vie professionnelle et personnelle
Le modèle traditionnel du salariat à horaires fixes perd du terrain. 68 % des jeunes jugent que l'entreprise doit offrir plus de flexibilité, que ce soit à travers le télétravail, les horaires aménagés ou de nouvelles formes de collaboration. L'épanouissement personnel est désormais perçu comme indissociable de l'épanouissement professionnel. - Une reconnaissance et une évolution rapide
Le besoin de reconnaissance se traduit par une forte attente en matière de rémunération et d'évolution. Près de 70 % des jeunes estiment que leur salaire ne reflète pas leur engagement, et 58 % jugent que les perspectives de progression sont trop limitées. Une politique RH rigide et des parcours professionnels trop figés sont souvent synonymes de frustration et de désengagement.
Des entreprises jugées dépassées sur plusieurs fronts
Si les jeunes ont des exigences élevées, ils ne sont pas dupes face aux promesses non tenues des employeurs. L'étude met en avant plusieurs points de friction majeurs :
- Un management inadapté : 54 % des jeunes considèrent que leur manager n'est pas suffisamment à l'écoute de leurs besoins et 48 % estiment que leur entreprise ne prend pas en compte leurs suggestions.
- Un manque de transparence : seulement 32 % des répondants jugent que leur entreprise communique de manière claire sur sa stratégie et ses objectifs.
- Un engagement sociétal souvent perçu comme du "greenwashing" : alors que les jeunes valorisent l'impact environnemental et social, seuls 28 % estiment que leur employeur est réellement engagé sur ces questions.
Comment les entreprises peuvent-elles répondre à ces attentes ?
Face à cette nouvelle donne, les dirigeants ont tout intérêt à adapter leur stratégie de management et leur proposition de valeur pour attirer et fidéliser ces jeunes talents. Quelques pistes émergent :
- Aligner les discours et les actes
L'heure n'est plus aux promesses creuses. Les entreprises doivent prouver par des actions concrètes qu'elles prennent en compte le bien-être de leurs salariés et leur impact sociétal. Cela passe par des engagements vérifiables, comme une meilleure transparence salariale, une politique RSE ambitieuse et des dispositifs concrets en faveur de l'équilibre de vie. - Favoriser un management plus participatif
Les jeunes attendent un leadership plus horizontal et collaboratif. Ils veulent être écoutés et impliqués dans les décisions stratégiques. Miser sur l'intelligence collective et la co-construction des projets peut renforcer leur engagement. - Rendre les parcours professionnels plus dynamiques
Offrir de vraies perspectives d'évolution, repenser la mobilité interne et investir dans la formation continue sont des leviers essentiels pour éviter la fuite des talents.
Un enjeu clé pour la pérennité des entreprises
Les résultats de cette étude doivent être pris au sérieux par les dirigeants d'entreprise. Le rapport des jeunes au travail est en pleine mutation et leur engagement ne peut plus être pris pour acquis. En intégrant ces nouvelles attentes, les entreprises ne se contenteront pas d'attirer des talents : elles se donneront aussi les moyens d'innover, de croître et de rester compétitives dans un monde du travail en constante évolution.
Lire aussi : Partage de valeur : quelles sont vos obligations ?