Réforme des apprentis : Comment éviter « l'usine à gaz » ?
Ces dernières semaines, un débat (re)fait surface autour de la réduction de l'aide à l'embauche des apprentis. Alors bonne ou une mauvaise idée ? Si l'on peut comprendre la nécessité de réduire les aides, attention néanmoins à ne pas transformer d'un coup, un dispositif qui a fait ses preuves, en un système aussi complexe qu'inefficace...
Je m'abonneL'alternance : un tremplin pour l'emploi
On ne peut pas ignorer les chiffres : 70 % des alternants de niveau bac+3 (et plus) trouvent un emploi dans l'année qui suit l'obtention de leur diplôme, contre seulement 47 % pour ceux qui suivent une formation initiale classique[1]. C'est simple : les entreprises adorent les alternants. L'engouement pour ces profils s'explique facilement : en alternance, les étudiants ne restent pas le nez plongé dans des concepts théoriques, mais sont tout de suite dans le « dur », à travailler sur de vrais projets, dans de vraies entreprises.
Pour les jeunes, c'est un deal gagnant : ils touchent un salaire, acquièrent de l'expérience et se forment en même temps ; l'employeur se chargeant, lui, des frais de formation... Et ce n'est pas tout : l'alternance permet aussi aux apprenants d'accéder à des formations professionnalisantes sans se ruiner, une véritable aubaine pour tous ceux - et ils sont nombreux - n'ayant pas les moyens de financer des études coûteuses.
Les entreprises, elles n'ont plus, ne sont pas en reste. Elles forment les étudiants aux compétences dont elles ont vraiment besoin, en misant sur leur embauche à la fin de leur formation. Un moyen quasi-infaillible de recruter (et de pré-former) des talents en phase avec leurs attentes spécifiques.
Cette proximité entre formation et monde du travail oblige d'ailleurs les écoles à rester continuellement à l'écoute du marché du travail. Elles doivent pour cela ajuster en permanence leurs programmes (avec l'impossibilité, pour elles, de vivre sur leurs acquis) et continuellement s'adapter à l'évolution des besoins des entreprises.
Une réforme nécessaire mais pas sans risques
Dans ce contexte, on comprend mieux pourquoi la perspective de réduire les aides à l'embauche des apprentis suscite tant de discussions. Pour rappel, l'État verse actuellement 6 000 € à chaque entreprise qui recrute un apprenti. Une somme non négligeable, surtout pour les PME. Mais avec les efforts budgétaires annoncés, il est question de réduire ce montant à 4 500 €... Alors, bonne ou une mauvaise idée ? Il est certes compréhensible que l'État veuille réaliser, par les temps qui courent, des économies, et, avouons-le, cette baisse reste acceptable. Il faut néanmoins que ce soit clair pour tout le monde, autrement dit, qu'elle soit suffisamment expliquée afin que le système ne soit pas remis en cause dans son ensemble (puisqu'il y a souvent un amalgame entre l'aide à l'embauche et la prise en charge des frais de formation par les Opco.)
C'est là un point crucial. En effet, même si l'aide à l'embauche est réduite, la prise en charge des frais de formation par les opérateurs de compétences (Opco) reste essentielle. En moyenne, ils financent 8 304 € par an et par alternant[2], un soutien financier qui permet aux entreprises de former sans supporter seuls l'intégralité des coûts. Ne les laissons donc pas s'imaginer que la formation n'est plus financée et risquer qu'elles ne finissent pas s'en détourner !
Simplifier pour mieux convaincre
Pour que cette réforme soit acceptée de tous, il faut donc qu'elle soit simple et claire. D'autant que bon nombre d'entreprises - surtout les petites - n'ont pas de service RH pour décoder des dispositifs législatifs complexes. En conséquence, si on leur présente un système trop compliqué, elles préféreront possiblement le mettre de côté.
Si donc en cette période de « vaches maigres », passer les aides de 6 000 à 4 500 € n'est pas une mauvaise décision en soi, il s'avère primordial d'accompagner au mieux les entreprises qui, mal informées, pourraient considérer que l'alternance n'est plus un levier suffisamment intéressant pour leur développement.
L'alternance, une solution pour la reconversion
Car au-delà des jeunes, n'oublions pas que l'alternance reste également une solution précieuse pour les adultes en reconversion professionnelle.
L'alternance offre en effet une flexibilité rare dans le système de formation continue, permettant aux adultes de se former à un nouveau métier (souvent pénurique) sans quitter totalement le marché du travail. En cela, c'est un modèle vertueux qu'il faut continuer à soutenir, notamment en ré-allouant une petite aide pour les contrats de professionnalisation.
Une réforme à double tranchant
En conclusion, la réduction des aides à l'embauche peut avoir un impact maîtrisé, à condition d'être accompagnée d'une communication claire et d'une démarche simpl(ifié)e pour toutes les entreprises intéressées. L'alternance reste un atout majeur pour l'emploi, la formation, et la reconversion professionnelle. Pour qu'elle continue à jouer son rôle, elle doit rester attractive. L'alternance est un modèle gagnant pour tous. Ne gâchons pas tout et continuons, tous ensemble, à préparer l'avenir.
Vianney Wattinne, 39 ans, Directeur de CSB.school
Fort d'un Master 2 en « Management & Ressources Humaines » obtenu à l'ESDES Business School en 2009, Vianney Wattinne débute sa carrière professionnelle chez Forthac comme Chargé de Mission avant d'entreprendre un tour du Monde de 9 mois (janvier-septembre 2012). De retour en France, il rejoint Opcalia en tant que Conseiller formation grands comptes, poste qu'il occupera jusqu'en 2018, date à laquelle il intègre Fiducial comme Responsable Formation. En septembre 2020, il est recruté par l'IAE Lyon School of Management, là encore, comme Responsable Développement Formation Professionnelle & Carrières avant de participer, deux ans plus tard, à l'aventure CSB.school en tant que Responsable du développement.
Son profil : www.linkedin.com/in/vianneywattinne