Le mentorat, remède à l'isolement et aux défis de l'entrepreneur
Alors que la deuxième édition des Rencontres du Mentorat s'est déroulée à Paris, mercredi 7 novembre 2018, trois entrepreneurs mentorés dressent un bilan plus que laudateur de leur expérience mentorale. Entre bienveillance et prise de recul.
Je m'abonneLes rencontres se suivent et ne ressemblent pas toujours. "C'est un moment de réflexion sur notre situation de dirigeant. On aborde la gestion, la stratégie ou notre propre gouvernance", se souvient Florence Hallouin, présidente fondatrice de Génération Plume, une start-up ancrée dans une démarche économique, sociale et environnementale qui commercialise des couches lavables pour bébé et adulte. À raison de trois heures par mois, Florence Hallouin a mis le pied dans le mentorat en mai 2016 grâce à l'Institut du mentorat entrepreneurial (IME), qui accompagne les PME en croissance. Des échanges qu'elle partage alors avec son mentor mais aussi son associée, Clémence Ossent.
À l'époque, la jeune entreprise de huit salariés créée en 2009, fait face à un développement rapide de l'activité. Avec une croissance qui double en 2017 (en moyenne, le CA progresse de 30 à 40 % par an), le besoin se fait donc ressentir d'élargir leur vision. "Notre très forte croissance, cette année-là, a été soutenue par notre mentor, précise-t-elle. Il nous a aidés à gérer cette progression".
Recul et réflexion
Une démarche également mobilisée du côté d'Olivier Ganivet, p-dg de TonDirect, une petite PME de 12 salariés spécialisée dans l'impression à Rennes. Positionné sur un secteur en proie à des difficultés, Olivier Ganivet dispose alors d'une entreprise "saine et rentable" avec ses 2,8 millions d'euros de CA en 2017, mais son profil, davantage commercial, achoppe sur d'autres facettes de la fonction de dirigeant. "Il me manquait des compétences et un regard sur les ressources humaines, la gestion ou le développement de ma société", fait-il savoir.
À force d'échanges, de questionnements et de remises en question, Olivier Ganivet se sent "grandir" aux côtés de son mentor. "À notre première rencontre, sa première question a été de savoir quelles étaient mes envies. Il a posé les bases et a accompagné mon cheminement intellectuel", explique le dirigeant, lui aussi mentoré par le biais de l'IME.
Une prise de distance qui lui permet de l'accompagner dans un questionnement différent et de lui ouvrir son champ de vision. "Mon mentor m'a fait me poser les bonnes questions, ce qui m'a permis de faire des choix que je n'aurais pas faits sans son soutien. Il m'a ouvert les yeux sur l'intérêt de changer de paradigme", note-t-il. Un processus qui le mène à diversifier son activité, en couvrant le champ du digital et à élargir son marché.
Une réussite en partie liée à la personnalité de son mentor. "C'est un industriel, un secteur qui n'a a priori rien à voir avec le mien, mais c'est ce qui a permis de faire matcher nos personnalités. Nos problématiques finales sont peut-être différentes mais on avance pas à pas", poursuit Olivier Ganivet. Dans le concept du mentorat entrepreneurial, après une première entrevue avec différents mentors, le mentoré est amené à choisir le dirigeant qui l'accompagnera tout au long des seize mois du mentorat.
Même constat du côté de Florence Hallouin qui, grâce aux réflexions de son pair, a pu mieux comprendre les attentes des actionnaires : "Concrètement, il nous a aidés à mieux comprendre leur position, mais aussi à rester sur nos gardes sur des choses que je découvre aujourd'hui".
Pour le CEO de Prestashare, une plateforme de recommandation de prestataires BtoB, Thomas Nanterme, mentoré auprès du Moovjee, l'apport de son mentor ne se résume pas seulement à un besoin en particulier mais à l'envie de confronter son point de vue et de penser différemment.
"En tant que primo-entrepreneurs, on a eu facilement accès à des conseils sur la partie business, autant que sur la partie humaine. On avait besoin de quelqu'un qui pouvait nous aider, nous challenger à la fois sur les relations entre associés et avec nos clients ou nos prestataires, souligne-t-il. L'entrepreneuriat est une aventure humaine, quoi de mieux que de la partager avec une personne extérieure qui connaît certaines de ces problématiques".
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Prestashare connaît une croissance rapide avec un chiffre d'affaires multiplié par deux chaque mois et compte quatre salariés.
Partage d'expérience
Une relation pourtant loin d'être anodine pour un dirigeant. "On parle beaucoup de solitude du dirigeant, admet Olivier Ganivet. Avoir une relation franche et peu commune avec un entrepreneur qui connaît cette situation est un vrai plus".
Une relation d'égal à égal, de pair à pair, également ressentie par Thomas Nanterme : "il y a un effet miroir qui nous incite à relativiser sur notre situation et à s'extraire aussi du quotidien, conçoit-il. On se rend compte, grâce aux échanges, qu'on ne met pas notre vie en jeu". Relativiser pour mieux appréhender les problématiques, voilà ce qui séduit aussi les dirigeants en quête d'un accompagnement mentoral.
D'autant que leur relation est aussi partagée avec un autre de ses associés. Une occasion de découvrir des facettes de la personnalité de son compagnon de route qui ne peut être qu'un atout. "On aborde la personnalité de ses associés de manière différente, on découvre et on sent les choses différemment", relate-t-il.
Le partage d'expérience et la bienveillance aussi se révèlent être des piliers d'une relation réussie. "La démarche est particulière parce qu'il ne faut pas être en attente de conseils sur ce qu'on doit faire ou ne pas faire, mais plutôt être à l'écoute d'un dirigeant qui a vécu les mêmes interrogations", retient Olivier Ganivet, qui loue l'importance du caractère bénévole et indépendant des mentors. "La relation se construit uniquement sur de la bienveillance", conclut-il.