Egalité entre hommes et femmes : les entreprises bientôt notées sur 100 points
Proclamée grande cause nationale du quinquennat Macron, l'égalité entre hommes et femmes dans l'entreprise devient une obligation de résultat.
Je m'abonne46 ans après la Loi proclamant l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, la rémunération des femmes est, tous âges et postes confondus, encore inférieure en moyenne de 24,6% à celle des hommes et, à poste et âge égaux, de 9%.
Faire de l'égalité une réalité : voilà toute l'ambition du Chapitre IV du Titre III de la Loi Avenir Professionnel du 6 septembre 2018 et du procédé révolutionnaire qu'elle établit.
Quel objectif fixé aux entreprises ?
L'objectif théorique de ce nouveau dispositif est de faire de l'égalité entre hommes et femmes une réalité dans l'entreprise. Pour atteindre cet objectif théorique, un objectif pratique est fixé aux entreprises :
- Désormais notées sur 100 points et sur la base de différents critères, elles devront atteindre un score minimal de 75 points.
- A défaut, elles devront mettre en place des mesures correctives pour que l'objectif soit atteint sous 3 ans.
En cas de non-réalisation de l'objectif, elles seront sanctionnées. Par ailleurs, et dès le premier trimestre d'application du dispositif, la note obtenue, que nous appellerons la " performance égalité ", sera publique :
- La note globale sera publiée sur le site internet de chaque entreprise concernée
- Le détail des notes obtenues sur chaque critère sera communiqué aux représentants du personnel.
Quelles entreprises et dans quel délai ?
Toutes les entreprises comprenant au moins 50 salariés sont concernées, mais la date d'entrée en vigueur du dispositif dépend de leur taille :
- Entreprises de 250 salariéset plus :
->1er janvier 2019 : entrée en vigueur du dispositif
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->Calcul et publication de leur "performance égalité" :
- 1er mars 2019 pour les entreprises d'au moins 1000 salariés
- 1er septembre 2019 pour les entreprises de moins de 1000 salariés. Des mesures d'accompagnement par un réseau de "délégués à l'égalité" leur seront proposées.
-> 1er mars 2022 : Date butoir pour l'atteinte de l'objectif, sous peine de sanctions.
- Entreprises de moins de 250 salariés :
-> 1er janvier 2020 : entrée en vigueur du dispositif,
-> 1er mars 2020 : calcul et publication de leur " performance égalité ",
-> 1er mars 2023 : date butoir pour l'atteinte de l'objectif, sous peine de sanctions.
Les entreprises de moins de 50 salariés sont exclues de ce dispositif, l'effectif restreint ne permettant pas un calcul pertinent des inégalités.
Lire aussi : Parité Femmes-Hommes quel impact pour les PME ?
Comment calculer la "performance égalité" ?
5 critères sur 100 points :
Le ministère du Travail a édité un catalogue de 5 indicateurs du niveau atteint par l'entreprise en termes d'égalité salariale entre hommes et femmes, chaque indicateur étant assorti d'un nombre de points à atteindre.
A compter du mois de juillet 2019, un logiciel intégré aux logiciels de paie des entreprises devrait permettre un calcul uniformisé et automatique de la "performance égalité".
Dans cette attente, il appartiendra aux entreprises d'établir elles-mêmes ce calcul. Pour chaque indicateur, les éléments à prendre en considération ont donc été précisés.
1- Les écarts de rémunération entre hommes et femmes, à poste et âge comparables (40 points).
Le ministère a défini ce qu'il convenait d'entendre par :" Rémunération" : il s'agira de la rémunération moyenne des hommes et des femmes, comprenant le salaire, les primes de performance et les avantages en nature (hors primes liées aux seules conditions de travail : prime de nuit, heures supplémentaires...).
" Postes comparables " :
- L'entreprise peut décider de retenir les 4 catégories socioprofessionnelles consacrées :
o Ouvriers,
o Employés,
o Techniciens et agents de maîtrise,
o Ingénieurs et cadres
- Ou préférer, après avis du comité social et économique, utiliser la classification éventuellement divergente de la branche.
Âge comparable " : le Ministère indique avoir retenu des tranches d'âges :
- Moins de 30 ans,
- De 30 à moins de 40 ans,
- De 40 ans à moins de 50 ans,
- Plus de 50 ans.
Pour atteindre la note maximale de 40 points, l'écart de rémunérations devra être de 0 point.
Il se murmure qu'un écart d'1% se verrait attribuer une note de 39%.
Quid au-delà ? Les décrets attendus pour la mi-décembre doivent fixer ces détails.
2- Les écarts de répartition des augmentations individuelles entre hommes et femmes (20 points).
Le ministère a considéré que la plus forte propension des hommes à être augmentés résultait notamment de leur plus grande inclinaison à solliciter une augmentation.Il a donc souhaité inciter les managers à valoriser tous ceux qui le méritent, sans considération d'une sollicitation préalable.
Pour atteindre 20 points, l'entreprise doit avoir augmenté autant de femmes que d'hommes, à 2% ou à 2 personnes près, sur une période de référence qui peut s'étendre à 3 ans si cela correspond à sa politique RH. Dans cette dernière hypothèse et pour le calcul à éditer pour le 1er mars 2019, pourront être prises en considération les augmentations sur les années 2016 à 2018.
Les détails concernant les modalités de pondération de la note au-delà d'un écart de 2% ou de deux personnes ne sont pas encore connus et devraient être précisés par les décrets à paraître.
3- Les écarts dans la répartition des promotions entre hommes et femmes (15 points)
Ce critère a été mis en place pour lutter contre le fameux " plafond de verre " auquel se heurte une majorité de femmes, et qui conduit à freiner leur ascension professionnelle : elles sont nombreuses à devenir agents de maîtrise, elles sont moins à devenir cadres, et elles sont une minorité à atteindre la catégorie des cadres supérieurs. Chez les cadres dirigeants, elles sont, proportionnellement aux hommes, rarissimes.
Dans la même logique que pour le critère s'intéressant aux écarts d'augmentations, cet indicateur tend à inciter les managers à promouvoir les femmes dans les mêmes proportions que les hommes.
Ce sont d'ailleurs les mêmes résultats qui conduisent à l'obtention du score maximal : l'entreprise doit avoir promu autant de femmes que d'hommes, à 2% ou à 2 personnes près, sur une période de référence qui peut s'étendre à 3 ans si cela correspond à sa politique RH.
ATTENTION : pour les entreprises de moins de 250 salariés, le deuxième et le troisième indicateur seront en principe fusionnés et notés sur 35 points.
4- Le pourcentage de salariées ayant bénéficié d'une augmentation à leur retour de congé maternité (15 points).
Les mères sont les plus touchées par l'inégalité salariale. Ainsi, si les femmes sont en moyenne, à poste et âge équivalents, rémunérées 9% de moins que les hommes, les mères de 3 enfants sont, au surplus, payées en moyenne 10% de moins que les autres femmes. Soit un écart moyen qui grimpe donc à 19% entre une mère de 3 enfants et un homme, à poste et âge équivalents...
Cet écart résulte notamment du fait que les femmes en congés maternité ne bénéficient pas des augmentations décidées en leur absence, malgré la loi du 23 mars 2006 imposant déjà un rattrapage salarial pour les femmes de retour de congé maternité.
C'est à ce constat que s'attaque ce 4e indicateur.
Pour bénéficier de la totalité des points, toutes les femmes de retour de congé maternité devront avoir été augmentées si des augmentations ont été accordées en leur absence.
Un bémol à la pertinence de cette mesure : il semble, sauf à ce que les décrets à intervenir reviennent sur ce point, que peu importe la mesure de l'augmentation.Alors que la loi de 2006 imposait un rattrapage salarial suivant la moyenne des augmentations concédées en leur absence, il ne paraît pas y avoir de condition similaire dans le cadre de ce dispositif.Une augmentation inférieure à ce minimum devrait donc être prise en compte sans minoration de points.
5- Le nombre de femmes dans les 10 plus hautes rémunérations de l'entreprise (10 points).
Afin d'assurer une meilleure représentation des femmes aux postes de direction, cet indicateur incite à la promotion des femmes parmi les 10 plus hautes rémunérations.
Pour atteindre le score maximal de 10 points, 4 femmes au moins devront être présentes dans cet échantillon.
Que se passe-t-il en cas de note inférieure à 75 points ?
L'entreprise devra alors mettre en place les actions correctives nécessaires et adaptées :
- Allouer une enveloppe de rattrapage salarial sur 3 ans, dont le montant doit être négocié au niveau de l'entreprise,
- Augmenter équitablement hommes et femmes
- Promouvoir équitablement hommes et femmes
- Appliquer la loi concernant les femmes de retour de congé maternité
- Mettre en place un vivier permettant d'assurer une représentation équilibrée des femmes sur les postes les plus élevés.
Dans un premier temps, les entreprises auront 3 ans pour se mettre en conformité et atteindre l'objectif fixé ; par la suite, cet objectif devrait être maintenu chaque année.
Quelles sanctions en cas d'une non-atteinte de l'objectif ?
En cas de persistance d'une note inférieure à 75 points au bout 3 ans :- La Direccte (1) pourra, en fonction des efforts réalisés par l'entreprise concernée, octroyer un délai supplémentaire d'un an ;
- Ou, à défaut, prononcer directement une sanction financière, qui pourra aller jusqu'à 1% de la masse salariale.
Quelles perspectives concrètes quant à la réalisation de cette loi ?
Le dispositif est novateur et ambitieux. Il demeure toutefois d'évidentes lacunes, susceptibles de remettre en question l'efficacité de ce système :
- D'abord, parce que le système de pondération, bien qu'amélioré suite aux échanges du Ministère avec les syndicats salariés, reste perméable à des manoeuvres de neutralisation.
- Ensuite, parce que l'efficacité de ce système repose sur les Direccte (1).
Le ministère annonce donc une multiplication des contrôles par 4, pour les faire passer de 1740 par an à 7000.
Les Direccte (1), déjà à bout de souffle en raison de missions sans cesse alourdies et d'effectifs qui ne suivent pas la même tendance, disposera-t-elle vraiment des moyens de cette ambition ministérielle ? Rien n'est moins sûr...
(1) Direccte : Directions Régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, plus communément appelée l'Inspection du travail.
Sophie Guillaud est avocat au barreau de Lyon depuis plus de 10 ans.
Après avoir été collaboratrice puis associée en charge du département droit social au sein d'un cabinet lyonnais, elle fonde en 2017 le Cabinet Guillaud Avocats, qui accompagne PME et cadres supérieurs dans leurs problématiques de droit du travail, tant en conseil qu'en contentieux. www.avocat-guillaud.fr