Réussir la cohésion de son équipe comme Gaëlle Mignot, capitaine du XV de France
La capitaine du XV de France féminin, Gaëlle Mignot, qui vient de remporter le Tournoi des six nations, engage quotidiennement ses équipes vers l'excellence, dans des conditions parfois difficiles. En cultivant un esprit d'équipe sans faille.
Je m'abonneElle a commencé à l'âge de sept ans, avec les garçons. "Pour voir", explique cette Périgourdine née dans une famille de rugbymen. Un jour, son cousin lui parle d'une fille au club et elle a envie d'essayer, elle aussi. La passion ne la quittera plus, et pour le ballon ovale elle embrasse une vie de sacrifices.
Car si le rugby féminin a atteint l'excellence ces derniers temps, il n'est toujours pas professionnel. "On mène toutes de front une carrière de haut niveau et une vie professionnelle", souligne la capitaine du Montpellier Hérault Rugby, qui est également éducatrice sportive. "Cela implique un sacré rythme. Il est fréquent qu'on rentre d'un match à une heure du matin et qu'on soit au boulot à huit heures le lendemain." Et que la pause déjeuner soit consacrée à une séance d'entraînement... La rigueur est donc le maître mot d'un quotidien tout entier tourné vers les échéances du haut niveau.
Feeling du leader
"Il faut se donner les moyens quand on veut quelque chose", clame la talonneuse. Conjuguer le rugby de haut niveau au féminin, un sacerdoce quand les garçons, devenus professionnels dans les années 1990, touchent des sommes "qui font rêver". Mais elle le sent bien, cet engagement commence à payer, avec une médiatisation croissante liée aux succès de l'effectif. "C'est grâce à nous, se félicite-t-elle. Il faut continuer à montrer une bonne image, en travaillant énormément." Avec des filles motivées, parfois fatiguées parce qu'elles ne récupèrent pas assez. "En sélection nationale [dont elle est capitaine depuis 2014, NDLR], on est ensemble sur une aventure qui nous porte et fait donner à chacune le meilleur d'elle-même. En club, c'est différent. La problématique du statut amateur se ressent plus cruellement. L'entraîneur se repose plus sur la capitaine. On se voit tous les jours et, comme dans une famille, des tensions surviennent. Surtout qu'il y a des profils différents : six ou sept internationales comme moi qui visent la Coupe du monde, des petites jeunes qui font leurs premiers matches, et celles qui ne jouent pas et dont la frustration de rester sur le banc se ressent parfois."
"On doit absolument bien connaître l'autre"
Sa politique: "Gérer les conflits le plus rapidement possible." Ce qui implique de les déceler très vite. "Je vois bien, quand une fille habituellement toujours à fond ne l'est pas, c'est qu'il y a un problème". Il faut alors la faire parler, au bon moment. "Souvent sur le mode de la rigolade, la plupart ça leur fait cracher le morceau. Pour elle, un bon leader se reconnaît avant tout à son feeling. "On doit absolument bien connaître l'autre. Cela s'apprend toute l'année pour que lors des échéances on ne fasse qu'une. Car la solidarité est primordiale sur le terrain quand il s'agit d'aller au charbon. "C'est ça l'esprit d'équipe!"
Elle en est convaincue, on manage différemment des filles et des garçons, ce qu'elle fait dans le cadre de son travail. "Les filles posent plus de questions. Elles sont tout à fait capables d'enchaîner trois heures d'entraînement sans râler, mais elles ont plus besoin de savoir pourquoi on fait les choses".
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Solidarité et humilité
Elle apporte des réponses, et elle-même "aime bien avoir des retours sur sa manière d'être capitaine". Dans un sport où l'humilité est une autre vertu cardinale, elle sait que cela ne sape pas son autorité, bien au contraire. Même attitude vis-à-vis du public : "Je crois que c'est aussi cela qui plaît, ce côté accessible. Ils nous voient à la télé le samedi et le lundi on est au même niveau qu'eux". Elle est flattée des rares propositions de sponsoring, mais ne démarche personne. Malgré son emploi du temps chargé, elle s'emploie à véhiculer une image positive en répondant favorablement à un maximum de sollicitations médiatiques, notamment avec sa collègue Safi N'Diaye, membre avec elle du bureau de Provale, syndicat national des joueurs de rugby. "Quand l'opportunité s'est présentée d'intégrer deux filles, on s'est dit qu'il fallait répondre présentes, notamment pour porter nos demandes d'amélioration du statut des joueuses de haut niveau".
Pour contribuer encore à casser les préjugés aussi, même si elle sent que les choses évoluent. "Les matches sont de plus en plus télévisés, on offre du beau jeu et on obtient des résultats, les gens nous félicitent." Et les filles se mettent au rugby. "Dans mon club de Montpellier, on a une équipe de minimes filles que je gère. L'effectif est passé de 7 à 17 !"
Ces jeunes sont bien sûr ses premières supportrices, comme ces gamins parfois en difficulté, ou les adultes handicapés avec qui elle travaille au quotidien. "J'essaie de leur transmettre ces valeurs." La solidarité, l'humilité, et l'importance du travail pour tendre vers l'objectif qu'on s'est fixé en premier lieu. Son prochain horizon à elle, c'est la Coupe du monde. Les Jeux olympiques, pour le rugby à VII, vont selon elle "accélérer le processus". Même si elle présume que "quand il n'y aura plus une seule fille qui refusera une sélection car elle est obligée de prendre un congé sans solde", elle aura sûrement déjà arrêté. "Mon corps ne récupère pas assez et me rappellera sûrement à l'ordre. J'ai 29 ans, je commence à réfléchir à une vie de famille et un développement professionnel". Elle se voit bien entraîner une équipe. Avec des gars ou des filles, elle continuera à tout donner.