Transmission : l'information préalable des salariés bientôt obligatoire pour les TPE-PME
Les dirigeants de TPE et PME devraient bientôt être contraints d'informer l'ensemble des salariés de leur intention de vendre leur entreprise avant que la cession soit effective. Une mesure décriée du projet de loi sur l'Économie sociale et solidaire, voté par l'Assemblée nationale le 20 mai 2014.
Je m'abonneLa levée de boucliers du patronat n'aura pas suffi. Le droit d'information préalable des salariés en cas de cession risque de concerner désormais aussi les TPE et PME. Instauré par les articles 11 et 12 du projet de loi sur l'Économie sociale et solidaire, cette obligation a été adoptée par l'Assemblée nationale le 20 mai 2014, en première lecture. Elle avait déjà été votée par le Sénat en novembre dernier.
Ce que dit la loi
Les entreprises financièrement saines de moins de 50 salariés sont les premières visées par cette disposition. Leurs dirigeants devraient bientôt être tenus d'informer l'ensemble des salariés de leur intention de transmettre leur entreprise, au moins deux mois avant que la cession soit effective, en leur notifiant qu'ils peuvent présenter une offre de rachat. Cette information est valable que le chef d'entreprise ait trouvé un repreneur ou non.
Pour les sociétés de 50 à 250 salariés, le projet de loi créé également un droit d'information préalable de l'ensemble des salariés concomitant à celui du comité d'entreprise, dont la consultation est déjà obligatoire.
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Les moyens utilisés pour informer les salariés (affichage, convocation...) seront précisés par voie réglementaire. En cas de non-respect de cette mesure, "la cession peut être annulée à la demande de tout salarié", indique le texte.
Ces obligations seraient levées en cas de transmission familiale ou lorsque l'entreprise est en procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Les salariés seraient par ailleurs tenus à une obligation de discrétion quant au projet de cession.
Préserver l'emploi
Le gouvernement entend par-là favoriser la reprise d'entreprise par les salariés. "Une étude de la direction générale du Trésor de 2013 démontre que les activités reprises par les salariés ont 10 à 20 % de chances supplémentaires de pérenniser l'activité à trois ans", appuie par voie de presse le ministère de l'Économie, du Redressement productif et du Numérique.
Ces dispositions sont néanmoins vivement critiquées par les représentants du patronat, au premier rang desquels le Medef, la CGPME, l'UPA ou encore l'association des Cédants et repreneurs d'affaires (CRA). Ils pointent en particulier l'atteinte portée au principe de confidentialité des projets de transmission. Avec en toile de fond, le risque de non seulement nuire à l'activité de l'entreprise, mais aussi de mettre en péril l'issue de la cession.
Un délai jugé trop court ou trop long
Selon Claude Brichard, qui a cédé en 2011 Artilec, sa PME de 25 salariés spécialisée dans la tôlerie industrielle, l'instauration du délai de deux mois est "catastrophique". "Dans le cas d'un projet de transmission, il est impératif de garder le secret jusqu'au dernier moment car c'est une période de déstabilisation pour tout le monde qui doit durer le moins longtemps possible. Le danger : que votre banquier prenne peur, que vos salariés se démotivent et que vos clients suspendent leurs commandes. En 2011, j'ai perdu un contrat après avoir informé un gros client de la future cession de mon entreprise."
Une opinion partagée par Laurent Bénoudiz, expert-comptable cofondateur des Journées de la transmission d'entreprise. "L'intention du gouvernement de préserver des entreprises et des emplois est louable. Mais, d'après moi, le texte vise la mauvaise cible. Présenter une offre de rachat viable dans un délai de deux mois est tout bonnement impossible, quel que soit le repreneur. La préparation d'une transmission courre en général sur plusieurs années. La loi ne devrait donc avoir aucun impact réel la reprise d'entreprises par les salariés."
Selon l'expert-comptable, le délai de deux mois devrait surtout provoquer une phase de négociation avec les salariés sur les garanties sociales liées à la cession. Pas de quoi réjouir les cédants ni les futurs acquéreurs.
Côté calendrier, "les articles 11 et 12 s'appliquent aux cessions conclues trois mois au moins après la date de publication de la présente loi", indique le projet de loi. D'ici là, "la 2ème lecture du texte au Sénat débutera le 27 mai en commission des affaires économiques et les 4 et 5 juin en séance publique, avec pour objectif d'adopter le texte avant la suspension de la session au mois de juillet", avance le gouvernement.