Dirigeants, préparez votre base de données économiques et sociales
Dès le 14 juin 2015, toutes les entreprises devront déployer leur propre base de données économiques et sociales. L'objectif : simplifier le dialogue entre employeur et élus du personnel autour d'un support unique de communication. Le point sur la marche à suivre et les modalités de mise en oeuvre.
Je m'abonneLes entreprises de plus de 300 salariés doivent s'y plier depuis juin 2014. À partir du 14 juin 2015, ce sera au tour des sociétés de 50 à 300 salariés de déployer en interne une base de données économiques et sociales (BDES).
Instituée par l'article 8 de la loi sur la sécurisation de l'emploi de juin 2013, la BDES, aussi baptisée "base de données unique" (BDU), a pour vocation de centraliser l'ensemble des informations et rapports économiques et sociaux échangés entre l'employeur et les instances représentatives du personnel (IRP). Ce, pour simplifier et fluidifier le partage et l'actualisation de ces données, faciliter la compréhension de la stratégie d'entreprise par les IRP et ainsi renforcer leur rôle dans le dialogue social.
D'autant que le législateur a introduit une nouvelle obligation de consultation annuelle du comité d'entreprise sur les prévisions d'activité de l'employeur, dont la BDES sera le support de référence.
Changement de cadre
"Les représentants du personnel auront désormais leur mot à dire sur votre stratégie", résume Florence Drapier-Faure, avocate associée au cabinet Lexcase. "Les prérogatives et les missions des IRP restent dans les faits inchangées. Ces nouvelles obligations déplacent en réalité le dialogue social vers un champ inhabituel. Aujourd'hui vous travaillez avec le comité d'entreprise sur le présent (les projets en cours), et le passé de votre activité (consultation sur le bilan annuel). Demain vous devrez échanger avec lui sur l'avenir de l'entreprise", étaye Jean-Pierre Willems, consultant en ressources humaines chez Demos.
Pour rendre leur avis, les IRP pourront aussi solliciter l'éclairage d'un expert-comptable, dont l'intervention doit être cofinancée par l'employeur et le comité d'entreprise. Des changements qui méritent donc d'être bien anticipés.
Concernant la mise en oeuvre de la BDES, c'est à vous, et uniquement à vous, qu'il revient de fixer les modalités de déploiement (support, rubrique, stockage, accessibilité, etc.). Vous avez alors le choix entre deux options : attendre le dernier moment pour regrouper les informations requises sans modifier vos pratiques, ou prendre les devants et transformer ces obligations en opportunités pour dynamiser le dialogue social de votre entreprise.
"Vous n'êtes pas tenu de consulter les représentants du personnel sur ces modalités, mais travailler de concert avec eux dès le départ peut être intéressant pour trouver un consensus sur l'établissement de nouvelles règles du jeu communes", pointe Catherine Le Manchec, avocate associée au sein du cabinet August & Debouzy.
Accès et confidentialité
Parmi ces règles, le choix du support de la BDES. Si installer une version électronique devrait permettre une utilisation plus simple, en particulier pour l'actualisation régulière des informations, vous pouvez également opter pour un format papier.
"Concernant le contenu de la BDES, hormis les champs d'informations imposés et précisés par décret, il n'existe pas de "modèle type" de base. Il est possible que vos représentants du personnel vous demandent de créer des sous-rubriques pour affiner un maximum le niveau d'informations transmises. Afin d'éviter tout conflit potentiel, il est préférable que vous vous entendiez dès aujourd'hui sur cette question", conseille Catherine Le Manchec (August & Debouzy).
La BDES doit rester accessible de manière permanente aux IRP, en fonction bien sûr de l'organisation et des horaires d'ouverture de l'entreprise.
Autre conseil : tranchez par ailleurs la question de l'accès et de la manipulation de certaines données confidentielles. En la matière, les représentants du personnel sont tenus à une obligation stricte de discrétion.
"Faites preuve de pédagogie avec eux en les responsabilisant. Pour les informations sensibles, bloquez les options d'impression, de modification et de transfert des documents électroniques et pensez à apposer la mention "confidentiel"", recommande Florence Drapier-Faure (Lexcase).
Des précautions bien secondaires, selon Jean-Pierre Willems (Demos) : "À partir du moment où quelques personnes sont au courant, le caractère secret d'une donnée n'est qu'un leurre. Au lieu de vous focaliser là-dessus, réfléchissez plutôt à la manière la plus sincère et transparente de présenter ces éléments stratégiques."
Quoi qu'il advienne, le déploiement de la BDES vous obligera nécessairement à revoir votre manière de communiquer et de motiver vos troupes. Selon Catherine Le Manchec (August & Debouzy), "on assiste là à un changement de culture autour du dialogue social, qui devient plus participatif et vous oblige à davantage de transparence. Que vous y soyez déjà habitué ou pas, vous n'y échapperez pas."
À savoir
BDES : ce que dit la loi sur son contenu
La loi sur la sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 établit un minimum de huit champs d'informations obligatoires qui devront figurer dans la BDES :
- Les investissements de la société (évolution des effectifs par type de contrat, évolution des emplois par catégorie professionnelle, formation professionnelle, etc.)
- La situation des fonds propres, de l'endettement et des impôts de l'entreprise
- Les éléments relatifs à la rémunération des salariés et des dirigeants (seulement sur les 5 rémunérations les plus élevées pour les entreprises de moins de 200 salariés et les 10 plus élevées pour les plus de 200)
- Les activités sociales et culturelles
- La rémunération des financeurs (revenus distribués aux actionnaires, actionnariat salarié)
- Les flux financiers à destination de l'entreprise (aides publiques, exonérations de cotisations sociales, crédits d'impôts, etc.)
- La sous-traitance utilisée ou réalisée par l'entreprise
- Les transferts commerciaux et financiers entre les entités du groupe (cession, fusion, acquisition, etc.).
Ces informations doivent porter sur l'année en cours ainsi que les deux précédentes, et comporter les prévisions stratégiques pour les trois années à venir. Hormis les orientations stratégiques, qui devront figurer dans la base de données dès le 14 juin 2015 pour les entreprises de moins de 300 salariés, les autres informations récurrentes pourront être intégrées progressivement d'ici au 31 décembre 2016.