Les 5 leçons des entrepreneurs pour rebondir après un échec
"Le succès, c'est d'aller d'échec en échec sans perdre son enthousiasme", affirmait Winston Churchill. En la matière, l'entrepreneuriat ne fait pas figure d'exception. Quelles que soient les causes, ceux qui ont su rebondir l'affirment : l'échec est le moyen idéal d'apprendre à devenir meilleur.
Je m'abonneSteve Jobs, Henry Ford, Walt Disney, Bernard Arnault ou encore Franck Riboud ne le cachent plus. Avant de réussir, chacun de ces grands patrons a vécu des déboires retentissants qu'il s'agisse de la fermeture d'une entreprise, d'une éviction ou encore d'un mauvais positionnement. À leur échelle, les dirigeants de PME ne sont pas non plus épargnés.
Quand Denys Chalumeau a dû se résoudre à vendre Promovacances pour un euro symbolique, Bertile Burel, fondatrice de Wonderbox, s'est résignée à abandonner un marché américain pourtant porteur. Nicolas Doucerain s'est quant à lui battu en vain, des années durant, pour sauver Solic, son entreprise de conseil en RH, dévastée par la crise financière de 2008.
Au lieu de se renfermer sur eux-mêmes et de considérer ces échecs comme une fin, ils ont au contraire pris le parti de tirer les leçons de ces expériences, souvent traumatisantes, pour recommencer. Si face à l'adversité il n'existe pas de recette miracle, chacun d'entre eux a déployé des stratégies reproductibles afin de limiter les dégâts puis de remonter la pente plus rapidement. Passage en revue.
1. Assurer ses arrières
"Pour un entrepreneur, le meilleur moyen de sortir d'un échec est d'abord de l'accepter dès le départ comme un scénario possible, estime Philippe Rambaud, fondateur de l'association 60 000 rebonds qui accompagne les chefs d'entreprise post-faillite. Il est donc essentiel de prévoir un "plan B" en cas de décrochage. Cela peut se concrétiser de plusieurs manières comme s'engager dans une fédération professionnelle, investir dans une activité parallèle ou encore donner des cours."
"Ce qui nous a sauvés : nous n'avions pas mis tous nos oeufs dans le même panier"
Denys Chalumeau en sait quelque chose. En 2001, lorsqu'il est contraint de se séparer de son site de voyages Promovacances à la suite des attentats du 11 septembre, il se focalise sur le développement de SeLoger.com, son autre activité. "Ce qui nous a sauvés à l'époque, c'est que nous n'avions pas mis tous nos oeufs dans le même panier. Nous ne repartions pas de zéro", souligne-t-il.
"Attention toutefois à ne pas courir deux lièvres à la fois qui nécessitent souvent trop d'énergie", nuance Bertile Burel, cofondatrice de Wonderbox (coffrets cadeaux), qui s'est cassée les dents en tentant de percer simultanément les marchés français et américain à ses débuts.
Assurer ses arrières passe également par la protection de son patrimoine personnel, selon Philippe Rambaud. "Attention à la caution bancaire personnelle !", avertit-il en pointant des alternatives comme l'emprunt à un taux d'intérêt plus élevé, permettant de couvrir le risque d'une autre manière.
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La souscription à une assurance chômage volontaire constitue également selon lui un passage obligé pour n'importe quel dirigeant. "On trouve ça cher mais le jour où vous vous retrouvez sans rien cela vous sauve la vie", insiste l'entrepreneur. Lui, a vécu une liquidation judiciaire en 2008. "J'ai pu toucher le chômage pendant dix-huit mois. Ma famille n'a ainsi pas eu à subir le contrecoup financier de cette faillite."
2. Savoir s'entourer
Même s'ils se sont lancés seuls, tous se sont à un moment donné entourés d'autres compétences pour avancer et traverser les périodes de turbulences avec plus de recul et de sang-froid. "Dans ces moments, les problèmes s'enchaînent. Un conseil, priorisez les problèmes et concentrez-vous sur là où vous êtes bon, la vente et la gestion par exemple, en vous faisant aider sur le reste", conseille Nicolas Doucerain, qui se spécialise désormais sur le conseil en gestion de crise.
Ce fût notamment le parti pris d'Olivier Remoissonnet lors de la reprise de la Brosserie française fin 2012. "Racheter cette structure aurait été impensable sans l'appui et l'expertise de mes associés, qui sont des industriels et entrepreneurs chevronnés."
Ce choix est en effet crucial dans les futurs réussites/échecs d'une société, estime Roxanne Varza, à la tête de la Halle Freyssinet, futur incubateur numérique qui doit être inauguré fin 2016 au coeur du XIIIe arrondissement de Paris. "La relation entre associés est sans doute le sujet le plus compliqué à aborder. Si vous ne pouvez pas vous mettre d'accord, s'il y a une différence de vision, des malentendus, cela crée beaucoup de frustrations. Résultat, personne n'arrive à répondre aux problèmes à temps", pointe celle qui a initié les premières conférences FailCon dédiées à l'échec entrepreneurial.
Associé, mentor, comité stratégique, coach, fédération professionnelle, salariés, investisseurs... De nombreux alliés, parfois inespérés, peuvent vous soutenir. L'objectif : diminuer la probabilité que les problèmes surviennent et se préparer psychologiquement à ce que cela ne marche pas. Georges Viana, repreneur de la biscuiterie Jeannette, était par exemple loin de se douter de l'ampleur de la vague de solidarité que susciterait son projet de reprise lorsqu'il a lancé une campagne de crowdfunding pour le financer fin 2014. En à peine deux mois, il a ainsi réussi à récolter 100 000 euros auprès de plus de 2 000 contributeurs.
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Quelle que soit la situation, le pire des réflexes pour un entrepreneur est donc de s'isoler. "Pour moi, l'un des meilleurs antidotes en cas de difficultés est de s'accorder un bon verre de vin entre amis pour prendre de la distance et se focaliser sur l'essentiel", témoigne Catherine Barba, serial entrepreneuse du web. D'autant plus que, sans nécessairement vous conseiller, vos proches s'avèrent constituer un précieux soutien psychologique dans bien des situations.
3. Réagir à temps
Quand finit la persévérance, quand débute l'entêtement ? Cette question reste dans bien des cas difficile, voire impossible, à trancher. Or, les prises de décisions trop tardives sont susceptibles d'avoir des conséquences catastrophiques.
"J'ai voulu préserver un maximum d'emplois en me focalisant sur le court terme. Au final, on a fermé. C'est violent à dire, mais, avec le recul, j'aurais dû licencier plus vite et plus fort", analyse Nicolas Doucerain (ex-Solic), qui recommande vivement de suivre très régulièrement un tableau de bord de gestion afin d'anticiper au maximum l'évolution de l'activité. "Grâce à notre contrôle de gestion pointu et réactif, nous avons eu une visibilité très claire sur les différents scenarii qui nous attendait", abonde Denys Chalumeau.
"Ne restez pas crispé sur une idée. Tant que ça ne marche pas, testez d'autres voies"
Selon Renaud Redien-Collot, enseignant-chercheur en entrepreneuriat à l'école de commerce Novancia, la meilleure arme dans la débâcle est de revenir aux fondamentaux, à savoir, les besoins réels des clients. "Dialoguez sans cesse avec votre marché. Challengez votre proposition de valeur et faites-la évoluer si elle ne correspond plus aux attentes de votre cible", martèle l'expert.
"On dit souvent qu'il faut être "agile", dans le jargon des entrepreneurs tech. Et ce pour, justement, changer facilement et rapidement le modèle. Il existe de nombreuses méthodes pour éviter de faire des erreurs et passer ainsi à côté de l'échec ultime", avance pour sa part Roxanne Varza.
La directrice de La Halle Freyssinet pointe notamment dans certains cas l'intérêt de la "méthode Lean", basée sur l'amélioration continue d'un produit ou d'une offre en optimisant les ressources mobilisées, via des tests à petites échelles. "Ne restez pas crispé sur une idée. Tant que ça ne marche pas, testez d'autres voies", corrobore la fondatrice de Wonderbox, Bertile Burel.
4. Tirer les leçons
Même les meilleures méthodes ne parviennent pas toujours à éviter de foncer dans le mur. L'entrepreneuriat est un pari sur l'avenir grâce auquel vous pouvez rafler la mise comme tout perdre. À l'instar d'un deuil, l'acceptation d'un échec entrepreneurial prend du temps et nécessite souvent un accompagnement (coach, psychologue, association, etc.).
"Si vous ne comprenez pas vos erreurs, vous les reproduirez inévitablement"
"La première chose à admettre est de dissocier l'individu de l'histoire qu'il a vécu. Vous n'êtes pas le business model que vous avez créé", souligne Philippe Rambaud, le président de l'association 60 000 rebonds. D'après lui, il est ensuite primordial de distinguer ce qui est dû à votre environnement (ex : effondrement du marché, manque de trésorerie, mauvais timing...) et ce qui relève de votre responsabilité personnelle (erreurs de gestion, manque de discernement, etc.).
"On peut très bien ne rien faire de ses échecs en remettant toujours la faute sur les autres. Si vous ne comprenez pas vos erreurs, qu'elles soient techniques ou comportementales, vous les reproduirez inévitablement", annonce l'entrepreneur.
Afin de mieux se connaître, il conseille d'ailleurs de travailler sur ses "talents" et "vulnérabilités" en toute humilité. "La sensibilité peut par exemple être considérée comme un talent en management ou au niveau de l'activité commerciale mais aussi comme une vulnérabilité, car source d'un plus rapide découragement."
5. Partager
Tous le disent, la meilleure manière de dépasser l'échec est d'en parler, de témoigner, de le dédiaboliser sans honte ni gêne. Et surtout de ne pas l'oublier. Certains participent à des conférences et colloques sur un sujet encore tabou en France, bien souvent considéré comme une marque d'incompétence.
Nicolas Doucerain, lui, est même allé jusqu'à sortir un livre, Ma petite entreprise a connu la crise, écoulée à 15 000 exemplaires et adapté en bande dessinée.
Un autre entrepreneur, Jean Lecourieux-Bory, qui a connu une liquidation judiciaire en 2013, a trouvé un exutoire dans la photographie à travers une exposition mettant en scène son vécu. D'autres encore, à l'instar de Philippe Rambaud, décident de s'engager dans des associations d'entrepreneurs ou comme investisseurs dans des jeunes pousses, comme pour redonner un peu de ce qu'ils ont eux-mêmes reçu.
Retour au salariat, création d'entreprise, réorientation vers la prestation de service, engagement politique... Les opportunités de rebond professionnel sont donc plurielles. Preuve, s'il en est, que l'échec entrepreneurial n'est souvent rien d'autre qu'une étape de plus sur le long chemin sinueux d'une carrière professionnelle.