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Alain Afflelou : "La réussite n'a pas perturbé mon comportement"

Publié par Julien van der Feer le | Mis à jour le
Alain Afflelou : 'La réussite n'a pas perturbé mon comportement'

Alain Afflelou, c'est une aventure entrepreneuriale exceptionnelle. Fort de son succès mondial dans l'optique, il s'attaque depuis six ans au marché de l'audition. Focus sur le parcours et la stratégie d'un homme avant tout passionné.

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Vous avez une cote de popularité très forte auprès des entrepreneurs. Comment l'expliquez-vous ?

Je suis, potentiellement, un petit chef d'entreprise. Certes, le groupe Afflelou est imposant aujourd'hui mais j'ai démarré comme eux, peut-être même plus petit. Par ailleurs, ma réussite n'a ni perturbé mon comportement, ni ma philosophie, ni ma doctrine.

Je conçois mon activité, ma relation aux clients et aux fournisseurs de la même façon. Cela donne une notion de proximité. Nous avons aussi beaucoup communiqué autour de ma personne. Et ce de façon décalée. Nous avons un peu déconné dans la pub tout en restant sérieux dans notre métier.

Vous avez aussi gardé votre franc-parler...

Je ne sais pas si je dis ce que je pense, mais je ne dis jamais ce que je ne pense pas ! Je ne suis pas un écrivain, ni un homme politique ou un éditorialiste. J'essaye de rester à ma place. Mais lorsqu'on me demande de m'exprimer sur des sujets que je maîtrise, je le fais. Et je n'embellis jamais les choses.

Quel est le secret de votre réussite entrepreneuriale ?

Il n'y a pas de règles. Pour moi, l'une des raisons de ma réussite, c'est que je fais un métier qui me passionne, pour lequel je suis diplômé. Par ailleurs, je pratique ma profession avec beaucoup d'amour. Quand on adore ce que l'on fait, par la force des choses, on le fait bien, c'est-à-dire avec conviction. Je ne suis jamais sorti de ma trajectoire. Je suis opticien et audioprothésiste et c'est dans ce secteur que j'ai développé mon activité. À mes yeux, il n'y a pas de règles pour réussir, outre le travail.

Vous êtes aussi capable de garder un cap contre vents et marées. Je pense au lancement de Tchin Tchin, qui n'a pas été bien perçu à l'époque...

J'espérais être critiqué à ce moment-là. La raison ? Tant que j'étais décrié, je n'étais pas copié. Je savais que cela ne durerait pas et que, tôt ou tard, la profession ferait comme moi. Il fallait donc marquer les esprits rapidement. Avec le recul, je ne dirais pas que je ne me suis pas trompé, mais j'ai eu raison.

Si mes concurrents m'avaient laissé seul dans mon coin, les consommateurs se seraient peut-être posé des questions. Pourquoi est-il le seul à proposer une offre aussi avantageuse ? Ce doit être truqué... Mais quand j'ai été copié, cela a mis en valeur mon offre. Même aujourd'hui, les Français qui vont chez d'autres opticiens demandent s'ils font Tchin Tchin.

Le conseil vidéo d'Alain Afflelou aux entrepreneurs

Tout le monde se souvient de votre communication "On est fou d'Afflelou". Vous incarnez fortement votre entreprise, n'est-ce pas un risque ?

C'est une question qu'on peut se poser. Mais il y a eu d'autres chefs d'entreprise qui ont été à l'origine de concepts forts, qui ont disparu et dont l'entreprise est toujours là, plus forte. Je pense à Dior, Renault, Michelin, etc. L'incarnation n'est pas un risque pour une entreprise.

C'était une volonté de vous mettre en avant ?

Je n'ai jamais voulu que la société repose sur mes épaules. Cela a été un concours de circonstances. Le plus important, c'était que les clients aillent chez un opticien, pas dans un magasin. Par exemple, il est possible de dire je vais chez Alain Afflelou, mais c'est plus difficile de dire je vais chez Kriss, car il n'y a pas de M. Kriss ou de M. Atol.

Encore aujourd'hui, certains franchisés reçoivent des chèques au nom de monsieur Alain Afflelou. C'est dommage, d'ailleurs, qu'ils ne me les apportent pas directement (rires) !

Comment décririez-vous le groupe en chiffres ?

Le groupe Afflelou compte plus de 1 400 magasins dans 16 pays. Nos deux marchés principaux sont la France et l'Espagne (incluant Andorre). Mais nous sommes présents en Belgique, au Luxembourg, en Suisse, en Algérie, au Chili, en Chine, en Côte d'Ivoire, au Liban, au Maroc, au Sénégal, en Thaïlande...

Nous disposons de 254 magasins audio en France et en Espagne répartis comme suit : 200 en France et 54 en Espagne. Nous avons réalisé 890 millions d'euros de chiffre d'affaires TTC au 31 juillet 2017.

La direction du groupe Afflelou a changé en 2012. A-t-il été difficile de trouver un successeur ?

Nous nous sommes mis à chercher un successeur potentiel il y a 20 ans déjà. Au-delà de l'incarnation de la marque, il y avait, pour moi, le risque d'accident et de maladie. Et nous n'avions pas de numéro deux. Les actionnaires voulaient à tout prix que nous recrutions des profils très diplômés, sortis de grandes écoles de commerce. Mais ça n'a pas fonctionné.

J'ai alors décidé de mettre en avant une personne excellente, qui a commencé comme stagiaire au service comptable dans le groupe et qui est passée par toutes les étapes. Il connaît très bien l'entreprise et ma confiance est totale. Nous l'avons donc choisi et, depuis, tout se passe très bien.

Pourquoi ça n'a pas fonctionné avec des personnes sorties des grandes écoles de commerce ?

Je pense qu'elles sont arrivées dans notre groupe avec un côté un peu prétentieux. Elles n'ont pas cherché à se fondre dans le moule. Aux yeux des personnes qui étaient là depuis quinze ou vingt ans, qui ont construit l'entreprise, ça ne passait pas bien. Il n'y a que le talent, le travail et l'humilité qui sachent se faire respecter.

Lorsque vous voyez une personne qui arrive trente minutes avant tout le monde et qui part trente minutes après tout le monde, elle inspire forcément du respect. Nous sommes une entreprise humaine, dans le sens où il y a énormément d'affect entre nous.

Vous dirigez toujours la communication du groupe, pour quelle raison ?

C'est une partie que j'aime un peu plus que le reste. Et je pense que je suis encore utile. Ce n'est pas par obsession du pouvoir, je ne l'ai jamais eue, encore moins aujourd'hui.

Le groupe Afflelou s'attaque désormais au marché de l'audioprothèse. Quelle est votre stratégie ?

Nous avons des centres totalement dédiés à l'audition et aux aides auditives, mais nous utilisons aussi les corners de nos centres d'optique. La raison est simple, il s'agit d'une clientèle commune. Passé 60 ans, nous portons tous des lunettes et nous commençons tous à moins bien entendre.

Vous gardez une communication décalée sur le sujet...

Comme pour l'optique, mon objectif consiste à dédramatiser l'utilisation d'aides auditive. Il y a 40 ans, devoir porter des lunettes était vécu comme un traumatisme. Ma première publicité à la télévision, en 1986, c'était l'"Opticien de grand-papa". Et je voulais déjà détendre l'atmosphère autour du port de lunettes.

Aujourd'hui, c'est la perte d'audition qui est très mal vécue par nos clients. Nous ne disons pas des personnes qui portent des lunettes qu'elles sont aveugles, mais nous disons des personnes avec des aides auditives qu'elles sont sourdes ! C'est une image vieillotte qu'il faut totalement dépoussiérer. Car mal entendre après 60 ans, c'est la norme. Comme avoir des cheveux blancs.

Quels sont vos objectifs à court terme concernant l'audioprothèse ?

Développer notre entreprise avec de nouvelles idées, de nouveaux concepts et beaucoup d'innovation. Nous venons de lancer une ligne nommée Incognito. Le principe : des appareils quasiment invisibles à des prix compétitifs, afin que les personnes regardent les aides auditives de façon différente.

Par ailleurs, je commence à chercher un bras droit qui pourra me succéder dans l'audio comme nous l'avons fait dans l'optique car, bien qu'on m'affirme le contraire, je ne suis pas immortel (rires).

Vous souhaitez aussi développer votre marque audio à l'international ?

Nous avons énormément de travail en France car il n'y a pas assez de diplômés audioprothésistes. Il y a donc de nombreux verrous, mais ils vont sauter. Il faut créer plus d'écoles de formation. Nous pourrions avoir au moins 500 centres d'audioprothèse s'il y avait plus de diplômés. C'est aussi une population un peu gâtée, qui ne veut pas travailler le samedi. Or, dans le commerce de détail, c'est une posture compliquée. Le chiffre d'affaires du samedi correspond à deux jours en semaine. C'est le reflet du négatif de la société. Certaines personnes préfèrent travailler moins par peur d'être fatiguées.

Comment l'expliquez-vous ?

C'est une question d'éducation. Mon père était boulanger et travaillait sept jours sur sept, de 5 heures du matin à 22 heures le soir. Il n'a jamais eu de vacances et je ne l'ai jamais entendu dire que c'était fatigant. Quand nous sommes partis d'Algérie pour nous installer à Bordeaux, c'était uniquement parce qu'il pouvait gagner sa vie dans cette ville. Personnellement, je n'avais que le dimanche comme jour de repos.

Dates clés

1948 : Naissance à Mascara, en Algérie

1972 : Ouverture du premier magasin d'optique au Bouscat.

1978 : Invention de Tchin Tchin et démarrage de la franchise.

1997 : Lancement du coffret la Forty.

2011 : Ouverture de l'enseigne Alain Afflelou Acousticien.

2017 : Création du 200e magasin d'audio en seulement six ans !

 
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