[Étude de cas]Un parfum de nouveauté règne sur la maison Molinard
Depuis son arrivée à la tête de Molinard, en 2011, Célia Lerouge-Bénard, représentante de la cinquième génération familiale, modernise la marque, ses produits et ses points de vente. Son objectif : redynamiser la société centenaire, qui souffre d'une image vieillissante, en France et à l'étranger.
Je m'abonneL e 9 avril dernier, Molinard a inauguré sa boutique de Nice. Réouverte mi-février après cinq semaines de travaux, elle s'est refait une beauté pour " se mettre au goût du jour ", comme le souligne Célia Lerouge-Bénard, la directrice générale. Une opération de modernisation dans le sillage de celle de la marque. Depuis son arrivée à la tête de l'entreprise, en 2011, cette représentante de la cinquième génération de Lerouge-Bénard, et première femme, fait souffler un vent de renouveau sur la maison, vieille de 166 ans. "Mon idée est de rajeunir notre image, la rendre plus dynamique, plus attractive, notamment auprès des jeunes. Pour cela, nous travaillons sur des innovations produits, mais aussi sur les packagings", détaille-t-elle.
C'est ainsi qu'en ce même mois d'avril, son parfum Nirmala, lancé en 1955, s'est, lui aussi, offert une cure de jouvence : un flacon relooké, directement inspiré des nombreuses collaborations avec le verrier Baccarat. Un "nouvel écrin" qui s'attache à respecter les codes, tout en changeant design, décor et matériau. L'ambition : "S'inspirer du passé pour créer le futur". Cette démarche, Molinard l'a initiée en 2012 pour son best-seller, Habanita, rare jus créé il y a près de 100 ans et toujours commercialisé. Modernisé, ce dernier retrouve ainsi son image novatrice d'origine.
Car il est le témoin du passé plutôt avant-gardiste de la maison. Lors de sa création, en 1921, il est ainsi le premier féminin à contenir du vétiver, essence boisée jusqu'alors exclusivement réservée aux hommes. En rupture, cette fragrance l'est également par rapport à ce qui fait, à l'époque, le succès de la maison, ses eaux de Cologne et de fleurs, "Rose", "Jasmin", "Mimosa" et "Violette", sortis dans les années 1860. Tournant dans l'histoire de la marque, Habanita marquera celle de la parfumerie en lançant la mode des senteurs féminines orientales et en inspirant des jus de légende tels que Shalimar, de Guerlain. Précurseur, Molinard continue d'innover et développe, quatre ans plus tard, le premier parfum solide du monde, Concreta, à base de cire de fleurs. C'est d'ailleurs sur ces valeurs - Habanita, son cadet Habanita l'Esprit, lancé en 2013, et Concreta, notamment - que Molinard séduit, aujourd'hui, ses clients à l'international (lire encadré p2).
L'usine, un canal de vente à part entière
Pourtant, rien ne prédisposait la petite boutique du centre de Grasse, créée par Hyacinthe Molinard en 1849, à devenir un symbole de la parfumerie française. Lorsqu'elle s'associe, en 1894, à Albert Sittler - l'arrière-arrière-grand-père de Célia Lerouge-Bénard -, l'entreprise connaît son premier tournant historique. Elle rejoint le giron de sa société, déjà propriétaire d'un site de production de matières premières aromatiques. Son siège déménage à l'entrée de la ville en 1890 et elle produit, alors, ses parfums dans l'usine voisine, qu'elle acquiert en 1919. Avec sa charpente et son distilloire dessinés par Gustave Eiffel, ce lieu accueille aujourd'hui clients, professionnels et touristes.
L'usine constitue, en effet, un canal de vente à part entière. Elle s'ajoute aux 1 600 points de vente - qui distribuent ses produits parmi lesquels des enseignes comme Sephora, Marionnaud, et Nocibé, ainsi que des indépendants, mais aussi aux deux autres boutiques en propres que possède la marque à Nice et dans le centre de Grasse - et à son site internet. Le lieu est également proposé aux entreprises afin d'organiser leurs séminaires, conventions ou opérations de team building. Il a même servi de théâtre au tournage d'un film, en novembre dernier.
Quant au tourisme industriel, Molinard est la quatrième entreprise la plus visitée de France dans le classement de l'association Entreprise et découverte de janvier 2014, avec 300 000 personnes accueillies chaque année. Les curieux peuvent y profiter d'un musée de la parfumerie, de Grasse et de la marque, et s'initier à la création de parfums le long d'un parcours interactif mis en place dans les années 1990, l'Atelier des parfums et le Bar des fragrances. D'autres métiers, développés au fil du temps par Molinard, sont exposés: huiles, laits, crèmes, savons, produits d'intérieur, bougies et aromathérapie.
Toute une histoire
Fondée par Hyacinthe Molinard, à qui elle doit son nom, la maison de parfumerie n'a pas toujours appartenu aux Lerouge-Bénard. À l'origine, la boutique grassoise s'appelle Molinard Jeune. Elle s'associe à Albert Sittler, premier représentant de la famille alors à la tête de la société Boyveau, Sittler et Baube, en 1994, et prend une dimension industrielle. Son gendre, Henri Bénard, entre au capital en 1913 et reprend la société trois ans plus tard avec son associé sous le nom Bénard et Honnorat. Près de cinquante ans plus tard, Jean-Pierre Lerouge-Bénard intègre l'entreprise. Alors que Bénard et Honnorat est cédée à Sanofi, en 1982, ce dernier rachète l'intégralité des parts de Molinard et prend sa présidence un an plus tard.
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