Art et business : mettez-vous à l'oeuvre !
Non, les liens entre entreprise et art ne se limitent pas aux actions de mécénat. Inviter un plasticien à une réunion de brainstorming, concevoir des supports publicitaires sur des matériaux originaux... Les opportunités qu'offrent les partenariats entre artistes et entreprises sont nombreuses.
Je m'abonnePlacer le redressement créatif au service du redressement productif du pays : tel est le cheval de bataille du ministère de la Culture et de la Communication. En octobre 2014, il doit inaugurer l'opération "L'entreprise à l'oeuvre". Le principe : déployer des mini-expositions de grandes collections nationales dans les entreprises à travers l'Hexagone. Cet événement est l'un des piliers de son plan d'action pour favoriser l'accès des salariés à l'art, mais aussi pour encourager les synergies entre ces deux univers que tout oppose, de prime abord, et pourtant...
"À l'heure où les entreprises sont en quête d'innovations de rupture, l'art constitue une voie de plus en plus empruntée. Sans forcément vous pousser à faire mieux, il vous incite à entreprendre autrement et donc, à vous différencier", souligne Christian Mayeur, fondateur d'Entrepart, cabinet de conseil en stratégie et en management par l'art.
Diverses possibilités s'offrent à vous
Il s'agit de revisiter le packaging d'un produit-phare lors d'un lancement à l'international, d'exposer les oeuvres d'un sculpteur sur son site, de concevoir des supports publicitaires sur des matériaux originaux, de formaliser son identité musicale avec un musicien, ou de fédérer vos salariés à travers un atelier de théâtre.
Vous disposez d'un éventail méconnu de possibilités pour adapter les arts (peinture, poterie, théâtre, chant, photographie...) à votre business. Et ce, bien au-delà du mécénat d'entreprise, "qui n'est que la partie émergée de l'iceberg", selon Pierre-Étienne Bost, consultant chez The Art Marketing Company, agence de conseil en stratégie et communication culturelle.
La PMI Henriot-Quimper, par exemple, ouvre depuis quelques années les portes de son usine à des peintres et des sculpteurs pour qu'ils confectionnent des pièces uniques.
D'autres vont même plus loin en s'improvisant acteurs culturels à part entière, à l'instar de Solstiss, petit fabricant de dentelle basé dans le Nord-Pas-de-Calais, qui a créé son propre prix, l'Award Solstiss, avec l'école new-yorkaise Parsons The New School for Design. Cette distinction récompense un étudiant ayant réalisé une collection avec la dentelle de la PME. Une manière efficace de se faire connaître à l'international tout en modernisant son image de marque.
Fixer un cadre pour donner un sens
"Ces collaborations ne sont pas nécessairement très coûteuses", estime Pascale Cayla, fondatrice de L'Art en direct, agence de communication par l'art contemporain. "Veillez néanmoins à bien formaliser dès le départ le périmètre de l'intervention de l'artiste sur le plan juridique, notamment du point de vue de la propriété intellectuelle, si vous exploitez ses oeuvres", recommande-t-elle.
Attention, collaborer avec un artiste n'a aucun intérêt si son intervention ne s'inscrit dans aucune visée précise. "Il faut donner un sens à ces partenariats. Comme pour tout autre projet, fixez-vous des objectifs et une ligne directrice en lien avec l'identité et les valeurs de votre entreprise, et non vos seuls goûts personnels", conseille Pierre-Étienne Bost.
Pour Pascale Cayla, "il est ensuite impératif de bien choisir l'artiste en fonction de vos cibles et du message que vous désirez envoyer." Afin de trouver la personne qui vous correspond le mieux, vous pouvez solliciter des cabinets spécialisés mais aussi des institutions (écoles, musées, mairies...) et des associations culturelles locales.
En 2013, le réseau de petits imprimeurs indépendants Imprifrance a, par exemple, sollicité les étudiants de l'école des Beaux-Arts de Nantes pour concevoir trois oeuvres à partir des matériaux de récupération issus de leur industrie. L'objectif était double: susciter des vocations et dépoussiérer les idées reçues sur la profession auprès du grand public. Résultat: une inauguration qui a rassemblé plus de 200 personnes.
À ne pas oublier !
"Même si vous avez des objectifs, acceptez tout de même l'imprévu et restez ouvert à la surprise. On ne collabore pas avec un artiste comme avec un ingénieur", rappelle Christian Mayeur.
Il est, par ailleurs, primordial d'associer vos salariés à ce projet, afin que ce dernier soit bien accueilli. "Non seulement ils en seront fiers mais ils deviendront les premiers ambassadeurs de votre démarche", avance Pierre-Étienne Bost.
Ne négligez pas non plus la communication autour de l'événement à l'extérieur. Les médias sont très friands de ce type d'initiatives originales. Vous l'aurez compris, en la matière, avoir l'art et la manière ne s'improvise pas.
Le témoignage d'Olivier Crancée, président de France Lanord et Bichaton
Designers, architectes, décorateurs... Olivier Crancée côtoie au quotidien des créatifs issus de divers corps de métiers. L'homme dirige France Lanord et Bichaton, PMI de 100 salariés spécialisée dans la maçonnerie et la menuiserie en Meurthe-et-Moselle.
En avril dernier, il a franchi un nouveau cap en accueillant en résidence, dans ses locaux, maria Cristina Escobar, une artiste plasticienne. Les objectifs de l'opération, soutenue par les ministères du Redressement productif et de la Culture : la sensibilisation des salariés à l'art et la coconstruction d'une oeuvre, qui doit être dévoilée en décembre.
Neuf mois durant, le dirigeant met ainsi à la disposition de l'artiste un espace dédié dans son atelier mais aussi les moyens humains et matériels nécessaires à son travail.
"Nous l'assistons sur toute la partie ingénierie, en retranscrivant ses besoins d'un point de vue technique, explique Olivier Crancée. En nous demandant des réalisations complexes, elle nous pousse dans nos retranchements. Ce qui stimule l'esprit de créativité des équipes, obligées de réfléchir davantage pour trouver des solutions innovantes, dont nous pourrons nous inspirer par la suite."
Le dirigeant, membre de l'alliance Artem Entreprises, qui réunit collectivités, entreprises et monde universitaire autour de projets transversaux, en est convaincu : l'art, en remettant en question les pratiques, constitue une opportunité incomparable de rester ouvert sur un monde en constante mutation.
France Lanord et Bichaton
Activité : BTP
Ville : Heillecourt (Meurthe-et-Moselle)
Forme juridique : SAS
Dirigeant : Olivier Crancée, 44 ans
Année de création : 1865
Année de reprise : 2009
Effectif : 100 salariés
CA 2013 : 11M€