2012, l'apocalypse pour les médias sociaux ?
La bulle créée autour des médias sociaux est en passe d'éclater, selon Hervé Kabla, directeur général et cofondateur de BlogAngels, agence de communication spécialisée dans le Web. Face à des utilisateurs saturés, les entreprises devront revoir leur stratégie. Éclairage en trois questions.
Je m'abonneFacebook, Twitter, Foursquare ou LinkedIn... Ces cinq dernières années, les entreprises n'avaient plus que ces mots à la bouche, créant des postes dédiés et achetant parfois à prix d'or des liens sponsorisés vers leur "fan page" sur Facebook, pour attirer de futurs consommateurs.
Mais cette stratégie n'a pas convaincu les internautes, loin de là. Les résultats de l'étude "Digital Life" publiée 14 décembre 2012 par TNS Sofres sont sans appel, surtout en France :
- Les médias sociaux sont un bon endroit pour connaître les produits pour seulement 34 % des internautes français (contre 54 % dans le reste du monde) ;
- Seuls 15 % des Français considèrent que les médias sociaux sont un bon endroit pour acheter des produits en ligne ;
- Et 60 % des internautes du monde entier déclarent ne pas vouloir être dérangés par les marques sur les réseaux sociaux.
Alors, l'usage des réseaux sociaux dans la relation client doit-il disparaître ?
Pour Hervé Kabla, directeur général et cofondateur de BlogAngels, agence de communication spécialisée dans les médias sociaux, 2012 sonnera le glas pour les réseaux sociaux dans la forme que l'on leur connaît aujourd'hui. Éclairage en trois questions.
Chefdentreprise.com: Pourquoi annoncez-vous la mort des médias sociaux en 2012 ?
Hervé Kabla: J'annonce la mort de l'usage des réseaux sociaux dans la stratégie client de l'entreprise en 2012 - mais l'usage personnel des médias sociaux par l'internaute perdurera. Sur Facebook, Twitter ou Foursquare, aujourd'hui, les entreprises sont entrées dans un usage principalement publicitaire, via les fan pages sur Facebook ou les comptes sponsorisés sur Twitter.
2012 marquera un tournant, d'abord parce que la crise et la croissance nulle obligera les entreprises à revoir leurs priorités; la publicité sur les réseaux n'en fera peut être pas partie.
Ensuite, j'ai analysé quatre phénomènes qui permettent de prédire cette mort annoncée :
- L'explosion de contenus sur les médias sociaux pollue le Web et noie la marque. Ces dix dernières années, les entreprises ont été incitées à produire du contenu, parfois juste pour occuper le terrain, sans qu'il apporte vraiment quelque chose. De même, la course aux fans sur Facebook, ou au followers sur Twitter, n'a aucun sens : une marque ne peut pas échanger correctement avec trois millions de fans... Selon moi, il faut privilégier la qualité des consommateurs avec qui l'on discute et des contenus que l'on publie, à la quantité.
- Conséquence de ce premier point, les utilisateurs sont saturés. Entre Facebook, Twitter, Google Plus, YouTube et Viadeo, ils ne s'y retrouvent plus. Alors, ils focalisent leurs usages sur les fonctionnalités qui les intéressent : échanger avec leurs amis, partager leurs photos, etc. Ils y passent plus de temps et s'intéressent beaucoup moins aux fan pages et à la communication des entreprises sur les réseaux.
- Ces grandes plateformes sociales sont en concurrence et évoluent en permanence. Tous les six mois, l'utilisateur doit se réhabituer aux nouvelles fonctionnalités de Facebook ou au nouvel habillage de YouTube. Pour les marques qui cherchent à rester visible sur les réseaux malgré les évolutions, cela fait exploser les coûts.
- Selon moi, le grand hold-up des plateformes sociales sur le Web conversationnel va prendre fin. Depuis les origines d'Internet, les internautes ont toujours échangé et discuté de marques et de produits. Rappelez-vous les forums spécialisés ! Les entreprises doivent continuer à intégrer le "social" et alimenter cette conversation avec l'internaute, mais directement sur leur site, sans passer par les grandes plateformes.
Chefdentreprise.com : Les sites d'e-commerce ou les entreprises qui ont beaucoup misé sur les réseaux sociaux pour promouvoir leurs produits doivent-ils s'inquiéter ?
Hervé Kabla: Les grands acteurs de l'e-commerce comme Vente-privée ou Pixmania n'ont jamais eu besoin des réseaux sociaux pour démarrer, ni pour continuer à exister. Il n'y a pas de raison de s'inquiéter. On a beaucoup glosé sur le "social commerce" ces derniers temps : force est de constater que le s-commerce a fait un flop... L'interaction entre les médias sociaux et les e-commerçants est un grand leurre, au final.
Chefdentreprise.com : Les entreprises doivent-elles changer de stratégie ?
Hervé Kabla : Les internautes n'utilisent plus, ou vont arrêter d'utiliser, les grandes plateformes sociales en dehors d'un usage personnel. Les entreprises ont donc intérêt à intégrer l'aspect conversationnel directement sur leur site.
Il faut incorporer le social au sein de la plateforme de la marque à travers un blog de qualité, par exemple, qui renseigne le consommateur sur les produits et le fait participer à la vie de la marque. On peut mettre en place un espace de discussion dédié au consommateur, dans lequel il donne son avis ou des conseils. Les utilisateurs qui s'y rendront y seront allés dans cette optique et les avis et commentaires seront de meilleure qualité que ceux que l'on peut trouver sur une fan page.
Les sites d'e-commerce peuvent néanmoins conserver une stratégie sur les plateformes sociales comme Facebook ou Twitter mais sous des formes plus légères. Le but est de cibler le consommateur. On peut mettre en place une fan page localisée dans une ville où l'on est particulièrement actif, par exemple. La page n'atteindra pas 3 millions de fans, mais les internautes qui la suivront seront de véritables consommateurs potentiels.
Les entreprises doivent analyser et rationaliser leur investissement sur les médias sociaux avant de se lancer.