[Tribune] Attention au parasitisme commercial sur le Net !
Le Net n'échappe aux règles du droit commercial : la jurisprudence veille au grain ! Être pris en flagrant délit d'un copier-coller intempestif pour nourrir les pages de son propre site internet n'est sans conséquence juridique.
Je m'abonnePar Me Sébastien Robineau, avocat associé, cabinet Homère, Avocat au barreau de Paris
Me Sébastien Robineau intervient en droit des sociétés, droit fiscal, droit commercial, ainsi qu'en droit pénal des affaires.
Qui n'a jamais été tenté de reprendre telle ou telle information jugée pertinente sur le site d'un concurrent ? Il n'y a pas à rougir... Les plus grands se font parfois prendre la main dans le sac ! Il aurait pu en être ainsi du site de l'éditeur du site de vente en ligne www.showroomprivé.com contre lequel l'éditeur du site www.venteprivee.com a saisi la justice en parasitisme commercial (Cass. com., 23 sept. 2014, n°13-20.535).
Reprochant à son concurrent d'avoir un comportement déloyal et parasitaire, caractérisé par l'adoption d'un signe distinctif proche du sien, par l'exploitation d'un site internet présentant les mêmes organisation, ergonomie et mode de présentation que le sien, par l'adoption de contrats de commercialisation contenant des clauses similaires aux siens, l'éditeur du second site a déclaré une guerre judiciaire à son concurrent. La cour d'appel de Paris (CA Paris, 13 avr. 2013) et la Cour de cassation ont considéré que les éléments reprochés n'étaient pas suffisants pour caractériser un motif légitime permettant de procéder à une mesure d'instruction.
La Cour de cassation, après avoir relevé que les contrats de commercialisation utilisés par les deux concurrents contenaient un certain nombre de clauses similaires, a constaté pour autant que celui de Showroomprivé n'était pas la copie servile ou quasi-servile de celui de Vente-Privée. À défaut de constater une copie servile ou quasi-servile, celui qui s'est fortement inspiré du contenu d'un concurrent ne saurait être poursuivi ! Constant en jurisprudence, ce critère s'applique à tout le contenu du site et non seulement aux seules pages principales.
La simple reprise des conditions générales de vente (CGV) d'un concurrent présent sur la Toile emportera la même analyse et donc la même sanction ! C'est ce qui est arrivé à l'éditeur de www.cprive.com, attaqué, là encore, par Vente-Privée (CA Paris, 24 sept. 2008, n°07-3336). Si la cour a rejeté les arguments de contrefaçon et de concurrence déloyale, elle a condamné le parasitisme, défini comme "l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin d'en tirer profit" (Cass. com., 26 janv. 1999, n°96-22.457). Et condamné cprive.com à 10 000 euros de dommages et intérêts ! Bien plus cher que d'avoir eu à faire appel à un avocat spécialisé dans la rédaction de CGV !
Pour autant, pas de panique. Beaucoup de CGV se ressemblent. En l'espèce, une clause spécifique sur le parrainage de nouveaux clients était insérée dans les conditions générales de vente, ce qui en faisait une oeuvre protégée ! À méditer néanmoins lorsque l'on se lance dans l'élaboration de son site internet : tant l'apparence que le contenu (y compris le contenu technique comme les CGV) doivent être propres à l'entreprise.
Ce qu'il faut retenir
+ Un site internet est une oeuvre de l'esprit collective pouvant être protégée.
+ Le plagia de site internet constitue un parasitisme économique entraînant une condamnation à des dommages et intérêts.