Dirigeants : le montant de votre rémunération est contrôlé par l'administration fiscale
Votre entreprise a réalisé une excellente année et vous entendez vous verser en conséquence une rémunération plus importante ? Attention, l'administration fiscale peut considérer votre rémunération comme excessive et notifier un redressement, tant à votre entreprise qu'à vous-même !
Je m'abonneSi la rémunération du dirigeant constitue une charge déductible, c'est à la double condition qu'elle corresponde à un travail effectif et ne soit pas excessive eu égard à l'importance du service rendu(1). Si ces conditions vous semblent à l'évidence remplies au regard de votre mandat social, tel n'est pas forcément la position de l'administration fiscale.
La rémunération doit correspondre à un travail effectif et à temps plein
Concernant la réalité du travail exercé
Il a par exemple été considéré que la rémunération versée au p-dg était non déductible, dès lors que celui-ci avait donné une délégation absolument générale à une autre personne et n'avait en fait aucune activité au sein de la société(2); ou encore que la rémunération d'un gérant statutaire ne correspondait à aucun travail effectif car celui-ci se trouvait tenu à l'écart, en tant que gérant, des affaires de la société.(3)
Concernant une activité à temps plein
Plus fréquemment, sans pour autant remettre en cause la réalité du travail, l'administration conteste que l'activité soit réalisée à temps plein notamment lorsque vous êtes dirigeant de plusieurs sociétés. L'administration va procéder à un redressement motivé par le fait que le dirigeant ne peut consacrer l'intégralité de son temps à la direction de l'entreprise contrôlée puisqu'il en dirige plusieurs et que la rémunération " normale " doit dès lors correspondre à une rémunération à temps partiel.
Le montant de la rémunération doit être " normal "
La question de savoir si la rémunération soumise au contrôle présente un caractère normal ou exagéré constitue un élément apprécié au cas par cas.
La fixation du montant " normal " de la rémunération est souvent tirée des éléments de comparaison avec des entreprises similaires et évidemment des éléments propres à l'entreprise elle-même (rôle exercé par le dirigeant, résultats, conditions d'exploitation, etc.).
La méthode par comparaison
Elle est souvent sujette à critique, car les entreprises choisies doivent être comparables en termes d'activité, de chiffres d'affaires, de masse salariale, etc.
Exemple récent : la décharge d'un redressement important dans un dossier où les entreprises choisies comme termes de comparaison par l'administration n'étaient pas suffisamment comparables en termes de chiffre d'affaires et d'activité(4).
Concernant les critères internes à l'entreprise, le rôle joué par un dirigeant dans la marche de l'entreprise et l'accroissement des affaires est un critère essentiel d'appréciation.
De même, lorsqu'un dirigeant cumule des fonctions différentes au sein de la société, l'appréciation du caractère normal des rémunérations doit en tenir compte.
Il a ainsi été jugé par exemple que la rémunération du p-dg d'une entreprise n'a pas de caractère excessif eu égard à l'activité déployée et aux résultats obtenus dès lors que le p-dg a assuré la direction et la responsabilité de l'entreprise avec l'aide d'un effectif restreint. Il a réalisé seul 30 % du chiffre d'affaires, lequel a progressé en moyenne de 33 % par an et sa rémunération a représenté un faible pourcentage du chiffre d'affaires(5).
Attention aux augmentations de rémunération qui ne seraient pas corrélées à une augmentation du bénéfice de l'entreprise, car dans un tel cas de figure, la fraction d'augmentation est présumée excessive. C'est alors à l'entreprise de justifier du caractère normal de cette augmentation au regard des critères précités(6).
Lire aussi : Le PER, un levier de défiscalisation pour les indépendants et entrepreneurs : explications
Une rémunération considérée comme excessive entraîne un double redressement
· Au niveau de la société, la fraction de la rémunération considérée comme exagérée est réintégrée dans les bases de l'impôt sur les sociétés et un redressement d'égal montant est notifié, fréquemment assorti d'une majoration de 40 % pour mauvaise foi.
· Au niveau du dirigeant, cette même fraction est requalifiée de salaires à distribution de capitaux mobiliers(7) et le dirigeant fait donc également l'objet d'un redressement fiscal également souvent assorti d'une majoration de 40 % pour mauvaise foi.
La somme redressée est donc soumise au Prélèvement Forfaitaire Unique (" Flat Tax ") pour les sommes redressées à partir de l'année 2018 ou au barème progressif de l'impôt sur le revenu si le dirigeant avait préalablement choisi cette option, sans toutefois le bénéfice de l'abattement de 40 %. De plus, le montant ainsi imposé en revenus distribués est majoré de 25 %.(8)
A savoir, pour les revenus imposés au PFU, cette majoration est applicable uniquement depuis l'imposition des revenus de 2020.
En conclusion
Dirigeants, ne surévaluez pas votre rémunération et versez-vous des dividendes, dont le coût fiscal est souvent en outre moins élevé au regard du Prélèvement Forfaitaire Unique de 30 % (Flat tax) et de la baisse de l'impôt sur les sociétés.
Pour en savoir plus
Emmanuelle Dewolf - avocat fiscaliste spécialisée en contentieux fiscal depuis plus de 20 ans. Vous pouvez vous informer davantage sur vos droits en matière de contrôle fiscal sur son site dédié : www.contrôlefiscal.fr
[i] Article 39,1-1° du Code Général des Impôts
[ii] CE 15-7-1964 n° 55606, 8e s.-s. : Dupont 1964 p. 764
[iii] CE 7-6-1972 n° 81011, 7 e et 8 e s.-s. : Dupont 1972 p. 283
[iv] CAA Versailles, 2-07-2020, n° 19VE02356
[v] CAA Lyon 10-11-1993 n° 92-91
[vi] A rticle 39 5 du Code Général des Impôts
[vii] CGI art. 111, d
[viii] Article 158, 7-2° du CGI