RSI : les dirigeants qui quittent le régime sont dans l'illégalité
Dans un délibéré du 23 mars 2015, la cour d'appel de Limoges rappelle le caractère de "régime légal de Sécurité sociale" de cet organisme de droit privé. Comment interpréter cette décision? Quels sont les risques encourus par les indépendants qui quittent le RSI?
Je m'abonneDans un délibéré du 23 mars 2015, la cour d'appel de Limoges donne raison au Régime social des indépendants (RSI), rappelant le caractère de "régime légal de Sécurité sociale" de cet organisme de droit privé. Elle conteste ainsi le droit de s'affilier à une caisse étrangère et demande à Claude Mantrant, électricien sorti du RSI en avril 2011, de régler au régime la somme de 230 euros pour ses frais irrépétibles (frais de justice). "Contre toute attente, la décision de la cour d'appel de Limoges qui, en octobre dernier, demandait au RSI de prouver son inscription au registre du Code de la mutualité pour pouvoir poursuivre en justice les indépendants et recouvrer les cotisations non réglées, est revenue sur sa décision. Elle a donc donné un faux espoir aux indépendants", commente Eric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail.
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Pour Laurent C., membre actif du mouvement des Libérés (qui souhaite rester anonyme), cette décision "n'est pas si négative". Selon lui, la contradiction est manifeste entre, d'une part, l'arrêt dire droit du 20 octobre 2014, selon lequel "la vérification de la qualité à agir du RSI justifie qu'il lui soit fait injonction de justifier de son immatriculation au registre prévu à l'article L411-1 du code de la mutualité" et, d'autre part, l'arrêt du 23 mars 2015 selon lequel le RSI "ne relève pas du code de la mutualité mais du code de la sécurité sociale". Toujours d'après Laurent C., "une telle contradiction entre les motifs peut justifier un recours en cassation, puisque selon la formule habituelle "la contradiction des motifs équivaut à une absence de motifs"".
Une compatibilité avec le droit européen
La cour d'appel de Limoges confirme, pour sa part, que le RSI respecte pleinement le droit européen. "Les différents mouvements sociaux qui prônent une désaffiliation du RSI fondent leurs propos sur des directives européennes datant de 1992 qui mettent les organismes d'assurance européens en concurrence. Mais ces directives ne concernent pas les organismes de Sécurité sociale. Le droit européen est clair. Il y a bien une liberté de choix concernant les mutuelles ou les complémentaires santé, mais elle ne s'applique pas aux organismes de Sécurité sociale", confie Nicolas Fouilleul, avocat spécialiste en droit du travail.
Eric Rocheblave rappelle par ailleurs le code de la Sécurité sociale "qui repose sur le principe de solidarité et proclame l'obligation de s'affilier à un régime de Sécurité sociale pour les personnes travaillant en France (articles L.111-4 et L.111-2-2 du code de la Sécurité sociale)". La Sécurité sociale rappelle également sur son site que cette obligation de cotiser en France est compatible avec la coordination européenne des régimes de Sécurité sociale. Les États membres sont ainsi libres de fixer comme ils l'entendent leur système de Sécurité sociale et, notamment, de fixer le niveau de prestation, les modalités de fonctionnement et le niveau de financement.
"Les choses sont claires. Les indépendants qui se désaffilient du RSI sont dans l'illégalité. La prudence est donc de mise", confie Eric Rocheblave. Rappelons que la loi de finances de la Sécurité Sociale pour 2015 a alourdi les condamnations en instituant une peine de six mois d'emprisonnement et/ou 15 000 euros d'amende à l'encontre des personnes refusant délibérément de s'affilier ou persistant à ne pas engager les démarches permettant de s'affilier. Elle aggrave aussi les sanctions pénales prévues à l'encontre des personnes incitant à refuser de s'affilier au RSI ou de payer les cotisations. Les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et/ou 30 000 euros d'amende.
"Les choses sont claires. Les indépendants qui se désaffilient du RSI sont dans l'illégalité. La prudence est donc de mise"
Une lueur d'espoir?
Petite consolation pour le mouvement des libérés, puisque la cour d'appel estime que "l'action de Monsieur Mantrant se rattache à un courant qui tend à la suppression du monopole de la Sécurité sociale (...) ; que l'on ne peut y voir un abus, de sorte qu'il n'y a pas lieu de le condamner à une amende civile". En d'autres termes, "la cour d'appel a décidé de ne pas sanctionner l'action, et donc de ne pas appliquer d'amende civile. Mais attention car le RSI a la possibilité de réclamer, dans un deuxième temps, les cotisations non payées à Claude Mantrant, qui s'élèvent à 16 897,63 euros", estime Eric Rocheblave.
Un point de vue partagé par Nicolas Fouilleul. "Si les sanctions civiles et pénales ne sont pas encore appliquées, je constate que les mesures d'exécution sont mises en oeuvres. Une entreprise qui n'est pas à jour de ses cotisations sociales risque gros. Elle ne peut plus se positionner sur les marchés publics, ce qui peut être problématique dans le bâtiment, ne peut plus prétendre aux qualifications (RGE...) et aux aides publiques. La prudence est donc de mise.
Un dirigeant doit par ailleurs être très réactif s'il reçoit objet de saisi de la part d'un huissier. Il doit faire une opposition à contrainte sous 15 jours, autrement dit contester cet appel à cotisations. Trop d'entrepreneurs ignorent ce délai et se font prendre au piège. Une non réponse dans un délai de 15 jours équivaut à une acceptation".
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Le mouvement des Libérés confie de son côté "poursuivre le combat, en particulier au niveau du TGI de Nice, où le juge a bien déclaré, en décembre 2014, le RSI en incapacité à agir en justice au motif de ne pas avoir fourni son inscription au registre des mutuelles. Le RSI ayant fait appel de la décision". La Cour d'appel d'Aix en Provence peut donc confirmer ou infirmer la décision du TGI de Nice, qui sera en contradiction ou non avec la décision de la cour d'appel de Limoges.