Contrôle URSSAF: comment gagner la bataille en cas de litige
Désaccord avec l'administration fiscale, erreur d'appréciation du contrôleur des impôts... vous êtes redressés par l'administration et vous souhaitez contester les conclusions ? Voici les règles à respecter pour résoudre le conflit. Et prouver votre bonne foi.
Je m'abonneChaque année, l'administration fiscale réalise près de 50 000 vérifications sur place. "Les contrôles fiscaux se soldent quasi systématiquement par des propositions de rectification, plus couramment appelées redressement", note Olivier Couraud, avocat fiscaliste au sein du cabinet Coblence & Associés. En 2013, selon le rapport annuel de la Direction générale des finances publiques (Dgfip), près de 12 milliards d'euros de droits et pénalités ont été notifiés aux entreprises.
Face à la rigueur des contrôles et aux difficultés financières que peuvent causer ces redressements, les entreprises n'hésitent plus à contester les conclusions de l'administration fiscale. Comment réagir quand vous recevez la notification de l'administration ? La première chose à faire est de formuler une réclamation à l'administration fiscale et de présenter vos arguments dans un délai de 30 jours. "Ce dernier peut être prorogé de 30 jours supplémentaires sur demande écrite", confie Olivier Couraud.
Sollicitez une entrevue
Si, à la suite de vos observations, l'administration fiscale maintient ses rectifications, plusieurs actions sont envisageables. Dans un premier temps, il est possible d'exercer un recours précontentieux ou hiérarchique auprès du supérieur du contrôleur. "C'est une nouvelle occasion de discuter oralement du bien-fondé de la demande et de la bonne foi du dirigeant. Mais cette procédure est peu porteuse car le supérieur va, dans la plupart des cas, valider la position du vérificateur qui travaille sous ses ordres", reconnaît Olivier Couraud. À défaut d'être entendu par le supérieur direct, vous avez la possibilité de solliciter une entrevue auprès de l'interlocuteur départemental.
Vous pouvez parallèlement saisir la Commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ou la Commission départementale de conciliation, compétente notamment en matière de droits d'enregistrement. Ces commissions sont indépendantes et rendent des avis consultatifs sur les questions de fait qui leur sont soumises. Bien que leurs jugements ne les lient pas à l'administration fiscale, cette dernière s'y réfère dans une majorité des cas avant d'arrêter les bases de l'imposition. "Par ailleurs, l'administration ne peut mettre en recouvrement les impositions litigieuses avant que la Commission ait rendu son avis, ce qui constitue une garantie procédurale appréciable du point de vue du contribuable", rappelle Olivier Couraud. En d'autres termes, la saisine de la commission permet le gel de la mise en recouvrement des impôts redressés.
Après l'émission de l'avis de mise en recouvrement, soit après l'échec de tous les recours administratifs, vous conservez le droit de présenter une réclamation préalable au service des impôts. "Le dirigeant revient sur l'ensemble de la procédure et réécrit à la direction qui contrôle en principe le service ayant initié la procédure de vérification. Ce qui explique les faibles chances de succès d'une telle demande à ce stade également", poursuit Olivier Couraud.
Vous avez tout intérêt à assortir votre réclamation préalable d'une demande de sursis de paiement des impositions contestées. "Cette demande ne peut pas être rejetée par l'administration si le contribuable propose des garanties de recouvrement suffisantes", confie Olivier Couraud.
Un argumentaire solide
Pour être recevable, toute réclamation doit contenir l'exposé sommaire des faits et les arguments de l'entreprise réclamante, porter la signature manuscrite de son auteur, être accompagnée de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis et éventuellement de pièces justificatives. "S'il s'agit, par exemple, d'une remise en cause de la déductibilité des provisions, le contribuable peut mettre en avant les décisions de jurisprudence rendues en la matière. De même s'il considère que certaines dépenses constituent des charges déductibles et non des immobilisations", détaille Olivier Couraud. La réclamation doit également exposer vos conclusions, en mettant en lumière l'objet réel et la portée exacte de la demande (base, montant du remboursement).
En cas d'omissions et autres irrégularités indiscutables constatées par rapport à vos obligations déclaratives, la marge de manoeuvre est évidemment très étroite, mais il est rare qu'il n'y ait pas un point sur lequel vous ne pouvez pas obtenir quelque chose. Si le contrôleur a assorti les rappels d'impôts de la majoration de 40% pour manquement délibéré, celle-ci peut être contestée. "Le dirigeant peut obtenir l'annulation de cette majoration de 40% grâce à une argumentation ciblée montrant que l'intention d'éluder l'impôt n'est pas justifiée, et qu'il n'a jamais contourné le paiement de ses taxes", insiste Claudine Vandandaële, expert-comptable associée au sein de BDO.
L'administration dispose ensuite de six mois pour formuler sa réponse. Elle peut toutefois aviser le contribuable avant l'expiration de ce délai, qu'une période complémentaire -qui ne peut excéder trois mois- est nécessaire pour statuer. "À défaut de réponse sous ce délai, la demande du contribuable et les arguments apportés sont réputés être rejetés", concède Olivier Couraud.
Action devant les tribunaux
En cas de rejet de la réclamation préalable, vous pouvez saisir sous un délai de deux mois le juge de l'impôt. La juridiction compétente est différente suivant la nature de l'impôt contesté. Les délais de traitement des dossiers dépendent de la juridiction saisie (administrative pour les impôts directs ou les taxes sur le chiffre d'affaires ou judiciaire pour les contributions indirectes et l'ISF). "Ils peuvent être très longs, entre six mois et un an, voire plus pour certaines juridictions de la région parisienne", concède Olivier Couraud.
En cas de nouvel échec, vous pouvez faire appel du jugement du tribunal, et saisir la cour d'appel dans un délai de deux mois à compter de la réception de la décision. "Cette décision n'a pas d'effet suspensif. En d'autres termes, si le jugement du tribunal administratif ne statue pas en la faveur du requérant, il doit s'acquitter des sommes réclamées par l'administration, ainsi que de leurs intérêts moratoires et intérêts de retard. Il convient donc de s'interroger sur la pertinence de demander un sursis de paiement puisque les recours sont suspensifs en première instance seulement", confie Claudine Vandandaële.
Si la décision d'appel ne vous satisfait pas, vous pouvez envisager de vous pourvoir en cassation devant le Conseil d'État ou la Cour de cassation, qui se borneront cependant à examiner les questions de droit. Pour éviter de vous perdre dans des procédures chronophages et coûteuses, privilégiez le dialogue avec l'administration, et ne perdez jamais une occasion de présenter vos arguments au fil de l'eau.
Qu'est ce qui alerte le fisc ?
Pour éviter de susciter la curiosité de l'administration, évitez de déposer vos liasses fiscales avec du retard. " Le non-respect des délais va dans une grande majorité des cas déclencher un contrôle de l'administration ", met en garde Claudine Vandandaële. Des déclarations qui affichent des anomalies flagrantes (éléments renseignés à la mauvaise place ou non cohérents d'une année sur l'autre) vont également alerter le service des impôts. Une enquête réalisée en 2013 par le Medef montre que les principaux chefs de redressement des entreprises concernent la TVA (dans 35% des cas), la CVAE (13%), ainsi que l'impôt sur les bénéfices (les provisions pour 23% des entreprises, les charges pour 14% des répondants et le crédit d'impôt recherche dans 13% des cas).