Recherche
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

La Minute du Boss : En cas d'inaptitude professionnelle, l'indemnité spéciale de licenciement doit être exprimée en brut

Publié par le | Mis à jour le
La Minute du Boss : En cas d'inaptitude professionnelle, l'indemnité spéciale de licenciement doit être exprimée en brut

Par une décision du 7 mai 2024 (n°22-21.479), la chambre sociale de la Cour de cassation précise la nature des indemnités prévues à l'article L. 1226-14 du Code du travail, considérant que celles-ci s'exprimaient en brut.

Je m'abonne
  • Imprimer

En paie, la détermination du régime social et fiscal des sommes versées lors de la rupture du contrat de travail relève souvent du casse-tête pour les entreprises [1], en raison de deux difficultés principales :

  • Le traitement social et fiscal est gouverné par de nombreux paramètres, qui diffèrent selon (i) la nature de la somme en cause (salaire, indemnité de licenciement, indemnité pour réparation d'un préjudice) et (ii) le montant de celle-ci (appréciation des seuils applicables).
  • Toutes les situations ne sont pas réglées par les textes. Ainsi, les juridictions sont encore régulièrement saisies de litiges relatifs notamment au traitement social et fiscal de l'indemnité transactionnelle, dont l'assujettissement à cotisations et à l'impôt dépendra de la nature du préjudice que l'indemnité à vocation à réparer [2].

Ces difficultés sont d'autant plus importantes que les décisions de la Cour de cassation ne viennent pas toujours simplifier la situation, comme si la Haute juridiction reconnaissait elle-même le caractère périlleux de l'exercice.

L'arrêt du 7 mai 2024 constitue un nouvel exemple de l'examen délicat auquel s'emploie la Cour de cassation, s'agissant cette fois du régime social des indemnités prévues à l'article L. 1226-14 du Code du travail.

En l'espèce, une salariée d'une compagnie aérienne, qui avait été victime d'un accident du travail en avril 2014, a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 12 février 2015. Dans le cadre de son recours juridictionnel en contestation de la rupture de son contrat de travail, la salariée estimait :

  • D'une part, que son inaptitude avait une origine professionnelle, celle-ci faisant suite à un accident du travail dont la requérante avait souffert préalablement. Elle devait donc, selon elle, bénéficier des indemnités prévues à l'article L. 1226-14 du Code du travail, à savoir :
  • Une indemnité compensatrice, d'un montant égal à l'indemnité légale compensatrice de préavis et ;
  • Une indemnité spéciale de licenciement d'un montant qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité légale de licenciement.
  • D'autre part, que son licenciement était infondé en l'absence de consultation préalable des délégués du personnel et en violation de l'obligation de reclassement à laquelle était tenue la société.

Par décision du 12 mai 2022 (n°19/08562), la Cour d'appel de Paris a fait droit aux prétentions de la salariée, a considéré que l'inaptitude de la requérante présentait bien une origine professionnelle et que son licenciement était, en outre, injustifié.

Dès lors, la juridiction parisienne a condamné la société au paiement d'une somme totale de 89 977,10 € nets au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, de 16 697,17 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice, et de 76 258 € au titre d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Contestant cette décision, l'employeur a formé un pourvoi aux fins de contester le caractère illicite de la rupture du contrat de travail [3] et le traitement des indemnités auxquelles il a été condamné.

Pour ce qui est de la seconde demande de l'employeur, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en précisant que l'indemnité spéciale de licenciement et l'indemnité compensatrice prévues à l'article L. 1226-14 du Code du travail devaient être exprimées, non en net, mais en brut. Elle a également profité de cette décision pour rappeler que l'indemnité compensatrice précitée n'ouvrait pas droit à congés payés, et donc à une indemnité additionnelle afférente [4].

Même si elles se comprennent et ne surprennent pas, ces précisions, tenant notamment au caractère brut des sommes prévues à l'article L. 1226-14 précité, éveillent l'attention.

L'indemnité compensatrice

La décision de la Cour de cassation ne souffre pas de contestations.

Dans la mesure où cette indemnité, à l'instar de l'indemnité compensatrice de préavis, est une rémunération imposable au sens de l'article 80 duodecies du Code général des impôts, elle est, en conséquence, totalement soumise à cotisations sociales. Mais même si elle est totalement soumise et doit être égale à l'indemnité légale compensatrice de préavis, elle ne génère pas de droits à congés payés. Ce que la Cour de cassation prend donc soin de rappeler.

Le raisonnement la Cour de cassation peut toutefois interpeler puisque :

  • En fondant le principe d'assujettissement des sommes sur l'article L. 241-2 du Code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n°2012-1509 du 29 décembre 2012, qu'elle cite dans son visa, la Cour de cassation ne vise pas le bon texte légal puisque c'est l'article L. 242-1 dudit Code qui énonce un tel principe.
  • Plus surprenant, la Cour de cassation semble s'être auto-saisie du traitement social de l'indemnité compensatrice. En effet, ni les moyens du pourvoi formé par l'employeur, ni les articles visés par la Cour ne semblent indiquer que la Haute juridiction était bel et bien saisie de cette question. Dès lors, une telle prise de position interroge.

En dépit de la maladresse ci-avant décrite et des modalités juridiques de la saisine de la Cour de cassation, la solution ici commentée n'en reste pas moins cohérente.

L'indemnité spéciale de licenciement

La solution s'entend également et ce, pour une double raison.

D'une part, cette décision ne surprend pas dès lors que l'indemnité spéciale de licenciement se calcule sur la base de la moyenne des rémunérations brutes perçues par le salarié. Dans ces conditions, il est cohérent que l'indemnité qui en résulte soit, elle-même, exprimée en brut, tout comme la Cour de cassation avait pu l'indiquer s'agissant des indemnités versées au titre du barème Macron [5].

D'autre part, si le plus souvent une telle précision ne présente pas d'enjeu parce que l'indemnité spéciale de licenciement n'est pas assujettie à cotisations sociales et CSG/CRDS, le cas soumis à la Cour rendait cette précision décisive.

En l'espèce, le montant de l'indemnité spéciale de licenciement (fixé à 89 977,10€) dépassait, en effet, le plafond d'exonération à retenir [6]. La fraction de la somme excédant alors le seuil en cause devait donc bien être soumise à cotisations sociales (et CSG/CRDS).

En revanche, ce qui surprend, est le peu de motivation, voire l'absence de motivation donnée sur un sujet pourtant technique. La Cour affirme ainsi que « L'arrêt condamne l'employeur au paiement d'une somme exprimée en montant net à titre d'indemnité spéciale de licenciement (...). En statuant ainsi alors que cette indemnité devait être exprimée en montant brut, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

Si la solution était donc la bienvenue (l'employeur aurait sinon dû assumer seul le paiement des cotisations, tant salariales que patronales), on peut regretter l'insuffisante motivation élaborée par la Cour de cassation qui n'a appuyé son raisonnement d'aucun élément permettant d'en appréhender complètement le sens. Le renvoi vers les textes visés dans son visa est d'ailleurs particulièrement peu explicite.

Le régime social des indemnités de rupture étant complexe et les enjeux importants, nous en attendions forcément davantage de la part de la Cour de cassation.

[1] V. par ex. : B. Cazin, E. Luneau, Régime fiscal et social des indemnités de rupture, les Cahiers du DRH, 1er février 2024

[2] Cass, soc, 17 février 2022, n° 20-19.516 : lorsque l'indemnité transactionnelle compense un préjudice pour les salariés, elle est exonérée de cotisations sociales

[3] Nous ne nous intéressons pas à ce moyen puisqu'il a abouti à un rejet de la Cour de cassation qui a confirmé le raisonnement de la Cour d'appel

[4] Il s'agit d'un rappel continu de la jurisprudence qui considère depuis 2001 qu'il résulte du caractère indemnitaire de l'indemnité compensatrice que son versement ne donne pas droit au salarié à des congés et donc à l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis (Cass. soc., 4 déc. 2001, n°99-44.677 ; Cass. soc., 31 oct. 2005, n°04-47.450 Cass. soc., 12 oct. 2011, n°10-18.904 ; Cass. soc., 10 mai 2012, n°10-27.775 ; Cass. soc., 24 juin 2015, n°13-27.747 ; Cass. soc., 2 mars 2017, n°15-19.562 ; Cass. soc., 9 nov. 2017, n°16-14.527 ; Cass. soc., 19 mai 2021, n°19-23.510 ; Cass. soc., 8 sept. 2021, n°20-14.015 ; Cass. soc., 8 juin 2022, n°20-22.500 ; Cass. soc., 1er mars 2023, n°21-19.865 ; Cass. soc., 29 mars 2023, n°21-21.211 Cass. soc., 10 janv. 2024, n° 22-17.851).

[5] Cass, soc, 15 déc. 2021, n°20-18782

[6] À savoir 2 PASS à la date de la rupture soit 76 080 € en 2015

Christine Hillig-Poudevigne, avocat associé au cabinet YARDS, accompagne ses clients dans le cadre d'opérations de restructurations diverses (fusions, acquisitions, transferts de salariés...) et de gestion des effectifs (Plan de Sauvegarde de l'Emploi, Plan de Départs Volontaires, Accords GPEC, Congé Mobilité, Rupture Conventionnelle Collective...). Elle conseille également ses clients dans le cadre de leurs négociations collectives, des consultations des instances représentatives du personnel, et pour toute question liée au droit individuel du travail (embauche, rupture, négociations de départ, etc.).

Rudy intervient en droit social auprès des entreprises, tant en conseil qu'en contentieux. Il conseille et accompagne les entreprises dans toutes les problématiques de la vie courante d'une société (rédaction de contrats de travail, d'accords collectifs, négociation avec les délégués syndicaux, information-consultation du CSE, phase de précontentieux...). Rudy représente également les clients du cabinet lors des contentieux devant les juridictions (conseil de prud'hommes, cour d'appel, tribunal judiciaire...).Rudy est avocat au barreau de Paris depuis 2022 et a rejoint Yards en 2024.


 
Je m'abonne

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

Chef d'Entreprise Newsletter

Artisans Newsletter

Commerce Newsletter

Event

Event

Event

Les Podcasts de Chef d'Entreprise

Lifestyle Chef d'Entreprise

Artisans Offres Commerciales

Chef d'Entreprise Offres Commerciales

Commerce Offres Commerciales

Good News by Netmedia Group

La rédaction vous recommande

Retour haut de page