Assurance chômage : le chantier est lancé
Annoncée lors de la campagne présidentielle, la réforme de l'assurance chômage s'amorce, avec une rencontre entre le gouvernement et les partenaires sociaux mercredi 13 décembre 2017. Focus sur les principaux enjeux de la réforme, notamment sur l'ouverture du droit aux travailleurs indépendants.
Je m'abonneAprès la réforme du code du Travail s'ouvre un autre grand chantier. Les négociations sur l'assurance chômage ont démarré mercredi 13 décembre 2017 entre le gouvernement et les syndicats. Une réforme qui vise à faire évoluer les règles d'un système ayant vocation à protéger les salariés perdant leur emploi. Aujourd'hui, 2,7 millions de chômeurs sont indemnisés chaque mois, selon l'Unédic.
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Un chiffre amené à évoluer. En effet, l'un des enjeux de cette réforme consiste à ouvrir l'assurance chômage aux travailleurs indépendants, soit environ 3,3 millions de personnes. "Une population difficile à assurer contre le risque de chômage", pointent l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale des affaires sociales dans un rapport daté d'octobre 2017.
Parmi les raisons évoquées à cette difficulté : l'hétérogénéité de la catégorie (disparités socio-économiques, degré d'exposition au risque du chômage), la complexité à déterminer leurs revenus, les frontières de plus en plus floues avec le salariat ou encore le fait que "la perte d'emploi involontaire des travailleurs indépendants est délicate à caractériser, en raison du contrôle qu'exercent par définition les travailleurs indépendants sur leur propre activité".
Partant de ce constat, le rapport détermine trois objectifs -protéger les travailleurs indépendants contre le risque de défaillance de leur entreprise, répondre aux défis de la dépendance économique à l'égard d'un donneur d'ordre, rapprocher les protections des salariés et des non-salariés et sécuriser les transitions professionnelles- et une dizaine de scénarios possibles pour la mise en place de la réforme.
Une assurance chômage pour les indépendants
De leur côté, les travailleurs indépendants sont selon ce rapport "partagés" sur la question. Cependant, selon un sondage OpinionWay pour l'Union des autoentrepreneurs, la Fondation Le Roch Les Mousquetaires et le Salon des entrepreneurs, daté de décembre 2017, ils sont prêts de huit sur dix (79 %) à être favorables à la mise en place d'une assurance chômage les concernant. Quitte à ce que cela pèse sur leurs cotisations. Plus de la moitié se disent prêts à financer le dispositif au travers d'une hausse de cotisation de 2 à 4%.
Une position qui n'est toutefois pas partagée par tous. Ainsi, l'U2P alerte sur le fait que la réforme ne devra pas se traduire par une augmentation des charges des indépendants. "Compte tenu de ce que l'entreprise apporte à la société, en termes de formation, d'emploi et de distribution de revenus, l'U2P estime qu'il appartient à la collectivité de prendre en charge le coût d'une éventuelle assurance chômage des chefs d'entreprise", déclare dans un communiqué Alain Griset, président de l'organisation patronale.
Par ailleurs, la question se pose également de renforcer ce droit pour les salariés démissionnaires. Une personne dans cette situation pourrait ainsi en bénéficier "tous les cinq ans", avait dans un premier temps annoncé Emmanuel Macron. A l'heure actuelle, il est déjà possible, dans des cas bien précis (en cas de mariage, de harcèlement au travail ou encore pour suivre un conjoint muté), d'être indemnisé après une démission. C'est le cas, aujourd'hui, de 70 000 personnes par mois. La réforme entraînerait une augmentation de ce chiffre.
Au-delà, un autre enjeu est lié à la question des contrats courts. Le gouvernement réfléchit à un système de bonus-malus, qui consisterait à davantage faire cotiser les entreprises ayant beaucoup recours à ce type de contrats. Reste, enfin, à redéfinir le rôle de l'État -l'assurance chômage étant aujourd'hui sous la responsabilité des partenaires sociaux- qui pourrait être renforcé.
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Le coût de la réforme
Un élargissement de l'assurance chômage qui pose la question de son coût, puisque davantage de bénéficiaires seraient concernés. Le risque : une réduction des allocations. Sauf contrôle plus strict ou soumission à des critères liés à la recherche d'emploi. Selon la Fondation Concorde -qui s'appuie sur des données de l'Unédic-, la dette de l'assurance chômage pourrait s'établir à plus de 37 milliards d'euros en 2018, contre 5 milliards en 2008. Un bond préoccupant. Dans le détail, l'Unédic prévoit un déficit de l'assurance chômage de 3,3 milliards d'euros en 2018, contre 3,8 milliards en 2017 et 4 milliards en 2016 (chiffres d'octobre 2017). Un déficit qui, donc, est en phase de ralentissement.
Une réforme de grande ampleur, dans laquelle les syndicats et organisations patronales comptent plus que jamais avoir voix au chapitre. Ils ont, en décembre 2017, publié un document commun, destiné à constituer un "socle de réflexion pour une concertation utile". Ce document, cosigné par la CPME, le Medef et l'U2P côté patronal, et la CFDT, la CFC, la CFE-CGC, la CGT et FO côté syndical, propose leur vision commune des enjeux et des pistes de solution, comme améliorer la formation des bénéficiaires de l'assurance chômage pour les aider à retrouver un emploi ou encore s'appuyer sur les branches professionnelles pour optimiser la prise en charge des personnes, dans un contexte où les contrats courts (de moins d'un mois) se développent.
De son côté, CroissancePlus, réseau d'entrepreneurs de croissance, livre également ses propositions, dont la première consisterait à proposer jusqu'à trois mois d'indemnisation chômage supplémentaires -dans la limite du plafond d'indemnisation- pour couvrir les surcoûts liés à une mobilité.
L'objectif, en termes de calendrier, est que le projet de loi sur le sujet soit adopté avant la fin de l'été 2018.