[Tribune] Que pouvez-vous faire ou ne pas faire avec l'argent de votre entreprise?
Le dirigeant peut penser à tort qu'il dispose librement des fonds qu'il a investis dans sa société. C'est notamment pour cette raison que la répression de l'abus de biens sociaux est mal comprise par les chefs d'entreprise. Quand une dépense est-elle qualifiée de litigieuse? Quels sont les risques?
Je m'abonneSi certaines dépenses peuvent être prises en charge par votre entreprise, d'autres ne peuvent pas l'être. En tant que dirigeant de TPE ou de PME, vous êtes confrontés à une législation stricte que constitue le délit d'abus de biens sociaux (ABS). Pour éviter d'être sanctionné pénalement, il est donc essentiel de vous prémunir contre les risques de commettre une telle infraction.
Qu'est-ce que l'abus de biens sociaux ?
Pour éviter de commettre un abus de biens sociaux, il convient de bien en comprendre la définition. Le délit d'abus de biens sociaux concerne les dirigeants de sociétés de capitaux (SA, SARL...). Concrètement, il s'agit des gérants, présidents, administrateurs, directeurs généraux, membres du directoire et du conseil de surveillance, ainsi que toute personne qui exerce la gestion, la direction ou l'administration de la société. Il ne peut s'agir que de personnes physiques.
La loi, et plus précisément le Code de commerce, définit l'abus de droit comme le fait, pour les dirigeants d'une société, "de faire de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement".
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En d'autres termes, il faut retenir trois éléments cumulatifs pour qualifier un acte anormal de gestion :
- L'utilisation des biens ou crédits de l'entreprise pour un usage contraire à l'intérêt de la société : il s'agit d'un comportement portant atteinte au patrimoine de la société et ne servant pas son intérêt. Par conséquent, les dépenses, mais aussi les manques à gagner injustifiés sont sanctionnés. L'intérêt de la société s'apprécie en fonction de son objet social, inscrit dans les statuts, mais aussi de son secteur d'activité. Ainsi, chaque situation est appréciée de manière casuistique : la location d'une maison de vacances aux frais de l'entreprise sera a priori constitutive d'un abus de biens sociaux, sauf si le dirigeant parvient à prouver que cette dépense servait l'intérêt de la société. En effet, les tribunaux ont déjà admis qu'une telle location puisse servir à recevoir des clients potentiels de la société dans le but de conclure un contrat. Si vous avez un doute sur la qualification de l'une de vos dépenses au sein de votre société, il est préférable de consulter votre avocat.
- L'utilisation de ces biens ou crédits dans un but personnel : il est nécessaire que les dépenses engagées par le dirigeant aux frais de la société aient été engagées dans le but de servir son intérêt propre. Les avantages personnels procurés peuvent être d'ordre matériel, mais aussi moral. Il peut s'agir de dépenses injustifiées par leur nature, ou manifestement excessives dans leur montant. Elles peuvent aussi avoir pour objectif de servir la notoriété du dirigeant, ou de lui permettre de se constituer un réseau par le biais d'avantages. C'est le cas lorsque le chef d'entreprise met les biens de sa société au service de ses relations dans un but intéressé, voire même pour favoriser des finalités politiques.
- En plus de ces deux éléments dits matériels, la qualification du délit d'abus de biens sociaux nécessite un élément intentionnel. Il s'agit concrètement de la volonté du dirigeant d'accomplir une telle action, qui se manifeste par sa mauvaise foi. Les tribunaux envisagent cet élément de manière assez sévère, considérant la notion de mauvaise foi très largement. De plus, la simple négligence du dirigeant permettra également de sanctionner un abus de biens sociaux.
Les sanctions
Que risque le chef d'entreprise en se rendant coupable d'un abus de bien social ? La loi prévoit une sanction pénale très sévère, pouvant aller jusqu'à 5 ans de prison et 375 000 euros d'amende pour le dirigeant, quand bien même il restituerait les sommes dépensées.
Mais la sanction peut également prendre une dimension fiscale : dans la mesure où la dépense litigieuse réduit le bénéfice imposable de la société, cette dernière sera par conséquent moins imposée sur ses revenus. L'administration fiscale, dans un souci d'égalité, sanctionne ces dépenses qu'elle considère comme "anormales", parce qu'elles sont contraires à l'intérêt de la société. Dès lors, elle les réincorpore dans la masse imposable de l'entreprise et prélève l'impôt comme si la dépense n'avait pas été engagée. En effet, il serait inéquitable qu'une société n'ayant pas engagé de dépenses abusives soit plus imposée qu'une société litigieuse. Cette procédure de l'acte anormal de gestion est donc la répercussion fiscale directe de l'abus de biens sociaux.
L'auteur
Thomas Rivoire, est diplômé HEC et Diplômé Notaire, directeur Général de LegaLife, une société d'accompagnement en ligne pour les particuliers et les entrepreneurs.