La Turquie, un filon à exploiter !
La Turquie. Voilà un pays émergent autour de la Méditerranée oublié par bon nombre de patrons de PME. Pourtant, vous auriez tort de sous-estimer le potentiel de ce pays, qualifié de "petite Chine de l'Europe". Focus.
Je m'abonneEnviron 500. C'est le nombre d'entreprises faisant du business en Turquie. " Un score bien en deçà des potentialités qu'offre ce pays-clé du bassin méditerranéen, à trois heures de vol de Paris ", constate Inane Gurbuz, manager chez Azkan Group, société d'accompagnement à l'international. Pourtant, force est de constater que, avec les 36 000 entreprises étrangères implantées sur son territoire, la Turquie s'impose comme un pays attractif pour ceux qui savent tirer profit de ce marché émergent, presque mature. Et pour cause : " Véritable pont entre l'Europe et l'Asie, la Turquie affiche une performance économique presque similaire à celle des Bric(1). De quoi séduire nombre d'entreprises allemandes, anglaises ou néerlandaises, qui s'y implantent déjà les yeux fermés, surtout dans l'ouest du pays, Istanbul en tête ", confirme le manager. Pour faire valoir les atouts de la Turquie, les chiffres parlent d'eux-mêmes : un PIB oscillant entre la 15e et la 17e place mondiale, un taux de croissance de 3,5 % et une population majoritairement jeune, de 75 millions d'habitants.
Occidentalisation prononcée
Alors pourquoi les sociétés françaises n'y investissent-elles pas encore en masse ? " À cause de l'image floue ou inexistante dont dispose ce pays en France, reléguant trop souvent aux oubliettes son attractivité pour les PME ", explique Raphaël Esposito, directeur de la chambre de commerce française en Turquie. Si franchir la Méditerranée pour aller au Maghreb s'impose comme un réflexe plus rassurant pour nombre d'entrepreneurs, c'est sans compter le potentiel sous-estimé de la Turquie, un marché deux fois et demie plus gros que l'Algérie, le Maroc et la Tunisie réunis. " Y faire du business est d'autant plus aisé que le code de commerce s'inspire des modèles européens. Sans oublier une occidentalisation prononcée des habitudes de consommation, avec l'émergence d'une large classe moyenne et la présence d'élites francophones formées dans la dizaine de lycées français du territoire ", détaille Éric Fajole, directeur d'Ubifrance Turquie. À quoi s'ajoutent deux avantages de taille : une fiscalité attractive et une exonération des droits de douane (sauf pour les produits agricoles), puisque la Turquie est membre de l'Union douanière de l'Union européenne.
Plateforme de réexportation
Si la "petite Chine de l'Europe" a longtemps attiré les grands comptes, Renault en tête, à la recherche de coûts de production minimes, le pays a désormais dépassé le seul credo du low cost. " Certes, les coûts y sont 20 % moins élevés qu'en France, mais les entreprises vont moins en Turquie pour délocaliser leur production que pour profiter du vrai savoir-faire industriel de sa main-d'oeuvre qualifiée ", indique Inane Gurbuz. Au-delà de l'automobile et du textile, le pays est friand de technologies à valeur ajoutée dans des secteurs-clés subventionnés par le gouvernement, " à l'instar de l'aéronautique, de la défense ou du ferroviaire, marché qui va bénéficier dans les dix prochaines années du plus gros poste d'investissement public et ce, pour doter le pays de lignes à grande vitesse ", souligne Éric Fajole, en citant d'autres créneaux porteurs : les biens d'équipement, l'énergie ou le luxe. Forte d'un positionnement géostratégique avantageux, la Turquie s'impose enfin comme une excellente plateforme de réexportation de vos produits vers les pays turcophones limitrophes ayant signé des accords de libre-échange (Azerbaïdjan, Kazakhstan...), ou encore ceux du monde arabo-musulman, avec lesquels l'ex-Empire ottoman entretient des liens religieux et économiques forts.
Approche partenariale
" D'une manière générale, l'offre française est très bien perçue, mais pour s'imposer sur le marché turc, encore faut-il satisfaire une condition sine qua non : trouver, en amont, le bon relais ou partenaire et ce, pour proposer une offre compétitive propre à capter la clientèle turque dans un marché concurrentiel ", développe Raphaël Esposito. Si l'année 2013 a été " celle de la croissance du nombre de PME françaises oeuvrant en Turquie, comme le rappelle Éric Fajole, la grande tendance, pour certaines, a donc été de faire le choix d'une acquisition ou d'une joint-venture. Nous les avons assistés pour favoriser les meilleures alliances ".
Pour pénétrer ce pays émergent, n'hésitez donc pas à mutualiser votre savoir-faire avec celui d'acteurs locaux. " Il faut privilégier une approche partenariale à long terme et, surtout, nouer une relation de proximité, en vous rendant régulièrement sur place ", conseille Raphaël Esposito. De quoi favoriser la confiance avec vos partenaires turcs, " des businessmen chaleureux offrant un accueil à l'orientale, mais aussi de fins négociateurs. Ils sont cependant parfois hésitants dans leur communication et n'osent pas toujours dire non ", conclut Éric Fajole. Alors, prêts à exploiter le filon turc ?
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(1) Brésil, Russie, Inde, Chine.
Témoignage
"Nous espérons viser la clientèle turque mais aussi des pays étrangers tels que les États-Unis"
Guillaume Verney-Carron, dirigeant de Verney-Carron
Depuis plusieurs années déjà, Verney Carron, PME familiale spécialisée dans la fabrication de fusils de chasse, fait du business avec la Turquie. "Ce pays s'est d'abord imposé comme une zone de sourcing de choix pour notre société, explique Guillaume Verney-Carron. Et ce, en y achetant diverses matières premières, telles que le bois de noyer, un composant essentiel pour la conception de nos armes de luxe." Si la PME réalise 40 % de son chiffre d'affaires à l'international, la Turquie ne constitue toutefois pas, pour cette dernière, une zone-clé d'exportation. "Nous évoluons dans un secteur complexe, où les réglementations varient d'un pays à l'autre. Aussi, en Turquie, il est encore compliqué d'exporter nos fusils. D'autant que, comme de nombreux pays émergents, la Turquie dispose déjà de bon nombre de marques locales dont les consommateurs locaux sont friands."
Aussi, pour conquérir sa place sur un marché concurrentiel, le dirigeant n'a pas hésité à employer les grands moyens en intégrant, fin 2013, le capital d'un de ses trois fournisseurs. "Via la prise de participation minoritaire dans cette entreprise de croissance, jeune et dynamique, nous allons pouvoir mettre en oeuvre un partenariat de coconstruction fructueux favorisant la mutualisation de nos savoir-faire." De quoi favoriser l'intégration de la PME sur les marchés d'entrée de gamme, un créneau sur lequel elle est encore peu présente. "La Turquie est une destination idéale pour la production à moindre coût de fusils aux tarifs très compétitifs. En jouant une telle carte, nous espérons non seulement viser la clientèle turque mais aussi des pays étrangers tels que les États-Unis."
Verney-Carron
Activité : Fabricant d'armes de chasse et de défense
Ville : Saint-Étienne (42)
Forme juridique : SA
Dirigeants : Jean Verney-Carron, président du directoire, 44 ans et Guillaume Verney-Carron, directeur général du directoire, 39 ans
Année de création : 1820
Effectif : 97 salariés
CA 2013 : 11,5 M€