Présidentielle 2017 : les conséquences d'un retour au franc pour les PME
Marine Le Pen propose un programme économique fondé sur une sortie de l'euro et un retour au franc. Quelles conséquences concrètes pour les entreprises ? Éléments de réponse avec l'Institut Montaigne.
Je m'abonneLe retour au franc pourrait créer une récession économique de 3 % dans l'année de sa mise en application et de 9 % à terme, c'est-à-dire à un horizon de plus de cinq ans. C'est ce qu'estime l'Institut Montaigne, think tank libéral, dans un décryptage du programme de Marine Le Pen. Une promesse faite de longue date par la candidate, auquel sa profession de foi pour la second tour ne fait toutefois plus référence, avec la disparition de la notion de "souveraineté monétaire". Notion toujours présente dès le premier point de son programme présidentiel en 144 engagements.
Les PME seraient touchées à plusieurs titres par la sortie de la monnaie européenne. Selon les estimations de l'Institut, elle entraînerait, en premier lieu, une dépréciation "de l'ordre de 15 %" de la nouvelle monnaie (15 à 20 % selon Terra Nova, ancré à gauche et qui a croisé plusieurs estimations dans une note consacrée au sujet). Le retour au franc entraînerait aussi un départ des capitaux, français comme étrangers, pour se protéger de cette dévaluation.
"Le FN omet de dire que le taux de change du franc serait - sauf intervention de la Banque de France - immédiatement fixé par les marchés. La situation de déficit commercial actuelle (48,1 milliards d'euros en 2016) entraînera alors nécessairement une hausse de la demande de devises étrangères et donc une baisse du cours du franc", détaille l'Institut Montaigne.
Les entreprises et leurs clients en difficulté
Cette dévaluation ne serait pas sans conséquence sur l'emploi - dont 500 000 seraient condamnés selon le think thank - et sur la compétitivité des entreprises. "On assisterait à un renchérissement des biens importés du fait de la dévaluation de la nouvelle monnaie, notamment des matières premières, dont la France est une grande consommatrice", explique Blanche Leridon, chargée d'études à l'Institut Montaigne. Autrement dit, ces biens seraient plus chers.
Or, les entreprises qui importent pour fabriquer leurs produits finis sont nombreuses en France. "Cela pèserait sur leurs charges et sur leurs comptes de résultat", estime l'experte. Donc sur leurs prix - pour celles qui choisiront de les adapter suite à leur hausse de charges - et sur leur compétitivité.
A moins, autre option, qu'elles ne préfèrent rogner sur leurs marges pour ne pas perdre leurs clients, mettant en péril, alors, leur capacité à investir et à produire de la croissance. Les entreprises exportatrices, quant à elles, pâtiraient de la diminution du taux de change et leurs marges en seraient touchées.
A cela s'ajoute que la taille du marché extérieur pourrait se réduire si l'Union Européenne décidait d'imposer des droits de douane aux produits français (en réponse la taxe de 3 % sur les importations souhaitait par Marine Le Pen), de nature à entraîner une baisse des exportations tricolores.
A lire aussi :
- Présidentielle 2017 : le programme complet de Marine Le Pen pour les TPE-PME
- Présidentielle 2017 : le programme complet d'Emmanuel Macron pour les TPE-PME
- Le Pen / Macron : leurs mesures sur l'IS, le CICE et le temps de travail analysées
Le pouvoir d'achat des Français serait également impacté, à hauteur de 1500 à 1800 euros par ménage et par an selon Terra Nova. Une mauvaise nouvelle pour les entreprises qui vendent aux particuliers.
Des dettes difficiles à rembourser pour les entreprises
Autres conséquences immédiates d'un retour au franc : un renchérissement de la dette française et une hausse des taux d'intérêt, afin de compenser la dévaluation qui en découlerait. "Même si le FN l'affirme dans toutes ses prises de parole, la possibilité pour l'État français d'imposer à ses prêteurs un remboursement en franc n'est, à ce stade, pas avérée", avertit l'Institut Montaigne.
De même, les entreprises pourraient être fragilisées pour le remboursement de leur propre dette. "Environ 40 % de la dette des entreprises est contractée en droit anglais ou américain, estime Blanche Leridon. En cas de remboursement en franc, ces entreprises pourraient voir leurs actifs à l'étranger saisis".
Lire aussi : La Minute Du Boss : Managers : comment être à l'écoute de ses équipes et préparer l'entretien annuel ?
Mêmes difficultés pour les entreprises ayant contracté une dette auprès de porteurs français : elles ne pourraient pas pour autant convertir cette dette en francs. En effet, argue l'Institut Montaigne, elles ne pourraient pas obliger les investisseurs à acheter leur dette future émise en franc, ainsi, " pour éviter de voir leur accès au financement obligataire (par émission de dette) très diminué et à des taux d'intérêt très élevés, elles conserveraient leur dette passée en euro". Et, pour rembourser le montant principal plus les intérêts, elles devraient utiliser le franc, donc une monnaie dévaluée. "Pour un grand nombre d'entreprises, cela passerait par la cession d'actifs et, pour une fraction significative d'entre elles, pourrait les condamner à la faillite", poursuit l'Institut.
Dans le cadre de la campagne, Jean-Luc Petithuguenin, p-dg du groupe Paprec, spécialisé dans le recyclage des déchets, avait pris position pour expliquer dans une lettre à ses 4500 salariés les conséquences d'une élection du Front National sur sa propre entreprise.
L'Europe, un fardeau pour la France ?
La sortie de l'euro s'inscrit dans le cadre d'une sortie de l'Union Européenne que Marine Le Pen veut soumettre à référendum. De façon générale, la France contribue davantage à l'Union qu'elle ne bénéficie de ses aides, à hauteur de vingt milliards d'euros environ. Selon l'Institut Montaigne, l'écart est de six milliards d'euros.
Reste qu'une sortie ne signifierait pas un renvoi automatique de cette somme dans nos caisses, loin de là. "Il sera nécessaire (...) de liquider les engagements déjà pris, dont le montant peut se compter en plusieurs dizaines de milliards d'euros", estime l'Institut. Le Brexit pourrait par ailleurs avoir des conséquences sur le montant de la contribution de la France en partie solidaire du Royaume-Uni.
" Cela représenterait, certes, une moindre dépense pour l'État Français mais cette moindre dépense ne compensera en aucun cas les autres impacts négatifs d'une sortie de l'euro sur l'économie : baisse du pouvoir d'achat, hausse de la dette de l'État et des entreprises, instabilité monétaire, inflation...", complète Blanche Leridon. De son côté, la Fondation Concorde a estimé à 13 milliards d'euros les pertes liées à la sortie de l'Union Européenne.