PME : osez pousser la porte des fablabs !
Prototypage rapide, tests de matériaux, accès à un parc machines, tarifs abordables... Les "fablabs", ou ateliers de fabrication numérique, présentent de précieux atouts pour innover et produire de manière accélérée. Pour les porteurs de projets et les start-up, mais aussi pour nombre de PME.
Je m'abonneNé aux États-Unis à la fin des années quatre-vingt-dix au sein du Massachusetts Institute of Technology (MIT), le concept de "fablab" (contraction de l'anglais "fabrication laboratory") déferle sur la France ces dernières années. Artilect, le premier fablab français, a vu le jour en 2009 à Toulouse. Depuis, la France abriterait plus d'une centaine de laboratoires de fabrication numérique, dont une cinquantaine d'établissements habilités par le MIT.
Ces ateliers de fabrication numérique, le plus souvent adossés à des structures associatives, sont dotés d'équipements et de machines dédiés au prototypage rapide, comme l'imprimante 3D, la découpe laser, la fraiseuse bois ou encore des logiciels de conception 3D. Si la majorité d'entre eux sont ouverts à tous les publics (makers, indépendants, étudiants, entreprises, etc.), certains établissements, comme Usine IO à Paris, se spécialisent sur une cible essentiellement professionnelle et industrielle.
Soutien de l'État
"Il existe une réelle dynamique en France, soutenue par l'action des pouvoirs publics", constate Véronique Routin, directrice du développement de la Fondation Internet nouvelle génération (Fing), think tank spécialisé sur les transformations numériques.
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Depuis la fin de l'année 2013, quatorze fablabs ont notamment reçu le soutien financier de l'État à hauteur d'environ 2 millions d'euros, dans le cadre de l'appel à projets d'aide au développement des ateliers de fabrication numérique porté par Fleur Pellerin, alors ministre déléguée aux PME, à l'Innovation et à l'Économie numérique.
Expérimentations
En régions aussi, les chambres consulaires, collectivités, universités et grandes écoles sont très impliquées. D'ACoLab, à Clermont-Ferrand, à la Fabrique d'Objets libres, à Bron dans le Rhône, La Fabulerie de Marseille ou encore le LabFab de Rennes, il devient difficile de se retrouver dans la longue liste hétéroclite des organismes se revendiquant du "mouvement". "Aucune structure ne fédère le réseau. Ce qui nuit à la visibilité globale de ces établissements, qui ont à la base des profils variés (universitaires, business, grand public, etc.)" , confirme Véronique Routin (Fing).
Ces espaces d'open innovation très prisés des porteurs de projets et start-up présentent aussi de précieuses opportunités pour les petites et moyennes entreprises. Test de nouveaux matériaux, expérimentations de procédés inédits, formation à l'utilisation d'équipements... Intégrer un fablab vous permet de retrouver une certaine agilité dans vos process d'innovation et de conception. "Ce sont des lieux où vous pouvez développer une idée de A à Z à moindres coûts et risques", résume Filipe Franco, directeur du Fablab Orléanais. [La suite de l'article en page 2]
Focus
Le FabLab Côte d'Opale
Inauguré en janvier dernier, le FabLab Côte d'Opale de Calais (Pas-de-Calais) est l'un des 14 établissements retenus dans le cadre de l'appel à projets d'aide au développement des ateliers de fabrication numérique porté par Fleur Pellerin fin 2013. Découpe laser, imprimante 3D, scierie, laboratoire numérique, découpe vinyle, machine d'emballage, fraiseuse... L'atelier, qui s'étend sur 400 m2, met un vaste éventail d'équipements à la disposition de tous les publics (étudiants, entreprises, indépendants...). Les cotisations oscillent entre 30 et 300 euros par an, selon le public. Ajoutez à cela une contribution supplémentaire pour l'utilisation des machines.
Usine IO
Si Usine IO en a tout l'air de prime abord, l'atelier de fabrication numérique basé à Paris ne se revendique pas comme un fablab au sens traditionnel du terme. Orienté vers l'accompagnement des entreprises et des indépendants, Usine IO propose les compétences pluridisciplinaires de 11 experts dans l'électronique, la mécanique, la fabrication ou encore le dessin technique, sur la base d'un abonnement mensuel à partir de 150 € HT par personne. Il propose aussi des formations et s'implique dans la mise en relation de ses adhérents. Depuis sa création fin 2014, l'atelier a attiré plus de 300 membres, dont une moitié de start-up et un quart d'entreprises plus établies.
Mise en relation industrielle
Pour les rejoindre, vous devez généralement vous acquitter d'une cotisation annuelle oscillant entre 100 euros et 500 euros hors taxes. Certains, comme Usine IO, proposent un abonnement mensuel (150 euros par mois et par personne, pour cet organisme). À cette mise de départ, vous devrez également ajouter dans quelques établissements une contribution pour l'utilisation des machines (comptez quelques dizaines d'euros par heure et par équipement).
"Ce sont des lieux où vous pouvez développer une idée de A à Z à moindres coûts et risques"
"Vous avez généralement accès à des machines dernier cri très utiles au prototypage rapide, la confection de pièces de dépannage, de pièces annexes (signalisation, marquage, etc.) ou la production de mini-séries" , souligne Étienne de Montarnal, directeur Industrie et Services aux professionnels à la CCI de l'Aisne, qui a copiloté la création de deux fablabs à Château-Thierry et Soissons.
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Vous pouvez au choix apporter vos propres matières premières ou puiser dans le catalogue du fablab (généralement payant et restreint). Au-delà de l'aspect purement technique, vous avez accès à des salles de réunion et de conférence. Un accompagnement personnalisé (lui aussi souvent payant) sur des problématiques ciblées est également possible grâce aux équipes d'experts pluridisciplinaires de ces organismes. "Nous nous investissons aussi beaucoup dans la mise en relation industrielle, qui peut parfois déboucher sur des partenariats" , assure Benjamin Carlu, cofondateur d'Usine IO.
Cap sur le collaboratif
Attention toutefois, un fablab - qu'il soit public ou privé - ne remplacera jamais un bureau d'études ou un prestataire de services. Si ces lieux représentent des facilitateurs de business à coup sûr, leur vocation première reste de donner les moyens opérationnels à la concrétisation d'idées.
Pour cela, votre implication personnelle dans le projet est d'importance primordiale. Et ce, même si vous confiez sa gestion à un collaborateur. "Les fablabs sont des lieux d'échange de bonnes pratiques avec une très forte dimension collaborative. En les intégrant, vous allez découvrir de nouveaux projets, tester des procédés et peut-être même identifier des opportunités business. Mais cela suppose de votre part une certaine ouverture d'esprit et un goût prononcé pour la collaboration", avance la directrice de la Fing, Véronique Routin. Au-delà des perspectives techniques, l'appréhension des fablabs est avant tout culturelle.
Le témoignage de Jérôme Valette, président de SigrenEa
"Nous avons mis moins de 10 jours à produire les premiers prototypes"
L'ouverture, fin 2014, du Fablab Orléanais a marqué le début d'une nouvelle ère pour la PME SigrenEa. L'entreprise spécialisée dans l'optimisation de la collecte de déchets via l'installation de boîtiers connectés dans les conteneurs, a radicalement pu revoir ses process de conception et d'innovation à moindres coûts.
Travaillant à l'adaptation de sa technologie au suivi du remplissage des compacteurs, elle a pu produire en un temps record des prototypes de boîtiers nouvelle génération, au sein du fablab. "En temps normal, il nous aurait fallu au moins cinq mois pour développer un moule abouti pour un coût total d'environ 50 000 euros. Là, nous avons mis moins de 10 jours à produire une dizaine de prototypes prêts à l'emploi pour moins de 1 000 euros!", se réjouit Jérôme Valette, fondateur de SigrenEa (également président de l'association du Fablab Orléanais), qui a pu tester l'invention directement chez des clients intéressés.
Le résultat ne s'est pas fait attendre: le dirigeant a livré une première commande de 250 unités confectionnées dans le fablab en mars 2015. "En montrant notre réactivité, nous avons renvoyé une image dynamique à nos clients." Par-delà la rapidité du prototypage, le dirigeant reste marqué par le process d'innovation collaborative qui s'est mis en place. "Tous les salariés ont apporté leurs idées. Les clients ont également participé tout comme d'autres membres du fablab." Après cette première validation du concept, il espère écouler 5 000 boîtiers en 2016, dont la fabrication sera cette fois confiée à un sous-traitant industriel.
Fiche repères : Activité : recyclage intelligent / Ville : Olivet (Loiret) / Dirigeant : Jérôme Valette, 44 ans / Forme juridique : SAS / Création en 2009 / Effectif : 13 salariés / CA 2014 : 473 k€