Les drones décollent dans l'entreprise
Premier pays à en réglementer l'usage, la France a stimulé le développement des drones civils et leur utilisation chez les particuliers et en entreprises. Et leur essor ne fait que commencer.
Je m'abonneLe 7 mars se tient à New York le premier festival consacré aux films tournés par drones. Appréciés pour les prises de vues aériennes, les robots volants s'invitent de plus en plus sur les tournages. La chaîne d'information américaine CNN vient d'annoncer son projet d'y recourir à des fins journalistiques et les constructeurs automobiles, comme Skoda ou GMC, leur ont d'ores et déjà confié la réalisation de publicités. Si l'utilisation civile des drones reste, pour le moment, l'apanage des grandes sociétés, leur technologie et leurs fonctionnalités évoluent si vite qu'il y a fort à parier qu'ils investiront, d'ici quelques années, les PME.
Déjà, près de 1100 opérateurs, principalement des petites structures, construisent des drones de toutes tailles pour des usages aussi variés que la surveillance d'ouvrages et de sites industriels, l'épandage agricole ou l'évaluation thermique des bâtiments. Et d'autres usages sont à venir. Fin janvier, la SSII grenobloise Hardis group déposait un brevet pour un système embarqué sur drone destiné à automatiser inventaires et opérations de contrôle de stocks.
À l'automne dernier, Geopost, la filiale express du groupe La Poste, réalisait avec succès son premier transport totalement automatisé d'un colis sur 1,2 km, avec pour projet de desservir les zones isolées, comme certains territoires ruraux, des îles, ou des sites en montagne. Un tournant déjà amorcé par des géants comme Amazon ou Google, qui prévoient les premières livraisons par drone à l'horizon 2016. Il est donc bien possible que, demain, les engins volants remplacent livreurs ou facteurs. "On peut aussi imaginer que, dans quinze ans, une PME disposant de plusieurs sites éloignés organise son transport de courrier interne par drone et de façon totalement automatisée", envisage Florent Mainfroy, président d'Airinov, pionnier du drone agricole.
Toutefois, les drones ne risquent pas, demain, d'inonder l'espace aérien ni toutes les PME. D'abord, car de nombreux acteurs se positionnent sur le marché qui, à terme, tendra à se restructurer. "Les drones apportent une plus-value dans des domaines comme la surveillance, l'inspection, le suivi et le recueil des données. C'est là qu'ils perdureront, avance Hubert Bérenger, responsable des nouveaux usages aériens du Pôle Pégase. Ensuite, leur utilisation en zone urbaine est loin d'être d'actualité. En revanche, ils répondent à des besoins spécifiques dans les zones plus isolées, avec des difficultés d'accès".
D'autant que c'est aussi là que les restrictions réglementaires sont les moins strictes.
Des usages encadrés
Car, si les capacités techniques des drones se développent à grande vitesse, la réglementation, elle, contraint leurs usages. Depuis l'arrêté du 11 avril 2012, les vols d'aéronefs sans personne à bord sont régis par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), qui limite la hauteur de vol à 150 mètres et impose aux opérateurs de lourdes démarches administratives comme une demande d'autorisation préalable pour tout survol de zone habitée ou protégée.
De même, l'utilisation d'un espace aérien réglementé ou les prises de vues font aussi l'objet d'autorisations spécifiques. "Ces restrictions sont dues au manque de recul sur la fiabilité des drones. Les avancées technologiques rendront les machines plus sûres, ce qui favorisera l'évolution de la réglementation, notamment sur zones habitées, et autorisera des drones plus gros et des vols plus longs", estime Rodolphe Jobard, auteur du livre Les drones : la nouvelle révolution et délégué Île-de-France de la Fédération professionnelle du drone civil (FPDC).
Déjà, la DGAC annonce, pour 2016, les premiers assouplissements sur les critères de vol, avec une augmentation des distances autorisées et une simplification administrative. Ces nouveautés doivent être définies par décret au premier trimestre 2015. Outre les freins liés à la réglementation, les constructeurs et opérateurs se heurtent à un obstacle de taille : la souveraineté de chaque État sur l'utilisation des drones civils de moins de 150 kg. "Chaque pays a sa propre réglementation. Or, pour être compétitif au plan européen, un drone doit pouvoir traverser une frontière sans que les conditions de vol, les règles liées au chargement ou la formation du pilote deviennent invalides", alerte Florent Mainfroy (Airinov).
Certains interdisent même toute utilisation des drones civils comme la Belgique ou, outre-Atlantique, les États-Unis. En Europe, l'harmonisation semble aussi nécessaire qu'envisageable. La Commission européenne a, en effet, confié à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), en avril dernier, la mission de réguler l'emploi des drones civils et d'assurer leur intégration progressive dans l'espace aérien à partir de 2016. Des normes qui couvriront non seulement la sûreté aérienne et la responsabilité en cas d'accident, mais aussi les questions liées aux données récoltées et au respect de la vie privée. Des changements qui doperont, comme en 2012, l'utilisation des nouveaux robots dans l'entreprise et, a fortiori, dans les PME.
L'explosion des drones
Émergent depuis moins de cinq ans et boosté par la réglementation de 2012, le secteur des drones civils enregistre des croissances record de près de 70% par an depuis 2013. Le chiffre d'affaires des constructeurs et des exploitants français devraient ainsi atteindre les 300 M€ en 2015. D'après l'étude sur le marché des drones civils, publiée en avril 2014 par l'organisme Xerfi, cette réussite serait portée, principalement, par des marchés comme l'agriculture de précision, l'inspection d'infrastructures ou la mesure de volume de précision où la demande est suffisamment mûre.