Le métavers : vers la création d'un nouveau modèle de travail ?
Face à la pandémie de Covid-19, bon nombre de travailleurs ont été contraints de travailler à distance. De nombreuses plateformes collaboratives se sont développées et les entreprises ont dû prendre les dispositions qui s'imposaient pour faire face à ce nouveau modèle de travail à distance. Il pourrait être encore révolutionné par le métavers, environnement virtuel permettant de travailler par écran interposé à travers un double numérisé de sa personne, ou autrement appelé un avatar.
Je m'abonneLe terme "métavers" est le fruit d'une conjugaison de "méta" et "univers", qui traduit un réseau d'environnements virtuels, une technologie immersive dans lequel les travailleurs peuvent interagir via un avatar.
Le métavers dépasse le modèle hybride présentiel-distanciel, aujourd'hui bien connu après deux années de crise sanitaire et pose des questions nouvelles en matière de droit du travail, liées notamment au statut juridique des personnes virtuelles, qu'elles soient l'employeur ou le salarié.
Qui rémunère ? Qui sanctionne ? Quelle responsabilité ? Pour qui ? Un avocat londonien résume très bien le hiatus en affirmant que « Les énigmes juridiques sont à peu près aussi diverses que les possibilités du métavers lui-même ».
Quelle loi applicable ?
Rappelons qu'en droit du travail, la loi applicable est celle de l'État dans lequel le salarié accomplit habituellement son travail (Règlement Européen n° 593/2008 du 17 juin 2008).
Or, par essence, le métavers étant par définition immatériel, la question de la loi applicable se posera donc nécessairement.
Quelle loi s'appliquerait au salarié qui serait physiquement dans un autre État que celui dans lequel il travaillerait ou participerait à une réunion via son avatar ?
Qui serait l'employeur ? Le salarié ?
A l'évidence, il parait compromis de reconnaitre aux avatars la personnalité juridique puisqu'ils ne sont qu'une copie numérique de l'utilisateur qui le contrôle. Comment pourrait-on reconnaitre des droits aux avatars des salariés et de l'employeur qui sont les figures centrales de toute relation de travail ?
Comment et par quel moyen des sanctions pourraient-être prononcées ? Comment articuler les délais qui s'imposent en matière de licenciement avec ce nouveau modèle ?
Lieu de travail virtuel ?
Si le méta-salarié ne sera plus contraint de travailler dans les locaux de l'entreprise, aura-t-il pour autant un lieu de travail fixe, qui constitue pourtant un élément essentiel du contrat de travail ?
Mise à disposition d'un espace de travail, fourniture des équipements de travail, prise en charge des frais professionnels, trajets jusqu'au lieu de travail, autant de questions qui mériteront d'être repensées.
Vers l'avènement d'un droit social du métavers ?
Pour l'heure, personne ne saurait dire si le droit actuel aura vocation à s'appliquer au monde du métavers. S'appliquera-t-il aux utilisateurs personnes physiques, indépendamment du fait qu'ils contrôlent leur avatar, ou s'appliquera-t-il directement à l'avatar en tant que nouveau sujet de droits et d'obligations ?
En somme, de nombreuses zones grises restent à explorer puisque si l'avatar, comme extension de son utilisateur pourra se voir appliquer des règles de droit classiques, quid des droits et obligations attachés à la personne humaine, notamment en termes de bien-être au travail ?
C'est peut-être finalement à la faveur d'une réduction des frais courants de l'entreprise, que ce nouveau modèle de travail pourrait trouver des promoteurs. Comme le télétravail, il présenterait un intérêt certain sur la problématique des effectifs ; du recrutement à la fin du contrat, le méta-salarié n'irait peut-être jamais sur le site de l'entreprise.
La société META (Groupe FACEBOOK) a d'ores et déjà commencé à explorer le monde du métavers et compte recruter plus de 10.000 personnes pour déployer cette nouvelle technologie immersive, laquelle génère de nombreuses inquiétudes en ce qu'elle raye la dimension humaine des rapports collectifs de travail.
Se trouvant être une source d'économies substantielles pour l'entreprise, elle pourrait néanmoins se développer à grande échelle dans les années à venir, ce qui justifie que l'on s'intéresse dès à présent à ses conséquences juridiques.
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