Arret de travail pour maladie : comment mieux maitriser les coûts
Nettement en hausse, l'absentéisme coûte cher et peut perturber l'entreprise. Qu'il s'agisse d'absences répétées ou d'arrêts maladie prolongés, la rupture du contrat de travail reste un exercice délicat. L'entreprise n'est pas totalement démunie et peut recourir à une contre-visite médicale.
Je m'abonneRompre le contrat de travail pendant un arrêt maladie ? Selon l'origine professionnelle ou non de ce dernier, il existe des critères permettant à un juge d'admettre le licenciement du salarié.
La rupture du contrat de travail du salarié en arrêt maladie n'est pas interdite
L'entreprise peut par principe licencier un salarié durant un arrêt de travail d'origine non professionnelle pour une cause indépendante de son état de santé (motif économique, insuffisance professionnelle...), notamment lorsque l'arrêt de travail survient alors que la procédure de rupture est déjà enclenchée. De même, il n'est pas interdit au salarié malade de signer une rupture conventionnelle.
Mais le juge peut aussi admettre le licenciement d'un salarié en arrêt maladie d'origine non professionnelle si certaines conditions sont réunies :
- Si la convention collective prévoit une clause de garantie d'emploi, c'est-à-dire un délai de protection durant lequel le licenciement est prohibé, l'entreprise doit attendre son expiration.
- L'employeur doit ensuite démontrer que l'absence entraîne la perturbation du fonctionnement de l'entreprise (et non pas d'un seul service). L'exercice est délicat puisque attendre un délai important témoignera que la perturbation n'est pas flagrante, et à l'inverse, un délai trop court pourra être interprété comme de la précipitation. La taille de l'entreprise, l'emploi occupé, la haute qualification du salarié, le coût de la désorganisation, la surcharge de travail des autres salariés ou la réclamation écrite de clients insatisfaits sont des éléments pertinents en ce sens.
- L'entreprise doit sans délai remplacer le collaborateur absent licencié par le biais d'un recrutement en CDI. A défaut le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, entraînant une condamnation dans les limites du barème de l'article L1235-3 du Code du Travail.
Mais le licenciement peut être nul et entraîner le versement de sommes importantes voire une réintégration, si le salarié démontre que la rupture n'est liée qu'à son état de santé, ou lorsque la maladie à l'origine de son absence résulte d'un harcèlement moral.
L'entreprise qui n'entend pas rompre le contrat peut néanmoins saisir l'opportunité de la contre-visite médicale.
L'utilité de la contre-visite médicale à l'initiative de l'entreprise
La répétition de coïncidences peut entraîner une suspicion d'arrêt de travail de complaisance, lorsque celui-ci intervient par exemple pendant une période durant laquelle l'entreprise a préalablement refusé d'autoriser une absence, ou bien à la suite d'un recadrage par la hiérarchie du salarié.
De la même manière que la CPAM peut prendre l'initiative d'un contrôle du salarié à qui elle verse des indemnités journalières, l'employeur qui est tenu de maintenir totalement ou partiellement le salaire de l'employé absent, peut de manière inopinée faire pratiquer par le médecin de son choix une contre-visite médicale au domicile de son salarié.
Qu'il s'agisse d'un acte ponctuel et ciblé, aléatoire, ou encore systématique, la transparence autour du recours à la contre-visite doit être privilégiée en informant le personnel du recours possible à la contre-visite en amont, avant même que la situation ne se présente, tant en raison de son caractère dissuasif a priori que pour ne pas instaurer un climat de travail délétère.
Soit le salarié en arrêt maladie est autorisé à sortir de son domicile pendant des horaires précis, auquel cas le contrôle peut intervenir durant le reste de la journée, samedi et dimanche inclus. Soit le salarié peut sortir librement de son domicile auquel cas il doit avertir son employeur de l'adresse et des horaires permettant l'exercice d'une contre-visite.
Le salarié absent en cas de contrôle, ou qui refuse d'être examiné sans justification, ou dont le médecin contrôleur considère que l'arrêt n'est plus médicalement justifié, perd les indemnités complémentaires versées par l'entreprise pour la période postérieure au contrôle. Il est également susceptible de voir les indemnités journalières de la CPAM suspendues.
La contre-visite peut ainsi décourager d'éventuels abus, inciter à reprendre le travail, voire déboucher sur une discussion relative aux origines de l'arrêt en vue de saines actions correctrices.
Pour en savoir plus
Elvire de Frondeville, est avocat à la Cour depuis 1996. Titulaire du certificat de spécialisation en droit du travail depuis 2004, elle fonde le cabinet Arbor en 2007. Elle est membre du syndicat d'avocats en droit social AvoSial.