Made in France : pourquoi 1083 réussit là où d'autres vacillent ?

Alors que plusieurs marques emblématiques du Made in France traversent une période de turbulence, 1083 continue d'avancer, portée par une conviction forte : relocaliser la production textile en France est non seulement possible, mais nécessaire. Rencontre avec Thomas Huriez, fondateur de cette marque drômoise qui tisse sa réussite loin des standards de la fast fashion.
Je m'abonneDébut 2025, Thomas Huriez reçoit les insignes de Chevalier de l'Ordre du Mérite. Une médaille pour saluer une aventure industrielle et humaine démarrée en 2013 avec un objectif simple : produire des jeans écoresponsables en France. « Tous nos jeans sont faits ici, à base de coton bio, recyclé ou local, avec des teintures certifiées GOTS », rappelle-t-il. L'ambition ? Offrir une alternative crédible, qualitative et durable aux géants de la fast fashion.
Face à la tempête, une boussole : l'ancrage local
La période n'est pas simple. En 2024, plusieurs fournisseurs disparaissent, fragilisés par la hausse des coûts de l'énergie. « On a un problème de production, pas de demande », confie Thomas Huriez. Contrairement à d'autres acteurs du Made in France comme Le Slip Français, qui peinent à maintenir leur activité, 1083 réussit à maintenir l'équilibre. « On ne vend pas un concept ou une tendance. Nos prix sont alignés sur ceux des marques internationales de jeans, et nos clients savent ce qu'ils achètent. » déclare Thomas Huriez.
Cette constance, 1083 la doit aussi à une stratégie de long terme : reconstruire la filière textile française. « En 2013, plus personne ne faisait de jeans en France. On a dû tout relancer : coupe, tissage, confection, délavage... » ajoute l'entrepreneur.
Magasins physiques : un choix stratégique assumé
Dans un monde qui bascule vers l'e-commerce, 1083 continue d'ouvrir des boutiques. Lyon, Paris, Nantes, Grenoble... Cinq magasins complètent la centaine de revendeurs. « Deux tiers de nos ventes se font en ligne. Mais les boutiques restent essentielles : elles permettent d'essayer, de comprendre, d'échanger. Et elles sont une sécurité. Si un jour un virus informatique bloque notre site, on sera heureux de pouvoir continuer à vendre en magasin. » déclare le chef d'entreprise.
Écologie, dès le premier fil
Chez 1083, l'engagement écologique ne date pas d'hier. « Tous nos jeans sont bio depuis 12 ans », insiste le fondateur. Ce n'est pas une option marketing, mais l'ADN du projet. « Notre but, c'est de redonner aux gens le goût du beau produit, bien fait, local. On ne fait pas de belles choses avec de mauvaises matières. »
Un combat culturel autant qu'industriel. « Aujourd'hui, 99 % de l'offre textile n'est ni bio ni locale. On est l'antithèse de ce modèle, et ça plaît de plus en plus. »
Créer, durer, transmettre
Les projets ne manquent pas : collaborations avec des créateurs comme Philippe Zorzetto, personnalités engagées comme Ibrahim Maalouf ou Denis Brogniart, et une communauté qui ne cesse de grandir. Mais le défi principal reste la pérennité industrielle. « Il faut reconstruire une filière solide, avec nos partenaires, nos tisseurs, nos coupeurs. »
Et regarder loin. « Notre ambition dans dix ans ? Être toujours là. Et que de plus en plus de Français choisissent des marques comme la nôtre, qui donnent du sens à leurs achats. »
Un appel aux politiques : exemplarité et revalorisation
« Les Français achètent plus Made in France que l'État. C'est un comble. » fustige Thomas Huriez qui plaide pour une commande publique plus exemplaire, et une revalorisation des métiers manuels. « On parle de métiers 'supérieurs' pour les voies post-bac, en oubliant la valeur des savoir-faire manuels. Pourtant, dans nos usines, on manque cruellement de main-d'oeuvre qualifiée. » se désole t-il.
Un changement de regard est nécessaire, selon lui. « Dans le sport ou la musique, la répétition mène à l'excellence. Pourquoi l'industrie serait-elle l'exception ? »
Conseil à ceux qui veulent se lancer ?
« Produire local, c'est l'avenir. On le voit dans les tensions géopolitiques, dans la raréfaction des ressources. Mais c'est un chemin difficile. Il faut garder les yeux sur le long terme. ». Avec ses 8 millions d'euros de chiffre d'affaires et ses 50 000 jeans vendus en 2024, 1083 reste un acteur modeste. Mais il est sans conteste l'un des leaders d'un nouveau modèle textile. Un modèle engagé, exigeant, et profondément français.