Storytelling : un outil indispensable pour les start-up
Le fondateur de Dailymotion voulait partager une vidéo avec des amis. Celui de BlaBlaCar cherchait un moyen économique d'aller de Paris à La Rochelle. Et la moitié des start-up de la Silicon Valley sont nées dans un garage. Le point commun entre ces histoires : leur authenticité importe peu.
Je m'abonneEst-ce que l'histoire est vraie ?
Les start-upers aiment à raconter l'histoire de leur entreprise. Apple est née dans le garage de Steve Jobs à Los Altos. Facebook dans la chambre d'étudiant de Mark Zuckerberg à Harvard... Toute société a en effet une histoire. Cette dernière détaille une expérience personnelle qui a abouti à sa création.
Ce qui est en revanche nouveau, c'est d'édifier une partie de la stratégie marketing de la start-up sur ce récit. La question n'est alors plus de savoir si l'histoire est vraie. Peu importe que Travis Kalanick et Garrett Camp n'aient pas inventé le principe d'Uber, après avoir attendu trop longtemps un taxi dans une rue enneigée de Paris. Car en racontant leur histoire, le but est avant tout de créer un lien avec leur consommateur, qui lui aussi, un jour, s'est peut-être retrouvé dans une situation analogue.
De l'importance du récit dans la communication
Dans Introduction à l'analyse structurale des récits, Roland Barthes écrit : "le récit est présent dans tous les temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés ; le récit commence avec l'histoire même de l'humanité ; il n'y a pas, il n'y a jamais eu nulle part aucun peuple sans récit." Et de conclure en ajoutant : "le récit est là, comme la vie."
Le storytelling est ainsi l'application de l'art millénaire du récit à la communication d'une entreprise. C'est une technique narrative qui consiste à favoriser le dialogue avec les consommateurs par le biais d'histoires, travaillées dans le but de générer un fort pouvoir de séduction, en jouant au maximum sur le registre des émotions.
C'est, en d'autres termes, un message publicitaire, construit à partir d'anecdotes et exploitant les leviers du récit traditionnel, pour créer un sentiment d'identification du public, et renforcer les liens entre l'entreprise et le consommateur.
Pourquoi le client croit-il au storytelling ?
Qu'est-ce qui fait que le client croit, ou qu'il a envie de croire, les trois cofondateurs d'Airbnb lorsqu'ils racontent que le concept du site est né d'une pénurie de chambres d'hôtels à San Francisco, pendant laquelle ils ont loué une pièce de la maison qu'ils partageaient ?
Pour Alexis Niki, fondatrice de l'agence StoryNova, ancienne scénariste et script doctor à Hollywood, "le storytelling est puissant parce qu'il nous parle à un niveau émotionnel profond, qui va au-delà de la raison. Nous croyons aux fausses histoires parce que nous sommes humains, et que certains de nos besoins vitaux n'ont rien d'évident ni de logique."
Le consommateur se laisse emporter par le storytelling comme par un film ou un roman, par transfert d'émotion, et parce que d'une manière ou d'une autre, il s'identifie au récit. Le storytelling est donc, aussi un art de la mise en scène qui consiste à modeler le récit de son entreprise dans le but de capter l'attention de la cible et de parvenir à la fidéliser.
Une arme essentielle pour une start-up
Dans un premier temps, avec le storytelling, le start-uper va donner du sens à la décision du consommateur d'acheter un produit ou un service, et faire en sorte que cette décision entre en collusion avec ses besoins personnels. Cette histoire va le conduire à soumettre son idée au client, à mener à bien sa "
Le récit fondateur répond également à un besoin d'ordonnancement : il permet au start-uper de comprendre son projet et de le justifier. "Le storytelling est vital pour une start-up, mais pas forcément pour sa seule communication externe, souligne Alexis Niki. Il devient aussi un cadre de gestion et une base fiable pour un processus d'évolution de la start-up." C'est pourquoi le récit fondateur se transforme au fil du temps, se réécrit sans cesse.
Convaincre son audience... et ses investisseurs
Le storytelling n'est pas seulement un outil pour séduire le consommateur. Il est tout aussi utile lorsqu'il s'agit de persuader des investisseurs au moment de la recherche d'un
Dans sa mission d'aide aux start-up pour la conception et la présentation de leur récit fondateur, Alexis Niki insiste sur le pouvoir de l'émotion : "Communiquer l'essentiel de son projet à travers son "pitch" n'est pas bien difficile. Mais les investisseurs se souviennent essentiellement des start-upers capables, à travers leur récit, de traduire l'aspect émotionnel du projet. Ceux qui parviennent à peindre un futur convaincant pour leur start-up."
Car l'investisseur va miser avant tout sur une équipe, sur l'alchimie qui existe entre des
Le storytelling : l'art de bien raconter son histoire
Trouver une bonne histoire ne suffit pas ; encore faut-il bien la raconter, l'adapter au public ciblé. Un récit bien construit est celui que s'approprie le client. "En réalité, ajoute Alexis Niki, les consommateurs s'intéressent moins au récit fondateur d'une start-up qu'à eux-mêmes, c'est-à-dire à la façon dont le service ou le produit renforce leur propre identité."
Lorsque les deux cofondateurs de Bnbsitter, un service de conciergerie pour les locations saisonnières, racontent qu'ils ont eu l'idée de leur start-up après avoir attendu des heures l'hôte de l'appartement qu'ils avaient loué au Brésil, ils font du bon storytelling. Parce que, ce faisant, ils ouvrent la porte de leur récit aux consommateurs, et invitent ceux-ci à raconter leurs propres expériences : eux aussi, sans doute, ont déjà vécu une expérience similaire.
L'objectif du storytelling est bien là : répondre à un besoin du consommateur, en lui racontant non pas une histoire, mais sa propre histoire.