[Tribune] Les entrepreneurs contribuent à la transformation du monde
Pierre Minodier est le président national 2018-2020 du CJD. Il est également vice-président engineering et associé du groupe de télécommunications Arkadin, à Montpellier. Il revient sur la notion de raison d'être de l'entreprise.
Je m'abonnePeut-on réduire une entreprise aux produits et services qu'elle propose ? Évidemment, non. Un fabricant fabrique, un conseiller conseille, un négociant négocie. Mais un menuisier ne fait jamais que fabriquer des meubles. Il transforme une matière naturelle et renouvelable, en unissant les talents de ses collaborateurs aux siens, pour permettre à ses clients de mieux vivre dans la maison qui accueille leur famille.
Si l'on demande à n'importe quel entrepreneur ce qui l'anime et à n'importe quel salarié ce qui le motive, la réponse sera la même : le sens de l'action.
Pourquoi m'investis-je autant ? Pour qui ? Dans quel but intime ? Parce que mon activité professionnelle me permet de m'accomplir en tant qu'individu connecté à d'autres individus.
Le CJD prône, depuis plus de 80 ans, une économie "au service de l'Homme". En cela, il ne dit pas autre chose. L'aventure entrepreneuriale est une aventure humaine.
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Un dirigeant ne dirige jamais une machine, mais celle ou celui qui actionne la machine ; il ne conçoit jamais un produit ou un service pour lui-même, mais pour les personnes qui en bénéficieront. Une entreprise embarque dans sa dynamique une foule d'interlocuteurs : salariés, actionnaires, clients, fournisseurs, riverains... À contrario, les crises financières sont le triste exemple de ce qui arrive lorsque l'humain disparaît derrière le capital.
Pour un entrepreneur, l'entreprise est ainsi l'oeuvre à travers laquelle il exerce sa responsabilité "d'Homme". Et avec les nouveaux défis écologiques et scientifiques - les progrès de l'intelligence artificielle et le transhumanisme - que l'humanité doit affronter, sa responsabilité elle-même se transforme. Nous devenons tous coresponsables du vivant : de l'humanité elle-même, de la biodiversité et de la planète.
"Tous coresponsables" implique que chacun contribue à sa mesure à la transformation du monde, en activant les leviers qui sont à sa main, à l'instar des consommateurs qui deviennent "consomm'acteurs".
Les dirigeants d'entreprises qui entrent dans cette logique s'efforcent d'aligner leur pratique professionnelle avec leur éthique personnelle, réforment leur entreprise en conséquence et donnent l'exemple à leurs parties prenantes. Pour eux, le débat sur la mission de l'entreprise n'en est pas un.
Estimer que leur entreprise n'a pour seule "raison d'être" que la recherche du profit, c'est nier leur ambition éthique et c'est déconsidérer leurs efforts quotidiens.
La loi Pacte, qui incite les entreprises à inscrire leur raison d'être dans leurs statuts, a ouvert une brèche. Oserait-on dire : " Enfin ! "
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Il y a plus d'un an déjà, un sondage auprès des jeunes dirigeants démontrait que 80 % étaient favorables à la création du nouveau statut juridique d'entreprise à mission.
Le CJD n'est pas le seul mouvement à porter cette revendication. Quelques grandes entreprises, notamment, y voient le moyen de valoriser leurs engagements responsables. Il est le seul, en revanche, à compter 5000 dirigeants mobilisés. Et nous savons que ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières...
Pierre Minodier |