Gérer les risques psychosociaux en cas de restructuration ou de réorganisation
Les restructurations peuvent avoir un impact sur les conditions de travail des salariés. Il est donc impératif d'intégrer un volet de prévention des risques psychosociaux dans tout projet de restructuration ou de réorganisation, afin d'en garantir la validité et la mise en oeuvre.
Je m'abonneL'employeur est soumis à une obligation générale de sécurité et de prévention permanente qui s'applique également en période de restructuration ou de réorganisation. L'importance du volet de prévention des risques psychosociaux (RPS) dans ce type d'opérations s'est considérablement étendue sous l'impulsion du juge et de l'administration. Concrètement, comment l'employeur devra-t-il désormais procéder et quels sont les risques d'une prise en compte insuffisante ?
1. Les contours du renforcement du volet prévention des RPS
Que la procédure de restructuration ou de réorganisation envisagée soit soumise à autorisation administrative ou non, l'employeur doit désormais intégrer un solide volet de prévention des risques psychosociaux pour en garantir sa mise en oeuvre.
1.1. Le renforcement de l'obligation de prévention des risques psychosociaux
L'obligation générale de sécurité et de prévention en période de restructuration a évolué sous l'impulsion des tribunaux. Aucune opération de réorganisation n'échappe désormais à la nécessité de prendre en compte les RPS, dès lors qu'elle entraîne des conséquences sur les conditions de travail des salariés.
Les employeurs qui envisagent une telle opération doivent intégrer un volet de mesures spécifiquement consacrées à la prévention, qui devra s'articuler autour des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du Code du travail, qui fournissent le contenu et la méthodologie à adopter : des actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, ainsi qu'une adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
1.2. Les opérations et les acteurs concernés
Le plan de prévention des risques ne concerne plus uniquement les PSE mais toute forme de restructuration (petits licenciements collectifs, ruptures conventionnelles collectives, accords de performance collective, transferts, etc) ou de réorganisation (déménagement, changement technologique, changement organisationnel, reclassement, etc.) dès lors que le projet entraîne un « aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ». La consultation du CSE s'impose bien évidemment, mais il est recommandé d'associer d'autres acteurs, comme le DRH et le DAF, le service de santé au travail et les représentants du personnel. L'élaboration en amont d'une étude pertinente permettra de favoriser l'acceptation du projet et d'accélérer les délais d'information-consultation du CSE.
Lire aussi : Cause et prévention des risques psychosociaux
2. Mise en oeuvre du volet prévention des risques : mode d'emploi
Le dirigeant doit procéder à une véritable étude d'impact afin d'établir un plan de prévention des risques psychosociaux.
2.1. Procéder à une étude d'impact...
Cette étude doit s'effectuer sur toute la durée du projet et prendre en compte le contexte spécifique de l'entreprise, tout comme le type d'opération envisagée. Elle doit s'organiser autour de deux axes fondamentaux :
- les risques : anticiper ceux déjà existants et qui peuvent s'accroître, tout comme ceux qui ne sont pas encore identifiés, mais sont susceptibles de surgir à l'occasion de l'opération ;
- les dispositifs de prévention : identifier ceux qui existent déjà, se demander s'ils seront suffisants et le cas échéant, en envisager de nouveaux.
Le dirigeant pourra, s'appuyer sur le document unique d'évaluation des risques professionnels, qu'il devra mettre à jour à l'occasion de l'opération. Il devra également lister les accords d'entreprise qui concernent les conditions de travail afin d'évaluer leur pertinence et les améliorer le cas échéant. L'étude devra ensuite être complétée en répertoriant les risques spécifiques liés au projet de restructuration, comme par exemple : la charge de travail affectée temporairement ou durablement, la modification des cadences et rythmes de travail, la mise à disposition de nouveaux outils, l'augmentation de la polyvalence des salariés, la mutualisation des services ou au contraire son atomisation.
2.2. ... afin de réaliser un plan d'action pertinent et suffisant
Ensuite, le dirigeant devra élaborer un plan pour prévenir les risques identifiés au moyen de dispositifs de prévention et de curation qui s'organisent en trois séquences : agir préalablement à l'apparition du risque, agir dès l'apparition du risque pour éviter son évolution, mettre en place des mesures curatives en cas de développement du risque.
Cela peut se traduire par un dispositif d'évaluation des impacts humains et des changements, un soutien spécifique aux managers de proximité, la mise en place d'un processus de communication prévoyant des réunions de service et des séminaires, ou encore la mise en place d'un dispositif d'écoute et d'accompagnement par le service de santé au travail.
Lire aussi : Risques psychosociaux (RPS), comment les prévenir ?
3. Les sanctions en cas d'absence ou de prise en compte insuffisante des RPS
Concernant les procédures soumises à décision administrative, le projet sera soumis à l'homologation ou la validation de l'administration : dans cette hypothèse, celle-ci veillera au respect de la procédure d'information-consultation des représentants du personnel, appréciera également la prise en compte du volet prévention des RPS. Les juridictions administratives pourront également prononcer la nullité des décisions administratives, si le projet ne comporte pas de mesure suffisante.
Enfin, les procédures exemptes de décision administrative ne sont pas à l'abri d'une sanction, puisque les CSE sont recevables à solliciter du juge judiciaire la suspension du projet s'ils parviennent à démontrer que la consultation au titre de la prévention des risques n'a pas été menée ou sinon de manière insuffisante.
Pour en savoir plus
Aurélie Kamali-Dolatabadi est l'associée en charge du département droit social de Velvet Avocats.
Elle accompagne ses clients sur toutes les questions de relations individuelles et collectives du travail, l'épargne salariale, la protection sociale. Elle les conseille également dans le cadre de restructurations et de cessions d'entreprises.
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Marion Narran-Finkelstein est avocat au barreau de Paris depuis 2019 et docteur en droit de l'Université de Montpellier I.
Elle assiste Aurélie Kamali-Dolatabadi en droit social.